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Archive pour la catégorie 'BOND Ward'

Héros à vendre (Heroes for sale) – de William A. Wellman – 1933

Posté : 30 septembre, 2013 @ 1:13 dans 1930-1939, BOND Ward, WELLMAN William A., YOUNG Loretta | Pas de commentaires »

Héros à vendre (Heroes for sale) – de William A. Wellman – 1933 dans 1930-1939 heros-a-vendre

Cette curiosité tournée alors que la Grande Dépression n’en finissait plus de plonger des Américains dans la misère est à la fois une merveille de mise en scène, et l’un des films les plus forts consacrés à cette période guère glorieuse pour les Etats-Unis. En à peine plus d’une heure, le grand Wellman aborde des thèmes aussi forts que le sort des vétérans de la Grande Guerre, la chasse aux « rouges », la misère galopante et la folie du capitalisme jusqu’au boutiste.

Wellman ne signe pas un documentaire sur l’Amérique. Son film est une vraie fiction, le destin d’un homme profondément courageux et honnête, symbole des symboles de l’Amérique, victime d’une société qui, dans la crise (que ce soit la guerre ou la dépression) perd ses repères. Dans le rôle central, Richard Barthelmess est parfait. Son physique solide, et son regard déterminé, traversent les épreuves avec une dignité qui colle parfaitement au film.

Les vingt premières minutes, dans les tranchées françaises, sont parmi les plus beaux moments consacrés à la première guerre mondiale. Lui-même vétéran de la mythique escadrille Lafayette, Wellman sait ce qu’est la réalité du champ de bataille, et cela se sent dans sa manière de filmer les combats, et ces hommes forcés d’affronter la violence. Devant sa caméra, l’acte d’héroïsme qui sert de base au film ressemble surtout à un immense gâchis humain. Il n’exalte pas le héros, pas plus qu’il ne condamne ou ne juge le lâche… On sent chez Wellman une compréhension, et même un amour sincère pour ces types que les circonstances ont menés sur le champ de bataille, quel qu’y soit leur comportement.

Après ces vingt premières minutes exceptionnelles, Wellman semble vouloir brasser trop de thèmes : les traumatismes des vétérans, les addictions à la drogue des blessés de guerre, la non-reconnaissance de la société américaine… Lorsqu’il met en scène un personnage de communiste caricatural et franchement ridicule, le sentiment de trop plein n’est pas loin. Mais ce n’est qu’une fausse piste. Le film, à travers le destin de ce vétéran trop attentif au destin de ses semblables, se recentre alors sur les dérives de l’Amérique. Wellman signe un grand film politique qui, quinze ans plus tard, l’aurait sans doute conduit devant la commission McCarthy : une ode à l’entraide, et une critique d’une grande force de ce capitalisme qui dévore les plus pauvres et enrichit les plus riches.

Trois ans avant Chaplin et ses Temps modernes, Wellman évoque déjà le sort des petits ouvriers victimes de la déshumanisation du travail. Avec moins d’humour, certes, mais avec la même tendresse, et la même honnêteté. Et le même cynisme du destin : dans les deux films, le héros est condamné à la prison parce qu’il est considéré, à tort, comme le meneur d’une manifestation.

Plus curieux, et plus dérangeant : son Amérique en crise, avec les comportements inhumains des dirigeants, donne le sentiment que le monde est au bord de la rupture. Une phrase d’un immigré allemand (« si j’étais au pouvoir, je tuerais tous les pauvres et les inutiles »), et la vision des sans-abris que l’on amasse sans ménagement dans un wagon sans fenêtre, évoquent des heures encore plus sombres que Wellman ne peut pas encore imaginer.

Héros à vendre est un chef d’œuvre cruel, émouvant, mais aussi curieusement dénué de tout pessimisme, qui irradie aussi de la présence (et de l’absence, dans la dernière partie) de Loretta Young, sublime comme toujours, qui donne une profondeur, et une vie tout simplement, à un personnage loin d’être le plus intéressant du film.

Il y a des idées de mise en scène absolument géniales dans Héros à vendre. Barthelmess qui retrouve son pote soldat sur le bateau qui les ramène aux Etats-Unis, qui lui serra la main et réalise que cette main tient la médaille qui lui était destinée à lui. En un échange de regard, tout est dit entre ces deux hommes : la honte et la culpabilité de l’un, et la compréhension de l’autre, suffisamment courageux pour affronter son destin, qui semble déjà écrit.

Pas d’apitoiement ici. Malgré les tragédies qui frappent Barthelmess (et il y a de quoi déprimer tout un régiment), le personnage garde toute sa foi en l’Amérique. Ce qui s’applique sans doute à Wellman lui-même : un cinéaste fier d’être américain, mais parfaitement conscient des horreurs dont son pays peut être capable.

• Le film figure dans le volume 3 de la collection Forbidden Hollywood, coffret DVD en zone 1entièrement consacré à Wellman, avec commentaire audio d’un historien du cinéma, John Gallagher (mais sans sous-titres).

La Maison dans l’Ombre (On dangerous ground) – de Nicholas Ray – 1951

Posté : 18 septembre, 2013 @ 9:21 dans * Films noirs (1935-1959), 1950-1959, BOND Ward, LUPINO Ida (actrice), RAY Nicholas, RYAN Robert | Pas de commentaires »

La Maison dans l’Ombre (On dangerous ground) – de Nicholas Ray – 1951 dans * Films noirs (1935-1959) la-maison-dans-lombre

La première demi-heure est hallucinante : une plongée dans le quotidien de flics abîmés par les horreurs qu’ils côtoient au quotidien. Trois flics. Deux sont mariés et parviennent à sauvegarder leur jardin secret, mais le troisième ne vit que pour les crimes sur lesquels il enquête. C’est Robert Ryan, simplement immense ici, dans ce qui ressemble fort à la matrice de tous les flics borderline qui feront le cinéma policier US des décennies à venir.

Cette première partie, filmée au plus près de ce flic au bord du gouffre, joue vaguement le jeu du polar traditionnel, en nous refilant un semblant d’enquête criminelle qui, on s’en rend vite compte, n’a strictement aucune importance. Ce qui compte, c’est le regard de Ryan, d’un noir profond, et ce qu’on y lit : un dégoût profond de ce qui l’entoure et de ce qu’il fait au quotidien. Un type à qui il reste à peine la force de s’émouvoir du dort d’une gamine tapinant dans un bar mal fréquenté.

Cette première partie donne le ton immédiatement. Mais Ray, cinéaste d’une modernité étonnante, ne plante le décor d’un polar urbain et poisseux que pour mieux s’en défaire. Son anti-héros, il l’envoie enquêter dans le grand Nord, comme le fera Christopher Nolan avec Al Pacino dans Insomnia, descendant évident de ce On dangerous Ground.

Là encore, l’intrigue policière, vite émousse, n’est qu’un prétexte à faire se côtoyer une poignée de solitudes abîmés par la vie. Ryan bien sûr, qui trouve l’un des plus beaux rôles d’une carrière exceptionnelle : il est de toutes les scènes, presque de tous les plans, et sa placidité qui cache (mal) un malaise abyssal, est absolument déchirante.

A ses côtés, Ida Lupino est d’une justesse rare dans le rôle d’une aveugle, évitant constamment la surenchère ou le cabotinage malvenu. Simplement dans le ton. Quant à Ward Bond, en père vengeur, il laisse peu à peu pointer une humanité bouleversante. Nicholas Ray, grand créateur formel, est un immense directeur d’acteurs. Et ses comédiens sont au sommet.

Le dernier quart d’heure se débarrasse totalement de tout semblant d’intrigue policière. Ne reste alors que deux solitudes déchirantes condamnés à tâtonner pour finir par s’effleurer. C’est tout simplement magnifique.

• Indispensable, La Maison dans l’ombre fait partie de la collection bleue RKO des Editions Montparnasse. En bonus, comme la plupart des titres de la collection : une introduction du passionné Serge Bromberg.

J’ai le droit de vivre (You only live once) – de Fritz Lang – 1937

Posté : 3 juin, 2013 @ 10:13 dans * Films noirs (1935-1959), 1930-1939, BOND Ward, LANG Fritz, SIDNEY Sylvia | Pas de commentaires »

J’ai le droit de vivre (You only live once) – de Fritz Lang – 1937 dans * Films noirs (1935-1959) jai-le-droit-de-vivre

Deuxième film américain de Fritz Lang après le formidable Furie, et toujours le même thème : celui de l’innocent condamné et lynché. Mais il y a une différence de taille : cette fois, ce n’est pas la foule, incontrôlable et inhumaine, qui lynche l’innocent, mais la société dans tout ce qu’elle a d’organisée et d’officielle.

Henry Fonda, mauvais garçon libéré de sa troisième peine de prison et bien décidé à marcher droit et à mener une vie décente auprès de sa fiancée, la jolie Sylvia Sidney. Sauf que la rédemption est une chimère, et que cette société américaine, à peine sauvée par quelques grandes âmes (le prêtre, l’avocat, deux belles personnes qui risquent leur intégrité, leur bonheur et leur vie pour le bonheur des amoureux), ne laisse guère d’espoir à un condamné en quête d’une deuxième chance.

Alors que le terme n’a pas encore été inventé, J’ai le droit de vivre est un vrai film noir, dans la lignée du génial Je suis un évadé, et avec tout ce que cela implique de tragédie, de mauvaises décisions, et de contexte social.

Ce film est un chef d’œuvre, un de plus pour Lang. De cette histoire simple et tragique, Lang fait une formidable version moderne de Roméo et Juliette, avec deux personnages d’univers très différents, que l’amour conduit vers une apothéose fatale absolument sublime.

Etonnant de voir à quel point Lang, jeune exilé accueilli comme un roi à Hollywood, se montre critique et cynique envers la société américaine. Son film est d’une ironie cruelle, à l’image d’une scène assez incroyable : à quelques heures de son exécution, Fonda est soigné dans l’infirmerie de l’hôpital, les médecins s’affairant pour s’assurer qu’il sera en bonne santé pour subir son châtiment…

Cette ironie vire au cynisme absolu lors de l’évasion, moment de bravoure annoncé qui vire au tragique absurde. Lang signe une œuvre d’une noirceur abyssale, évitant toute facilité, et tout sentimentalisme : ses personnages sont des victimes, dans une certaine manière, mais Lang ne leur enlève par leur libre arbitre, et n’en fait pas de simples pions manipulés par le destin. Fonda a sa part d’ombre : il suffit de le voir chuchoter avec hargne, les yeux exorbités, « Give me a gun », pour s’en convaincre. Et Sidney abandonne tout, jusqu’à ce qu’elle a de plus innocent en elle (son bébé) pour son homme…

On s’en doute dès les premières images : tout ça finira très mal. Après Furie, les premiers pas de Lang à Hollywood sont décidément très, très, très sombres… Et Lang a une vision de l’innocence et de la culpabilité très personnelle.

Sur la piste des Mohawks (Drums along the Mohawk) – de John Ford – 1939

Posté : 6 décembre, 2012 @ 7:52 dans 1930-1939, BOND Ward, CARRADINE John, FORD John, WESTERNS | Pas de commentaires »

Sur la piste des Mohawks (Drums along the Mohawk) – de John Ford – 1939 dans 1930-1939 sur-la-piste-des-mohawks

1939 est souvent considéré comme la plus grande année du cinéma américain. On pourrait ajouter que c’est aussi l’année la plus faste de John Ford. En quelques mois (et alors qu’il tourne Les Raisins de la Colère) sortent sur les écrans La Chevauchée fantastique, Vers sa destinée, et ce Sur la piste des Mohawks. Une liste tout simplement hallucinante !

Dans cette série de chefs d’œuvre, ce dernier film fait presque figure de curiosité, tant il est méconnu. Drums along the Mohawk, premier film en couleurs de Ford, est pourtant tout aussi réussi que les autres. En tant que formaliste, Ford est au sommet. Il n’a pas encore adopté le dépouillement relatif qui marquera ses films d’après-guerre, et chaque plan de ce film impressionne par la beauté pictural de ces cadres, et par l’utilisation des couleurs.

Le choix d’utiliser la couleur, après plus de vingt ans de cinéma, ne doit visiblement rien au hasard. La couleur est ici totalement au service du sujet : la place des pionniers américains vivant à la « frontière » en 1776, lors de l’indépendance des Etats-Unis. Les couleurs, vives et chaudes, rehaussent l’importance de cette nature à la fois sublime et hostile, d’où les Indiens (à la solde des Anglais) surgissent comme par magie, menaces quotidiennes sur la vie de ces pionniers.

Le vert des forêts, le jaune des moissons, le rouge des couchers de soleil… Les couleurs vives sont omniprésentes et envoûtantes, et semblent justifier l’amour que les pionniers ont pour ces terres isolées et éloignées des grands événements historiques qui se déroulent simultanément à l’action du film : la guerre pour l’indépendance, dont on ne voit que des menaces lointaines, l’arrivée de messagers porteurs de nouvelles inquiétantes, ou le retour d’hommes meurtris.

Ford s’intéresse à une poignée d’hommes et de femmes qui ont décidé de s’installer loin de la civilisation, dans un pays qui reste à construire, où tout reste à faire. La ferme qu’achètent Henry Fonda et Claudette Colbert symbolise parfaitement ces contrées encore sauvages : la terre est défricher, la maison est à construire ; et même là, rien n’est jamais acquis pour de bon… A travers le destin de ce couple qui quitte la civilisation pour s’installer loin de tout, dans un pays où les « voisins » les plus proches se trouvent à des heures de cheval, Ford raconte l’histoire de tous ces pionniers qui ont accompagné la naissance des Etats-Unis.

Sur la piste des Mohawks est sans doute le meilleur film consacré à cette période, notamment parce qu’il reste constamment à hauteur d’hommes, ne montrant de l’histoire en marche que ce que les pionniers en voyaient.

C’est aussi un petit chef d’œuvre de mise en scène, qui utilise constamment brillamment les décors naturels. L’apogée du film : une course poursuite à pied ébouriffante, dans le soleil levant et à travers l’immensité de la nature, où Fonda court chercher de l’aide, les Indiens attaquant le fort dans lequel se sont réfugiés les pionniers. Un moment de cinéma qui ne ressemble à aucun autre, absolument sublime.

• Le film est disponible dans un coffret formidable réunissant trois chef d’œuvre de Ford de la fin des années 30, avec Vers sa destinée et Je n’ai pas tué Lincoln. Trois grands films visuellement splendides ayant pour toile de fond la naissance des Etats-Unis.

Le Convoi des braves (Wagon Master) – de John Ford – 1950

Posté : 27 août, 2012 @ 7:30 dans 1950-1959, BOND Ward, FORD John, WESTERNS | Pas de commentaires »

Le Convoi des braves

De tous ses films (et ils sont nombreux, près de 200 recensés entre 1917 et 1966), John Ford disait que Le Convoi des Braves était son préféré. Il faut dire que ce western dépouillé et d’une grande simplicité est peut-être celui qui résume le mieux le cinéma fordien. Comme La Mort aux trousses pour Hitchcock, Le Convoi des braves semble être le film vers lequel le cinéma de Ford tendait depuis des années, voire des décennies.

En terrain familier, dans des décors qu’il connaît par cœur (Monument Valley), avec les acteurs de sa « troupe » (Ward Bond, Harry Carey Jr, Ben Johnson, Joanne Dru, Jane Darnell, son frère Francis…), Ford se permet d’attendre le mitan du film pour introduire un élément réellement dramatique : l’irruption d’une famille de redoutables hors-la-loi dans la caravane de mormons qui, jusqu’à présent, se contentait de traverser les grandes étendues de l’Ouest sauvage.

Loin de La Piste des Géants, qui racontait également la lente avancée d’une caravane vers l’Ouest (c’était vingt ans plus tôt, et réalisé par Walsh), Ford ne filme par une grande épopée spectaculaire, mais préfère suivre au plus près cette communauté qui ressemble à tant d’autres rencontrées au fil de ses films. C’est bien ce qu’il y a de plus beau dans ce western en noir et blanc aussi simple que magnifique : les « gueules », qu’elles soient crispées, agressives ou souriantes, sont filmées avec un égal amour de ses acteurs et de ses personnages. Et Ford sait filmer ces communautés hautes en couleur : l’alchimie de cette petite troupe est parfaite.

Les deux jeunes cow-boys qui acceptent de guider la caravane, sont également parfaitement dessinés. Ford donne à deux de ses seconds rôles habituels l’occasion de tenir des premiers rôles : Ben Johnson et Harry Carey Jr sont parfaits. Pourtant, c’est le charisme du génial Ward Bond qui emporte tout. Truculent, grande gueule et grand cœur, l’éternel second rôle de Ford trouve ici l’un de ses rôles les plus mémorables.

Le succès du film débouchera d’ailleurs à la création d’une série télévisée au long cours, Wagon Train, dont Ward Bond tiendra le rôle principal jusqu’à sa mort, en 1960. John Ford en réalisera même un épisode (l’excellent Colter Craven Story), qui sera son ultime collaboration avec son acteur fétiche.

Le Fils du Désert (Three Godfathers) – de John Ford – 1948

Posté : 18 mai, 2012 @ 9:29 dans 1940-1949, BOND Ward, FORD John, WAYNE John, WESTERNS | Pas de commentaires »

Le Fils du désert

Etrange western que signe Ford, comme une parenthèse au cœur de sa trilogie de la cavalerie (le film est tourné entre Le Massacre de Fort Apache et La Charge héroïque). Il y a bien un braquage de banque, des hommes de loi qui pistent des desperados, et une longue traversée du désert, autant de figures imposés du genre de prédilection de Ford. Pourtant, Three Godfathers est loin, très loin, de tous les westerns que l’on a pu voir.

Passé un vol de banque dont ne voit que la fuite (jamais la caméra ne pénètre dans la banque), le film est curieusement totalement dépourvu de scènes d’action. Pas de fusillade, ni d’empoignade ; pas non plus de course au trésor (d’ailleurs, où donc est passé le butin du braquage ? tout le monde s’en fiche, et les braqueurs les premiers), encore moins d’indiens… Qu’a-t-on à la place ? Trois hommes (John Wayne, Pedro Armendariz et Harry Carey Jr) qui se retrouvent au milieu du désert, sans eau et sans cheval, qui aident une femme à accoucher et adoptent le bébé lorsque cette dernière meurt. Trois hommes qui finissent par se prendre pour les rois mages…

Ford va loin dans la parabole, et n’évite pas une certaine lourdeur. On est à la veille de Noël ; les trois braqueurs découvrent dans un chariot échoué qui évoquent furieusement une certaine étable ; la femme (Mildred Natwick) est filmée comme une pieta, alors que le père est absent (de là à imaginer l’accouchement d’une vierge…) ; les fuyards se dirigent vers… New Jerusalem. Ford n’oublie rien, cite la Bible à longueur de film, et pense même à faire de l’un de ses mages (pardon, braqueurs) un homme de couleur : pas un Maure, western oblige, mais un Mexicain campé par Pedro Armendariz.

Cette charge biblique pourrait être indigeste. Et par moment, c’est vrai qu’on frôle le trop-plein. Mais les autres aspects du film sont tous réjouissants, à commencer par le côté comique : voir John Wayne passer de l’huile d’essieu sur le bébé qui vient de naître vaut largement le détour. Et puis il y a l’histoire d’amitié entre ces trois hommes très différents, qui nous vaut quelques beaux moments très fordiens.

Malgré l’apparition presque miraculeuse de Mildred Natwick, malgré les seconds rôles hauts en couleurs que sont Mae Marsh et Jane Darwell, le film est avant tout un film d’hommes. Ford prend un plaisir communicatif à ne filmer quasiment que des habitués de son cinéma. Les face-à-face entre Wayne et Ward Bond, en vieux shérif malin et sympathique, sont tous de grands moments, qui donnent le ton d’un film étonnamment léger. « Etonnamment », car le propos est plutôt dramatique.

Le film n’est cependant pas exempt d’une certaine nostalgie. Nostalgie donnée par cette magnifique première image du film : un cowboy à cheval dont l’ombre chinoise se dessine sur la lumière d’un soleil couchant, avec ces mots qui apparaissent : « To the Memory of Harry Carey, Bright Star of the early western sky ». Three Godfathers » (titre qui rappelle Three Bad Men, sommet du western muet, époque bénie pour Ford) est le premier film tourné par le cinéaste après la mort de celui qui fut son premier alter-ego dès 1917. C’est aussi le premier rôle important d’un certain Harry Carey Jr, qui deviendra un second rôle incontournable des westerns de Ford. Une page se referme, une autre s’ouvre.

Up the river (id.) – de John Ford – 1930

Posté : 16 avril, 2012 @ 5:37 dans 1930-1939, BOGART Humphrey, BOND Ward, FORD John | Pas de commentaires »

Up the river

Alors que les détenus d’un pénitencier s’apprêtent à jouer un match de base-ball, un zèbre passe dans la cour. Un vrai zèbre, rayé comme les tenues des prisonniers, et qui se contente de passer dans le champ de la caméra avant de disparaître comme il était venu. Une image fugitive, absurde, qui montre bien que Ford se permet absolument tout dans ce faux film de prison.

« Up the river », c’est une expression argotique qui signifie « en taule ». On ne l’entend d’ailleurs jamais dans le film, mais elle était prononcée par le héros de Born reckless, le précédent film de Ford, qui adoptait déjà un on très léger et une vraie liberté.

Cette histoire d’amitié (et d’amour) derrière les barreaux frôle souvent le grand n’importe quoi. Elle se révèle même parfois idiote, mais sympathique, à l’image de cette scène comique dans parole dans laquelle les quatre détenus d’une même cellule se volent l’un après l’autre les oreillers.

L’esprit du film est toujours bon enfant. Car ce film de prison est tout, sauf une dénonciation des conditions de vie dans les pénitenciers américains (il faudra attendre Je n’ai pas tué Lincoln pour que Ford aborde le problème). Au contraire : les prisonniers (qui s’appellent eux-mêmes « les pensionnaires ») arborent tous un large sourire, sont toujours prêts à s’entraider, entrent dans le bureau du directeur dès qu’ils le veulent, discutent avec les femmes détenues dans la prison voisine, et font copain-copain avec les nouveaux venus.

Pas de méchant à l’horizon dans cette prison (si ce n’est l’indispensable Ward Bond en gros bras plus bête que vraiment méchant), dont le « roi », Spencer Tracy, est prêt à tout pour aider son ami Humphrey Bogart, y compris s’évader pour régler son compte à celui qui le fait chanter, et s’assurer que Bogie épousera bien Claire Luce.
Mais il ne s’évade que pour la bonne cause : pas question de rater le match de base-ball qui se prépare au sein du pénitencier. Un vrai centre de vacances, je vous dis, où la fille du directeur se balade tranquillement et joue avec les prisonniers…

Film très léger et parfois très approximatif, Up the River recèle toutefois quelques moments très fordiens, comme cette première nuit en prison où les masquent tombent discrètement. Alors qu’un groupe de prisonniers chante au loin, la nostalgie apparaît dans les yeux des uns, et le désespoir se transforme en larmes dans ceux des autres. Un passage bref, mais beau.

Bogart, dont c’était le deuxième rôle au cinéma, est un jeune premier très sympathique. Sa mèche rebelle et son look de rebelle de bonne famille font bel effet. Mais on sent Ford plus attiré par le tandem viril et amusant formé par Warren Hymer et Spencer Tracy, dont c’était le tout premier rôle au cinéma. Ces deux-là ont les meilleures scènes du film, souvent muettes.

La Poursuite infernale (My darling Clementine) – de John Ford – 1947

Posté : 19 mars, 2012 @ 2:43 dans 1940-1949, BOND Ward, FORD John, WESTERNS, Wyatt Earp / Doc Holiday | Pas de commentaires »

La Poursuite infernale

« Ma’am, I sure like that name… Clementine »

Dès le générique de ce western sublime et indémodable, le ton est donné. La chanson qui donne son (étrange) titre au film résonne, presque étouffée, douloureusement nostalgique… My darling Clementine est déjà un western crépusculaire, celui d’une époque déjà en train de changer. Les légendes sont déjà écrites (les noms de Wyatt Earp et Doc Holiday sont déjà connus de tous), et la civilisation est en marche dans cette ville de Tombstone où la loi est encore approximative, mais où la société se fédère autour de la construction, hautement symbolique, d’une église.

Vingt-cinq ans avant Sam Peckinpah, quarante-cinq avant Clint Eastwood, Ford n’est déjà plus dans la naissance du mythe, mais dans sa déconstruction. Pourtant, comme il le fera lui-même avec L’Homme qui tua Liberty Valance quinze ans plus tard, ou comme Eastwood dans Impitoyable, il ne fait que rendre la légende plus forte, car plus ancrée dans la réalité.

Comme Tom Doniphon (Wayne dans Liberty Valance) dans une société qui avance grâce aux politiciens ; comme William Munny (Eastwood dans Impitoyable) ramenant soudain le chaos dans une ville qui se « civilise »… Wyatt Earp est déjà un homme d’un autre temps, qui ne se mêle à la fête que pour les beaux yeux de Clem’, et qui porte le parfum comme une aberration.

Guindé, mal à l’aise dans ses trop beaux habits et sa coiffure trop citadine, il est maladroit avec les dames et lève les jambes trop haut lorsqu’il s’agit de danser… Wyatt Earp est l’homme d’un Ouest encore sauvage, qui peine à trouver sa vraie place dans une Amérique qui s’organise et se civilise. Il n’est vraiment lui que dans les grandes étendues arides, ou lorsqu’il se rend sur la tombe de son jeune frère, dans l’une de ces scènes purement fordiennes qui donnent toute la dimension nostalgique de son œuvre.

Le film raconte les événements qui aboutissent au fameux règlement de compte de O.K. Corral, événement maintes fois raconté au cinéma (dans le film de John Sturges, dans le Wyatt Earp avec Kevin Costner, ou dans des dizaines d’autres westerns) : la fusillade qui a opposé les frères Earp et le célèbre joueur Doc Holiday, à la famille Clanton, éleveurs ayant causé la mort de deux frères de Wyatt Earp. Mais la richesse de ce film est ailleurs : dans les multiples à-côtés, dans les digressions amusantes ou émouvantes, dans l’amitié virile et belle de ces deux légendes que sont le joueur et as de la gâchette Doc Holliday, et l’ancien marshall Wyatt Earp…

Ancré dans la réalité, le film n’en prend pas moins d’immenses libertés avec la réalité historique : Virgil Earp a participé à la fusillade de O.K. Corral ; Wyatt Earp est arrivé à Tombstone pour travailler à la mine ; Holiday était dentiste, et pas chirurgien, et est mort dans son lit. Mais qu’importe. Ford est au sommet de son art, et son film n’est pas un documentaire mais l’un des westerns les plus beaux, et les plus touchants, jamais tournés.

Wyatt Earp lui-même est un personnage passionnant : Henry Fonda, alors l’acteur fétiche de Ford, lui apporte ce mélange de réalisme et de mythe qui caractérise le film. Mais Victor Mature, acteur généralement plus limité, est tout aussi formidable dans le rôle de Doc Holliday, homme à la destinée contrariée par la tuberculose. Si le personnage de Clementine (Cathy Downs) est assez terne, celui de Chihuahua (Linda Darnell), inspiré de la véritable compagne de Holliday, « Big Nose Kate » Helder, fait partie des plus beaux personnages de femmes de la filmographie de Ford.

Fort Invincible (Only the Valiant) – de Gordon Douglas – 1951

Posté : 22 février, 2012 @ 10:49 dans 1950-1959, BOND Ward, DOUGLAS Gordon, WESTERNS | Pas de commentaires »

Fort Invincible (Only the Valiant) – de Gordon Douglas – 1951 dans 1950-1959 fort-invincible

Au sommet de sa gloire, Gregory Peck interprète l’un de ses personnages qu’il affectionnait à l’époque : un héros intègre prêt à sa sacrifier pour ce qu’il croit. Ce sens du devoir est le sujet même de ce western sympathique. Lieutenant de cavalerie durant les guerres indiennes, Peck passe pour un salaud lorsque, en obéissant aux ordres directs de son supérieur, il envoie à une mort certaine son ami, qui est aussi son rival dans le cœur de la belle Barbara Payton. Considéré comme un lâche et un traître, il encaisse, toujours par sens du devoir, et décide de prendre la tête d’un petit groupe qui devra tenir « Fort Invincible », un poste avancé stratégique et intenable. Une mission suicide dont la plupart ne sortiront pas vivants…

Beau western en noir et blanc, Fort Invincible est une belle réussite, en tout cas dans sa première partie : la manière dont Gordon Douglas filme la déchéance de cet officier mis au ban de la société à laquelle il est pourtant totalement dévoué, est d’une belle subtilité, et d’une grande efficacité. Le génie en moins, le réalisateur a plutôt bien assimilé le classicisme de John Ford, son sens du rythme et son goût pour les seconds rôles hauts en couleur.

La comparaison avec Ford n’est pas anodine, et pas seulement parce que Ward Bond, incontournable acteur fordien, tient l’un des rôles principaux. Gordon Douglas s’inscrit ouvertement dans la lignée du grand borgne. Lui qui a réalisé un remake de Stagecoach (La Diligence vers l’Ouest, 1966) s’inspire ici énormément de la trilogie de la cavalerie (Le Massacre de Fort Apache, La Charge héroïque, Rio Grande), que Ford venait de boucler.

On y retrouve, comme dans les films de Ford, une vision vivante et quotidienne de la vie dans les garnisons de cavalerie, mais aussi l’importance des femmes, même dans des rôles secondaires. Le problème, c’est que Barbara Payton a la grâce d’une patate tiède, et qu’elle est très, très loin de Shirley Temple (Le Massacre…) ou de Maureen O’Hara (Rio Grande).

Le problème aussi, c’est que n’est pas Ford qui veut, et que si Gordon Douglas est un bon élève, son talent n’effleure pas le génie du maître. Après une première partie tendue et palpitante, Douglas se perd un peu dans un affrontement interminable entre le petit groupe (style 12 Salopards avant l’heure) et les Indiens belliqueux. Dans cette dernière partie, Douglas confirme son talent dans les scènes d’action (heureusement nombreuses), mais révèle ses limites dans les tout aussi nombreux moments de calme.

On ne boude pas son plaisir : Gregory Peck est impérial, Ward Bond est un second rôle comme on n’en fait plus, et Barbara Payton est une patate tiède qui n’a droit qu’à une poignée de scènes bien suffisantes…

Le Massacre de Fort Apache (Fort Apache) – de John Ford – 1948

Posté : 25 avril, 2011 @ 11:08 dans 1940-1949, BOND Ward, FORD John, WAYNE John, WESTERNS | Pas de commentaires »

Le Massacre de Fort Apache

Ford s’inspire du général Custer pour ce classique absolu. Mais il ne s’en sert que comme matrice à un western très personnel, à la richesse infinie. C’est aussi le premier volet de sa fameuse trilogie de la cavalerie, que viendront compléter La Charge héroïque et Rio Grande, au cours des deux années suivantes. Dans ces trois films, Ford s’évertue à donner une image humaine et complexe de ces cavaliers qui, jusqu’à présent, se contentaient d’apparaître à l’écran au galop et au son du clairon, sauvant les pionniers d’un scalpage certain.

La richesse de ces films, et de Fort Apache en particulier, réside dans les personnages, dans leur complexité, dans l’opposition entre leur éducation (de bonne famille pour les officiers, souvent irlandaise pour les soldats bagarreurs et amateurs de whisky) et leur vie spartiate et retirée du monde civilisé, dans les rapports virils entre hommes, dont Ford s’est toujours fait le meilleur des peintres.

Il y a tout ça dans Fort Apache : un poste de cavalerie situé à la frontière, des Irlandais forts en gueules, des bals très arrosés, des cavalcades à Monument Valley, des femmes qui attendent le retour qui n’arrivera jamais, et même Henry Fonda et John Wayne. Bref, tout John Ford est là. Non pas comme un résumé complet de toutes ses thématiques, mais comme une somme absolue, un film parfait qui serait à lui-seul l’œuvre de toute une vie.

De ce film presque dénué de fil conducteur (le nouveau commandant d’un fort reculé prend ses fonctions, et se montre vite tyrannique, avide de prouver sa valeur à ses propres supérieurs, afin de gagner la reconnaissance, une médaille, et surtout le retour à la civilisation), Ford fait l’une des œuvres-charnières de sa filmographie. Le seul film à mettre en scène deux des acteurs fétiches du cinéaste (Fonda et Wayne, donc), et qui sert de trait d’union entre le Ford d’avant-guerre et celui qui, désormais, allait se tourner de plus en plus régulièrement vers le western et des héros bruts et virils, personnalisation de l’Amérique à laquelle John Wayne apportera sa carrure.

Henry Fonda, le héros idéaliste de Vers sa destinée, Les Raisins de la Colère ou Sur la Piste des Mohawks est ici une véritable ordure. Un véritable être humain, mais tourné entièrement vers sa propre frustration et son ambition personnelle, prêt à sacrifier ses hommes, à rompre ses promesses (mais que vaut une parole donnée à un Indien ?). Le vrai héros selon Ford, c’est Wayne, bien sûr, officier intègre et courageux. Mais cet Américain-type est destiné à rester dans l’ombre, alors que le tyran gagnera une aura de modèle à suivre, de chevalier blanc, par la grâce de journalistes qui imprimeront la légende, parce qu’elle est plus belle que la vérité filmée par Ford.

Ça ne vous rappelle rien ? La thématique que Ford développera dans L’homme qui tua Liberty Valance, bien sûr, mais traitée ici avec davantage de cynisme encore. Parce que dans Fort Apache, la légende n’immortalise pas un futur Sénateur intègre qui défendra les petites gens à Washington (Stewart dans …Liberty Valance), mais un tueur d’indiens, officier aveuglé par ses propres démons, à l’origine de l’un des pires massacres de l’histoire de la cavalerie. Ce thème est particulièrement symptomatique de l’état d’esprit du cinéaste qui, après des années consacrées à la guerre, qu’il a vécue de l’intérieur, a visiblement perdu ses illusions, et pour qui les grandes valeurs purement humanistes qu’il développait dans les années 30 ont pris un sacré coup dans l’aile. Le film est aussi, près de vingt ans avant Les Cheyennes, le premier grand plaidoyer pro-Indiens de Ford, qui dépeint un peuple bafoué, belliqueux parce qu’il est traité comme un troupeau de bêtes.

Dans ce film purement fordien, le cinéaste dirige la quasi-totalité de ses acteurs fétiches : Fonda et Wayne, donc, mais aussi Ward Bond, Victor McLaglen, Anna Lee et Jack Pennick, fidèles parmi les fidèles, George O’Brien, son héros de la fin du muet qu’il retrouve pour la première fois depuis 1931, et Shirley Temple, que Ford avait déjà dirigée onze ans plus tôt (dans La Mascotte du Régiment, alors qu’elle n’avait que 9 ans), et qui se retirerait définitivement des écrans l’année suivante, après une poignée d’autres films tombés dans l’oubli.

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