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Archive pour la catégorie 'BOND Ward'

Les Conquérants (Dodge City) – de Michael Curtiz – 1939

Posté : 9 octobre, 2016 @ 8:00 dans 1930-1939, BOND Ward, CURTIZ Michael, WESTERNS | Pas de commentaires »

Les Conquérants

En 1939, tout change pour le western, cantonné depuis le début de la décennie à de modestes productions. John Ford redonne ses lettres de noblesse au genre, et la Warner fait de Dodge City l’un de ses films prestigieux avec des moyens immenses, un réalisateur prestigieux, et des stars de premier plan, Errol Flynn et Olivia de Havilland, le couple-vedette de plusieurs grands films d’aventures de la Warner.

Michael Curtiz a donc les moyens de ses ambitions pour ce grand western épique et intime à la fois. Les moyens et visiblement une vraie liberté. Le cinéaste signe non seulement l’une de ses mises en scènes les plus impressionnantes, mais il s’offre aussi, comme de petits plaisirs gourmands, une poignée de plans superbement cadrés et éclairés, véritables tableaux filmés qui exaltent l’harmonie entre l’homme et la nature, plans qui émaillent tout le long métrage.

Un chariot surplombant une vallée baignée dans la brume ; un groupe de cavaliers dont l’image se reflète dans une rivière paisible ; un couple s’éloignant au soleil couchant… Des images fugaces, mais d’une beauté renversante, qui donnent curieusement un ton unique à ce film au superbe Technicolor. Curtiz prouve avec ce film qu’il n’est pas juste l’habile faiseur que l’on présente souvent, mais qu’il peut être un véritable auteur, qui sait créer une intimité inattendue dans n’importe quelle circonstance. C’est notamment ce qu’il fait avec ses beaux plans entre Olivia et Errol filmés de l’intérieur d’un chariot en mouvement.

Si le film est aussi réussi, c’est aussi parce qu’il trouve le parfait équilibre entre l’intime et le spectaculaire : cette hallucinante bagarre de saloon est un moment de cinéma que l’on n’est pas prêt d’oublier, comme cette impressionnante fusillade dans un wagon en feu… Et aussi parce que Curtiz ose les vraies ruptures de ton, qui lui permettent de passer avec efficacité et élégance d’une scène de quasi-comédie à la mort forcément tragique d’un enfant. Gonflé, casse-gueule, et parfaitement réussi.

Le Sang de la Terre (Tap Roots) – de George Marshall – 1948

Posté : 19 février, 2016 @ 8:00 dans 1940-1949, BOND Ward, MARSHALL George, WESTERNS | Pas de commentaires »

Le Sang de la terre

Évacuons tout de suite la comparaison incontournable pour toute grande production évoquant l’irruption de la guerre de Sécession dans un grand domaine du Sud : oui, Le Sang de la Terre lorgne du côté de Autant en emporte le vent, non seulement pour son décor, mais aussi pour son couple vedette, une héritière au caractère bien trempé et un séducteur un rien cynique…

Voilà pour la comparaison. Mais ce beau western romanesque et spectaculaire vaut bien plus qu’un sous-quoi que ce soit. Ne serait-ce que pour son sujet, original et passionnant : dans le Sud sur le point de faire sécession, une vallée riche et paisible décide à son tour de faire sécession de l’état sécessionniste dont elle refuse d’épouser la cause et surtout la posture belliqueuse.

Plutôt rare de faire de ses héros des hommes et des femmes qui désirent plus que tout rester en dehors de l’histoire en marche. A vrai dire, le film ne va pas tout à fait au bout de ce sujet fort, restant surtout très évasif à propos de la condition des noirs qui travaillent dans cette vallée, et n’évoquant que subrepticement la question de l’esclavagisme.

Pourtant, la guerre civile prend un visage plus absurde que jamais avec cette vallée idyllique qui finit par voler en éclat à force de vouloir rester à l’écart, la lutte fratricide se résumant même à un affrontement totalement personnel et intime. Belle idée, qui trouve son épilogue lors d’une bataille d’une grande intensité au coeur des marais, superbe scène intense et tragique.

George Marshall n’est ni Raoul Walsh, ni Anthony Mann, mais il « fait le job » très efficacement, avec un sens du rythme parfait, et en réussissant toutes les grandes scènes clés du film. Souvent avec sobriété, comme lorsque le personnage de Van Heflin affronte du regard, sans un mot, la foule venue le lyncher. Ou lors de l’accident de cheval qui paralyse Susan Hayward, accident que l’on ne voit tout simplement pas.

Quant au casting, il est aussi improbable qu’impeccable, entre Van Heflin (dont la voix profonde donne une intensité rare à la moindre de ses répliques) et Susan Hayward (un rôle en or pour cette belle actrice mésestimée), entre Ward Bond (formidable en patriarche) et Boris Karloff (étonnant dans l’un de ses rares rôles totalement positifs), sans oublier l’incontournable Arthur Shields, une nouvelle fois en pasteur.

Bref, que du bon dans ce western épique et dramatique, qui offre un regard original sur les ravages de la guerre et l’impossible neutralité…

Les Hommes de la mer (The Long Voyage Home) – de John Ford – 1940

Posté : 3 janvier, 2016 @ 8:00 dans 1940-1949, BOND Ward, FORD John, WAYNE John | Pas de commentaires »

Les Hommes de la mer

Y a-t-il, dans toute l’impressionnante filmographie de John Ford, un film plus purement fordien que ces Hommes de la mer ? Pas sûr… La camaraderie qui se noue dans un petit groupe coupé du monde, la nostalgie de l’Irlande, les hommes entre eux qui ne laissent aucune place à la femme et qui pourtant ne pensent qu’à elle… Tout le cinéma de Ford, le plus hyper romantique romantique des cinéastes ultra-viril, est là, dans son aspect le plus pur et dépouillé, dénué de tout argument romanesque.

1940 : c’est peut-être la période la plus glorieuse de Ford. En l’espace de quelques mois, il tourne La Chevauchée fantastique, Vers sa destinée, Les Raisins de la Colère ou encore Qu’elle était verte ma vallée… Quelques-uns des grands chefs d’œuvres du cinéma, quelques-uns de ses meilleurs films. Ceux qui, plastiquement, sont sans doute les plus impressionnants. Les Hommes de la mer est de ce niveau-là.

Visuellement, le moindre plan est splendide, sublime photographie où la nuit et la brume soulignent constamment la solitude de ces hommes qui partagent le même quotidien au milieu des océans, mais dont l’histoire personnelle semble murée derrière ces regards perdus… Adapté de plusieurs pièces d’Eugene O’Neill, le film se passe parfaitement d’une intrigue à proprement parler : Ford ne s’intéresse qu’à ces portraits d’hommes hantés par leur passé, qui se créent une communauté tellement imparfaite, mais tellement réconfortante.

John Wayne, déjà tête d’affiche, se contente essentiellement d’être dans le cadre, laissant le beau rôle à Ward Bond, Ian Hunter et surtout Thomas Mitchell. Mais son personnage est un fil conducteur fascinant : un jeune Suédois qui promet à chaque voyage de retourner dans sa ferme familial pour revoir sa vieille mère avant qu’elle ne meure. Il est le seul personnage à avoir encore une attache avec la terre ferme, et à travers lui, ses compagnons soulagent leur propre nostalgie du passé…

Mais c’est un univers cruel que Ford filme. Rude en pleine mer, glaçant et effrayant à terre, le quotidien de ces marins coupés du monde donne lieu à des passages bouleversants : la mort de Ward Bond, le piège dans lequel tombe le pauvre Duke, l’esprit de camaraderie et l’empathie de ces brutes tellement humaines… The Long Voyage Home (le titre original est sublime) est une œuvre fascinante et déchirante. L’un des sommets méconnus de l’œuvre fordienne.

* Largement mésestimé par rapport aux grands classiques de Ford sortis à la même période, Les Hommes de la mer est surtout mal connu, car rarement montré. Sa sortie en DVD (chez Arcadès) est l’occasion de découvrir ce chef d’œuvre, qui plus est dans d’excellentes conditions. Et en bonus, un intéressant entretien avec Julien Leonard, le rédac chef du site DVD Classik.

L’Aigle des frontières (Frontier Marshall) – de Allan Dwan – 1939

Posté : 27 mai, 2015 @ 5:55 dans 1930-1939, BOND Ward, CARRADINE John, DWAN Allan, WESTERNS, Wyatt Earp / Doc Holiday | Pas de commentaires »

L'Aigle des frontières

En l’espace d’à peine douze ans, le livre de Stuart N. Lake évoquant la rencontre de Wyatt Earp et Doc Holiday, et le fameux duel à O.K. Corral a été adapté trois fois : en 1934 par Lewis Seiler, en 1939 par Allan Dwan, et bien sûr en 1946 par John Ford avec le mythique My Darling Clementine. Si le film de Ford est incontestablement au-dessus du lot, celui de Dwan est plutôt pas mal non plus.

A l’exception notable de quelques scènes de dialogues particulièrement raides et manquant singulièrement de conviction, ce Frontier Marshall deuxième du nom est même une petite merveille de concision au rythme parfait. L’éternelle question de la véracité des faits qui nous sont présentés a peu d’importance : les innombrables films évoquant le parcours de Wyatt Earp adoptent à peu près tous des vérités différentes. Mais le mythe Earp est bien là, tout comme son amitié dangereuse avec Holiday, interprété ici avec sobriété par César Romero.

Difficile quand même de ne pas penser au film de Ford : ce dernier s’est visiblement inspiré de pans entiers du film de Dwan, en particulier dans la première moitié. Cela donne d’ailleurs quelques scènes passionnantes au regard du film de 1946, les deux s’enrichissant mutuellement : voir par exemple le rôle plus important donné ici à Indian Charlie, l’ivrogne que Earp met hors d’état de nuire au début du film et qui l’amène à devenir shérif, qui n’apparaîtra que brièvement chez Ford, mais qui a ici un rôle nettement plus conséquent. Il s’agit d’ailleurs du même acteur dans les deux films, Charles Stevens.

Un autre acteur apparaît dans les deux films (ainsi que dans celui de Lewis Seiler), mais dans des rôles différents : le fordien Ward Bond, qui se contente ici d’une apparition. Autre figure fordienne : John Carradine, évidemment en bad guy.

Quant à Randolph Scott, dans le rôle de Earp, il est aux antipodes des fêlures de Henry Fonda. Raide et sûr de lui, souriant et visiblement sans démon, pas vraiment du genre à se coucher face aux coups de feu. Il reste droit sans chercher à esquiver les balles dans des scènes de fusillade, souvent nocturnes, sèches et brutales. Étonnantes et remarquables.

* DVD dans la collection Westerns de Légende chez Sidonis-Calysta, avec les présentations habituelles par Patrick Brion et Yves Boisset.

Le Mouchard (The Informer) – de John Ford – 1935

Posté : 6 février, 2015 @ 6:19 dans 1930-1939, BOND Ward, FORD John | Pas de commentaires »

Le Mouchard

L’Irlande, qui habite d’une manière ou d’une autre une très grande partie de son oeuvre, a directement inspiré à John Ford quelques-uns de ses chefs d’oeuvre. Aux antipodes de L’Homme tranquille, son grand chant d’amour romanesque à la verte Erin, ce film sombre et déchirant plonge dans l’une des périodes les plus tourmentés de l’histoire irlandaise : celui de la guerre civile au début des années 1920.

Il suffit de quelques images d’une épure qui touche au sublime pour planter le décor : un gros plan sur le visage angélique de Heather Angel, figure de madone, qui baisse soudain son châle et dévoile une réalité bien glauque derrière la beauté apparente : celle d’une jeune femme poussée à la prostitution pour survivre, et au regard d’une insondable tristesse.

Pas de héros, ni de méchant dans ce Dublin des laissés pour compte. Le personnage principal, Gypo Nolan peut-être le plus grand rôle de l’imposant Victor McLaglen), n’est pas vraiment un salaud. Rejeté par l’IRA parce qu’il n’a pas pu abattre un homme, il porte à lui seul toute l’ambiguïté de l’humanité : à la fois tenté par son sens du devoir et son désir d’une vie facile, tiraillé entre un sentiment d’appartenance à une cause et ses faiblesses…

Dans un autre contexte, Gypo aurait pu être un héros. Ou une ordure. Ou un type quelconque. Mais Ford croit au destin, qui se manifeste ici par un souffle de vent qui pousse une simple affiche dans les pieds de Gypo, et qui l’incite à devenir un mouchard.

Le Mouchard est le portrait d’un homme hanté par la culpabilité, un « homme-enfant » aussi, trop profondément innocent pour assumer ses actes et les responsabilités d’un « homme de guerre ». A travers Gypo, c’est le drame de tout un peuple que Ford décrit, plongeant son Dublin dans une pénombre profonde, parsemée de quelques ilots de pseudo-insouciance où se révèlent encore plus intensément les fêlures de ces hommes.

Visuellement, le film est une splendeur, sans doute le premier chef d’œuvre absolu de Ford dans cette étrange décennie durant laquelle il enchaînera les films de commandes et les œuvres plus personnelles, et qui s’achèvera par une série de chefs d’œuvres que ce Mouchard annonce par la beauté déchirante de ses images et par son caractère profondément sombre.

Born reckless (id.) – de John Ford – 1930

Posté : 30 novembre, 2014 @ 5:00 dans * Films de gangsters, * Pre-code, 1930-1939, BOND Ward, FORD John | Pas de commentaires »

Born reckless

C’est l’un des premiers films parlants de Ford. Et comme beaucoup de ses films tournés à cette période, celui-ci est tombé dans un oubli quasi-total. La raison paraît évidente durant le premier quart d’heure : cette histoire de petits gangsters, d’amitié et de famille paraît bien mineure, au regard des grandes oeuvres passées ou à venir de Ford. Et puis techniquement, le film a les défauts de beaucoup des petites productions tournées à la va vite au début du parlant : un manque de rythme dans les dialogues qui sonne curieusement aujourd’hui, les personnages semblant constamment comprendre ce qui se passe avec un temps de retard…

Curieux mélange des genres, où le drame et la comédie ne sont jamais loin, comme dans beaucoup de Ford de cette époque d’entre-deux (entre ses sommets du muet et son âge d’or de la fin des années 30). Et puis il y a cette coupure brutale dans le film. Arrêté par la police pour un vol de bijoux, notre héros, joué par Edmund Lowe, échappe à la prison mais doit partir se battre sur le front de France à la place. Là, Ford semble plus à l’aise. Il fait des classes l’un de ces moments de camaraderie virile et presque burlesque que l’on retrouvera tout au long de sa carrière (avec des visages connus qui font de brèves apparitions : Ward Bond et Jack Pennick), et livre l’une des visions de la guerre les plus surprenantes de sa filmographie.

La guerre, dans Born reckless, se résume à deux plans qui se répondent : une colonne de cavaliers qui part vers le front, serpentant entre des épouses pleines d’espoirs dans une nuit brumeuse magnifiquement photographiée ; et cette même colonne que l’on voit traverser un champ de bataille, un chariot vide s’écrasant devant la caméra.

La guerre aura donc duré moins d’une minute à l’écran, mais le reste du film s’en ressentira profondément. Le petite film un peu maladroit révèle la profondeur de son sujet, tandis que notre voleur revient transformé par le champ de bataille. Il est question du poids de ses racines, et de la difficulté de rompre avec son passé. Edmund Lowe n’aspire qu’à être un homme bien, mais cette notion implique la fidélité avec ses anciens complices…

Pas d’issue propre possible, et pas de triomphalisme dans l’héroïsme. C’est à coups de feu que tout se règle, dans une série d’affrontements incroyablement secs et intenses. L’ombre d’Edmund Lowe se dessinant sur la porte derrière laquelle l’attend son ami d’enfance, tous deux conscients de ce qui ne peut être évité : une image du niveau de la porte qui se referme sur la silhouette de Wayne à la fin de La Prisonnière du désert.

Rio Bravo (id.) – de Howard Hawks – 1959

Posté : 18 septembre, 2014 @ 2:35 dans 1950-1959, BOND Ward, HAWKS Howard, WAYNE John, WESTERNS | Pas de commentaires »

Rio Bravo

Bon, ben voilà : Rio Bravo est un chef d’œuvre, immense, parfait, insurpassable, mythique, passionnant et génial. Et j’aurais presque envie d’arrêter là, parce que franchement, il n’y a pas la moindre nuance à apporter à ce monument du western, peut-être le sommet du cinéma hawksien.

Dès la longue séquence d’introduction, muette et magistrale, le ton est donné : dans le décor unique d’une petite ville de western tout ce qu’il y a de classique, Hawks nous invite à une déambulation extraordinaire à travers les codes du genre, qui replace le langage cinématographique et la force de l’image au cœur du film, comme à l’apogée du cinéma muet. L’utilisation du son en plus…

L’histoire est on ne peut plus classique : un shérif a arrêté un membre d’une puissante famille prête à tout pour le sortir de prison, et ne peut compter sur l’aide que d’un alcoolique et d’un vieil éclopé. Une trame au cœur de nombreux westerns, ce qui n’est pas un hasard : Rio Bravo est la réponse de Hawks à High Noon, que le cinéaste avait détesté, critiquant ouvertement le comportement du shérif interprété par Gary Cooper, qui passait son temps à quémander de l’aide auprès des habitants qu’il est censé protéger.

Hawks, lui, a une vision nettement plus virile et héroïque du western. Son héros, John T. Chance, ne pouvait donc pas être interprété par un autre que John Wayne. Dans un rôle qui pourrait être la caricature de tous ceux qu’il a tenu auparavant, Duke est absolument impérial, dans un rôle qui est pourtant, sur le papier, loin d’être le plus intéressant du film.

Dean Martin est sublime en ancien homme de loi ravagé par sa dépendance à l’alcool. Ricky Martin, malgré ses airs de jeune star en vogue, est lui aussi parfait dans la peau d’un jeune cow-boy posé. Angie Dickinson est belle à damner en femme libre et amoureuse. Et Walter Brennan, bien sûr, est fabuleux, irrésistible en vieux grincheux aux mimiques irrésistibles.

Chacun d’entre eux trouve le rôle de sa vie dans ce film, où tout sonne juste, tout est d’une fluidité extraordinaire, tout arrive comme une évidence. Pourtant, il ne se passe pas grand-chose dans Rio Bravo : malgré quelques rares éclats de violence, le film se résume dans sa plus grande partie à une interminable attente, se concentrant sur les allers et venues et sur les petits riens que vivent une poignée de personnages acculés.

Et le film est passionnant. Car ces temps morts qui font l’essentiel de Rio Bravo regorgent de vie. A travers ces quelques personnages, Hawks semble condenser les drames humains de toute une vie, et donne corps aux grandes figures de l’Ouest. Tout ça avec une grande simplicité, et dans un quasi huis-clos, ne sortant jamais de l’enceinte de cette petite ville, dont les décors sont formidablement utilisés.

On a tout dit sur cette image extraordinaire de la goutte de sang dans le verre de bière. Des séquences mythiques comme celle-là, il y en a tout au long de ce film d’une intensité incroyable. Durant ces quelques jours d’attente, une romance impossible qui se noue, un alcoolique qui lutte contre ces démons, des amitiés qui se nouent, qui se révèlent dans la durée. C’est une sorte de comédie humaine, y compris dans les moments les plus anodins. Jusqu’à l’apogée, une parenthèse dans ce western tendu. Hawks, profitant de la présence de deux acteurs stars de la chanson, fait une pause inattendue dans son récit, et permet à Dean Martin et Ricky Nelson de pousser la chansonnette. Une bulle de bien-être, qui est l’un des plus beaux passages de ce film merveilleux, un film magique grâce à un metteur en scène en état de grâce, qui réussit à trouver l’alchimie en toute chose.

Vers sa destinée (Young Mr. Lincoln) – de John Ford – 1939

Posté : 1 juillet, 2014 @ 8:33 dans 1930-1939, BOND Ward, FORD John, WESTERNS | Pas de commentaires »

Vers sa destinée

C’est l’un des sommets du cinéma fordien, un chef d’œuvre d’une beauté sidérante, nostalgique et ouvert sur l’avenir, à l’échelle d’un mythe et d’une simplicité étonnante à la fois. Depuis Le Cheval de fer, on savait la fascination qu’avait Ford pour Lincoln, figure majeure de la construction américaine.

Ce qui est beau avec ce film, c’est que Ford évoque, comme l’indique les titres français et original, la jeunesse d’une figure historique hors du commun, mais sans la moindre grandiloquence, sous les attraits d’un film de genre purement américain. Young Mr. Lincoln est un film sur la jeunesse d’un homme, mais aussi d’un pays : en empruntant les figures du western et du film de procès, genres typiquement américains, Ford plonge dans les racines de l’Amérique, pour dessiner le portrait d’un pays qui se construit dans la violence et dans la difficulté, grâce à des hommes comme Lincoln.

En dirigeant pour la première fois Henry Fonda, qui sera le héros de quelques chefs d’œuvre à venir, encore méconnu à l’époque, Ford choisit un visage modelable, dont il fait une sorte de statue, les traits à moitié dissimulés derrière un faux nez qui en fait une figure mythique, plus qu’un véritable personnage. Lincoln n’est effectivement pas un personnage comme un autre : le poids de son destin à venir est constamment présent, dans la moindre de ses paroles, dans le moindre de ses gestes.

Le sublime discours qu’il adresse à une foule en colère, sur le point de lyncher deux jeunes hommes, symbolise à lui seul tout ce que représente Lincoln dans l’inconscient populaire : un sage et un juste, qui devra faire face à la violence d’un peuple pour lequel il éprouve un amour immodéré. L’opposition entre cette figure au calme presque inhumain, et cette meute qui évoque la foule rendue folle d’un Fury (le chef d’œuvre de Lang sorti trois ans plus tôt), est bouleversant.

Si le film est si beau, c’est aussi parce que Ford n’est passé à côté d’aucun des grands moments du destin de Lincoln. Au contraire, chacune de ses étapes importantes fait l’objet d’un très grand moment de cinéma, à commencer par la mort du premier amour de Lincoln, Ann Rutledge, dont Ford choisit de ne rien montrer, préférant une ellipse extraordinaire, peut-être la plus belle de toute l’histoire du cinéma (ben oui). De la même manière, le premier discours de Lincoln, la manière dont il règle sa première affaire, sa première rencontre avec la famille de fermier qu’il défendra quelques années plus tard… Chaque étape renforce le caractère exceptionnel de l’homme, en même temps que son humanité.

Jusqu’à l’ultime image du film, sublime elle aussi : prêt à affronter son destin, le jeune Lincoln gravit une colline surplombant une ville où sa clairvoyance a amené la vraie justice, tandis que des nuages s’amoncellent, et que le tonnerre gronde au loin, évoquant les canons de la guerre civile à venir. La force de l’Histoire en marche et le plaisir simple du film de genre : c’est ce que Ford associe dans ce monument indépassable du cinéma.

La Rue sans issue (Dead End) – de William Wyler – 1937

Posté : 22 janvier, 2014 @ 1:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1930-1939, BOGART Humphrey, BOND Ward, SIDNEY Sylvia, WYLER William | Pas de commentaires »

Rue sans issue

La carrière de Bogart n’a pas commencé avec Le Faucon maltais et High Sierra. Dans les années qui ont précédé ces deux monuments, le futur mythe est apparu dans de nombreux films plus ou moins marquants, souvent dans des rôles de brute. Beaucoup de seconds rôles, dans des productions pas toujours mémorables. Mais aussi quelques pépites, en particulier ce Dead End absolument formidable, où Bogie ne tient que le troisième rôle, mais crève littéralement l’écran.

Cette « rue sans issue », c’est un quartier pauvre de New York : une rue qui ne conduit que sur les berges sales du fleuve, et dont les habitants semblent condamnés à ne jamais en sortir… Les décors (de Richard Day) sont exceptionnels, et font beaucoup pour l’atmosphère unique de ce film noir et incroyablement cruel, adapté d’une pièce à succès (Wyler en respecte d’ailleurs parfaitement l’unité de lieu et de temps) de l’époque.

Cette rue grouillante de vie et de misère est le seul décor du film. C’est aussi le seul horizon de ces jeunes (les Dead End Kids, groupe d’adolescents que l’on retrouvera dans de nombreux films dans les années qui suivent, notamment dans l’excellent Je suis un criminel de Busby Berkeley), mais aussi des quelques adultes qui ont grandi là et n’ont jamais pu partir de ce lieu sans avenir.

C’est le cas du couple vedette : la craquante Sylvia Sidney en grande sœur courage, et Joel McCrea, architecte sans emploi qui vit de petits boulots. Ces deux-là pourraient s’aimer passionnément, mais sont continuellement ramenés à leur condition miséreuse par leur entourage, par leurs difficultés au quotidien, et par l’apparition d’immeubles luxueux. Censé remplacer à terme leurs appartements insalubres, ce nouveau voisinage menace jusqu’à leur existence, les privant définitivement du moindre avenir.

Les deux stars sont parfaites, mais dans des rôles un peu monochromes. Celui de Bogart, par contre, est extraordinaire. Célèbre gangster recherché par les polices de tout le pays, Baby Face revient contre toute attente dans le quartier où il a grandi, par nostalgie. Un vrai dur qui a tout connu : le luxe, l’aventure, les femmes. Mais qui n’aspire qu’à revoir sa vieille mère et son premier amour, qui n’ont jamais quitté le quartier.

Dans ce décor de son enfance, rien ne semble avoir changé. Mais la confrontation avec ses souvenirs sera bien cruelle : sa mère rejette le tueur qu’il est devenu. Quant à son ex, que le temps a idéalisé, il la retrouve abîmée par la vraie vie : pute malade, personnage déchirant que l’immense Claire Trevor (qui n’avait pas encore tourné Stagecoach) parvient à rendre inoubliable en quelques minutes de présence à l’écran seulement. Le vrai couple de ce film désespéré, c’est bien celui-là, et c’est déchirant.

Wild boys of the road (id.) – de William A. Wellman – 1933

Posté : 11 octobre, 2013 @ 4:38 dans 1930-1939, BOND Ward, WELLMAN William A. | Pas de commentaires »

Wild boys of the road (id.) – de William A. Wellman – 1933 dans 1930-1939 wild-boys-of-the-road

Après Heroes for sale, Wellman continue de scruter cette Amérique de la Grande Dépression, en livrant une vision terriblement sombre de cette société en déliquescence qui ne peut pas même préserver ce qu’elle a de plus précieux : ses enfants. C’est aux milliers d’enfants livrés à eux-mêmes durant ces sombres années que Wellman s’intéresse ici : à ces gosses qui ont quitté des foyers exsangues pour tenter de trouver eux-mêmes un emploi. Mais comme le dit avec une triste résignation un officiel que l’on sent écoeuré par le sort des gamins qu’il est chargé d’expulser de la ville : « On n’a déjà pas de travail pour les adultes, alors pour les enfants… »

Le thème est fort, le film est bouleversant. Wellman raconte le destin de deux amis, Eddie et Tommy, qui voient leur vie voler en éclat lorsque leurs parents perdent leur emploi, et qui prennent la route, rencontrant des dizaines de jeunes comme eux. Ballottés d’une ville à l’autre, forcés de voyager clandestinement dans des trains de marchandises, les enfants sont victimes de la crise, voire d’un système. De quelques mauvaises rencontres aussi, notamment Ward Bond dans le rôle court mais mémorable d’un horrible surveillant des chemins de fer.

Le film est souvent extrêmement dur, à l’image de cette scène terrifiante au cours de laquelle Tommy perd une jambe, coupée par le passage d’un train. Wellman donne au film un rythme trépidant, et n’hésite pas à donner un ton volontiers léger dès qu’il le peut. Mais il y a toujours un drame, une larme, un simple regard… pour rappeler que les « héros » sont des enfants privés de leur foyer…

Il y a dans ce film une véritable bienveillance, qui ne ressemble en rien à de la mièvrerie. Au contraire, tout ça est filmé avec une pudeur bouleversante. L’accolade entre Eddie et son père est parfaitement retenue… elle n’en est que plus émouvante. Plus tard, c’est la tape amicale et résignée d’un officiel, ou les hésitations douloureuses d’un policier chargé d’expulser les enfants, ou encore le regard ému d’un juge qui refuse d’appliquer des règles déshumanisées…

Cette bienveillance ambiante n’enlève rien à la cruauté de la situation. Mais Wellman, grand cinéaste, et grand Américain, laisse allumée une lueur d’espoir, et affiche clairement sa foi en un avenir meilleur. Il signe au passage l’un des films les plus forts sur la Grande Dépression, et un nouveau chef d’œuvre.

• Le film figure dans le volume 3 de la collection Forbidden Hollywood, coffret DVD en zone 1entièrement consacré à Wellman, avec commentaire audio de William Wellman Jr. et de l’historien du cinéma Frank Thompson (sans sous-titres).

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