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Archive pour la catégorie '* Pre-code'

Ils voulaient voir Paris (They had to see Paris) – de Frank Borzage – 1929

Posté : 21 février, 2019 @ 8:00 dans * Pre-code, 1920-1929, BORZAGE Frank | Pas de commentaires »

Ils voulaient voir Paris

Déjà une star, Will Rogers a remporté un véritable triomphe avec cette comédie, son premier film parlant. Et le fait que Will Rogers soit l’interprète principal du film, et qu’il découvre la technique du parlant, ne sont pas des faits anecdotiques, tant ils dictent littéralement le rythme et le ton du film.

Certes, Rogers a choisi Borzage pour ses adieux au muet, ce qui en dit aussi beaucoup sur l’aura qu’avait alors le réalisateur de Seventh Hour. Mais They had to see Paris est avant tout un film de Will Rogers. C’est lui qui décide du rythme, avec de longs silences et des temps morts censés mettre en valeur ses mimiques, ses répliques, et sa nature d’homme rural.

Son personnage de plouc venu d’Oklahoma ressemble à s’y méprendre à tous ceux qu’il tournera jusqu’à la fin (précipitée par un tragique accident d’avion) de sa carrière, notamment ses rôles les plus connus chez John Ford (Judge Priest, Doctor Bull et Steamboat round the bend). Ce rôle-là, le garagiste simple et honnête Pike Peters, il le retrouvera d’ailleurs en 1932 dans Down to Earth, suite signée David Butler. Film d’autant plus personnel pour Rogers que la ville dont vient la famille Peters n’est autre que Claremore, la ville où l’acteur vivait.

Dans They had to see Paris, la femme de Pike Peters, grisée par la nouvelle fortune familiale, décide d’emmener ses enfants et son mari à Paris, pour qu’ils s’élèvent dans la société et profitent d’une vie culturelle riche. En fait de culture, la petite famille va passer beaucoup de temps dans les clubs de Pigalle, les enfants vont fréquenter un gigolo chasseur de dot pour l’une, une « danseuse » pour l’un, la maman va se la péter avec des gens du monde aux grandes manières, et le bon papa va voir sa jolie famille partir en quenouille…

« I’ve become pretty useless since I’ve been rich », résumera-t-il dans une séquence assez réjouissante où il découvre qu’il dispose désormais d’un valet pour l’aider à s’habiller. Sa manière de tenter de prononcer le prénom de ce valet, Frann… ssouah, est elle aussi assez drôle, tout comme ses tentatives discutables d’échanger quelques mots en français.

C’est à un festival Will Rogers qu’on assiste dans cette déambulation pleine de clichés sur les Français, d’autant plus rigolos que les Américains, et Rogers lui-même, ne sont pas épargnés. Fort sympathique, donc, mais aussi fort mineur dans la filmo de Borzage. Surtout que cette bluette arrive immédiatement après quelques-uns des plus beaux films de l’histoire.

Young America (id.) – de Frank Borzage – 1932

Posté : 17 février, 2019 @ 8:00 dans * Pre-code, 1930-1939, BORZAGE Frank | Pas de commentaires »

Young America

Je mets quiconque au défi de ne pas verser sa petite larme face au parcours de ce gamin de 13 ans rejeté par tous. Lorsque sa tante, qui l’élève dans la misère depuis la mort de sa mère, lance au juge qu’elle ne veut plus s’occuper de ce gosse qui n’a rien de bon en lui, il faudrait être un monstre pour ne pas baisser la garde et se laisser à des torrents d’émotion. D’ailleurs, c’est bien simple : que celui qui a vu ce film sans être ému quitte cette page immédiatement !

C’est encore un film magnifique que signe Borzage. Pourtant, tout était en place pour un film bien lénifiant et bien plombant. Dès la séquence d’ouverture, dans un tribunal pour enfants, on a droit à un déchaînement de bons sentiments, avec ce juge affalé sur son fauteuil, qui déploie des trésors de patience et de bienveillance pour ne pas condamner les gamins qui défilent devant lui à la prison, ou pire : à des institutions spécialisées qui leur enlèveraient toute chance de vivre leur vie.

Mais on est chez Borzage, et Borzage est non seulement un homme qui croit profondément en la force de l’amour et en la bonté de l’homme, mais aussi un cinéaste qui réussit à nous y faire croire aussi. C’est dire si c’est un génie. Et cette fois encore, on fond littéralement devant ce gamin ballotté par la vie et par la malchance, dont toutes les misères sont la conséquence de sa gentillesse : puni à l’école pour avoir aidé son ami, condamné pour avoir voulu aider une vieille dame malade…

Il est magnifique ce personnage (joué par le formidable Tommy Conlon, qui ne retrouvera hélas pas d’autre rôle de cette envergure), dont personne ne voit la beauté profonde si ce n’est la jeune épouse d’un riche pharmacien (Doris Kenyon), tellement désœuvrée qu’elle décide de tout mettre en œuvre pour le sauver malgré les avis contraires de tous, y compris de son mari, interprété par un réjouissant Spencer Tracy.

Ni dans les rapports humains, ni dans l’enchaînement des drames, le film n’est économe. Mais la sensibilité de Borzage transforme ce qui aurait pu être un simple mélo larmoyant en un film plein de vie, d’optimisme, et de bienveillance. Borzage est grand.

La Phalène d’argent (Christopher Strong) – de Dorothy Arzner – 1933

Posté : 18 septembre, 2018 @ 8:00 dans * Pre-code, 1930-1939, ARZNER Dorothy | Pas de commentaires »

La Phalène d'argent

Quelques mois plus tard, Dorothy Arzner n’aurait sans doute pas pu tourner ce film, superbe ode féministe d’une modernité étonnante, qui aurait fait virer au rouge sang le triste William Hays : il y est question de liaisons extraconjugales, et qui plus est de liaisons extraconjugales heureuses, en tout cas sincères. Inimaginable dans le Hollywood pudibond…

Le fait que le film soit réalisé par une femme n’est pas anecdotique. Il y a là la sensibilité d’un sexe trop ouvertement dominé, comme le confirme le titre original, forcément un rien ironique (le nom du personnage masculin est mis en valeur, pas celui des femmes). Et avec trois personnages très différents (la mère, la fille, la maîtresse), ce sont à peu près toutes les nuances de la condition féminines qui se dessinent.

Dorothy Arzner joue avec les codes d’un milieu très en vogue à l’époque à Hollywood : la jeunesse dorée, qui fait de sa propre vacuité les bases d’un drôle de jeu. Le film commence ainsi avec des personnages qui doivent dénicher deux espèces en voie de disparition : un homme marié fidèle et fier de l’être, et une femme n’ayant jamais été amoureuse. Autant dire deux spécimens uniques, qui vont forcément se rencontrer… et s’aimer.

Il s’agit de Colin Clive et Katharine Hepburn, dont la jeunesse insolente et la liberté assumée (elle est pilote d’avion, porte des pantalons, et revendique son indépendance) sont d’autant plus fortes qu’ils sont dénués d’affect. « Redémarrez le bateau, ne nous laissons plus aller à la dérive », fait dire Dorothy Arzner à l’un de ses personnages, réplique qui sonne comme un appel lancé aux femmes pour qu’elles prennent leur destin en main.

Pas de salaud ici, mais le poids insupportable des conventions, et des sacrifices qu’imposent systématiquement les hommes. Pas Colin Clive ? Qui jure que jamais il ne demandera à celle qu’il aime de renoncer à voler… avant de lui demander de renoncer à voler, dans un plan formidable ne cadrant que la main de Katharine Hepburn, son poignet arborant un splendide bracelet, et suggérant que les deux amoureux viennent de faire l’amour.

Il y a aussi le personnage de l’épouse, qui se croit privilégiée avant de réaliser qu’elle aussi est délaissée, comme toutes ses amies. Une femme digne et généreuse, mais clairement représentative de générations de femmes gentiment dominées et résignées, prêtes de bonne grâce à accepter ce qu’il faut pour le bonheur du mari, seule condition pour le bonheur du couple.

Le couple le plus heureux, finalement, c’est celui de la fille qui finit par épouser l’homme qui a divorcé pour elle, après avoir elle-même fricoté avec un bellâtre dont elle ne connaissait pas le nom avant de l’avoir embrassé. Mais comme elle le dit : ils n’ont jamais prétendu être différents de ce qu’ils sont vraiment, imparfaits mais sincères.

Ajoutons encore de très belles scènes d’aviation, et un final bouleversant dont le montage garde toute sa puissance aujourd’hui… La Phalène d’argent est une petite merveille.

Ex-lady (id.) – de Robert Florey – 1933

Posté : 3 mars, 2018 @ 8:00 dans * Pre-code, 1930-1939, FLOREY Robert | Pas de commentaires »

Ex-lady

Bette Davis en jeune femme qui refuse de se laisser enfermer dans le mariage et qui affiche une liberté presque insolente. Voilà de quoi enthousiasmer tout cinéphile, et rappeler l’esprit que la belle a fait planer sur Hollywood, ce regard incroyable où se lisait un nombre incroyable de pensées à peine voilées.

Dans Ex-Lady, Bette Davis est une femme qui respire l’amour par tous ses pores, et Florey la filme admirablement, soulignant avec élégance les regards à peine appuyés, les gestes suggestifs… Avec un sommet : cette scène où, d’un simple mouvement de la tête, elle invite l’homme qu’elle aime (Gene Raymond, très bien) à la suivre dans un jardin, s’allongeant devant ses yeux incrédules sur un banc à la vue de tous…

On est en pleine période pre-code bien sûr : une telle scène aurait été impensable quelques mois plus tard. Comme il aurait été inimaginable de voir le mari flirter avec une femme (elle aussi mariée), ou la femme se laisser embrasser par un bellâtre trop entreprenant. Même si une voix quasi-off, sans doute ajoutée après le tournage, vient à la dernière seconde remettre un peu de bienséance dans cette ode à la liberté, Florey va quand même très loin dans la déconstruction du mythe absolu du mariage.

Il signe en même temps une critique assez forte de la société patriarcale, avec cette très belle scène où le père très « digne » reproche à sa fille d’avoir couché avec un homme en dehors du mariage, lui-même se promenant avec une femme… qui n’est pas sa légitime.

Pourtant, c’est une très belle histoire d’amour qu’il filme, avec sa délicatesse habituelle et ce sens du détail qui caractérise ses films. Une enseigne lumineuse qui s’allume de l’autre côté d’une fenêtre, et c’est le cadre habituel du studio qui semble éclater. L’ombre chinoise d’un amant qui se découpe sur le mur de la chambre d’une jeune femme, et c’est toute une nuit d’amour que l’on a l’impression d’avoir vue.

Grand cinéaste modeste et oublié, Florey a tourné ce film au débotté, quasiment sans préparation. Ex-lady est pourtant un très beau film, drôle et émouvant, sur lequel souffle un enthousiasmant vent de liberté. Bette Davis n’y est pas pour rien.

Bedside (id.) – de Robert Florey – 1934

Posté : 28 janvier, 2018 @ 8:00 dans * Pre-code, 1930-1939, FLOREY Robert | Pas de commentaires »

Bedside

Touche-à-tout bourré de talent, Robert Florey signe un film médical, genre alors en vogue (on se souvient du très beau Night Nurse de Wellman, notamment). Warren William, excellent, y interprète un ancien étudiant en médecine, trop glandeur pour être allé au bout de ses études, qui se laisse convaincre par sa fiancée de reprendre sa dernière année pour passer son diplôme et pouvoir exercer. Pour ça, la belle lui a prêté la somme nécessaire. Sauf qu’avant même de poser ses fesses sur les bancs de l’école, l’apprenti docteur perd tout l’argent au jeu. Et ça, pas question de l’avouer…

On a donc un « héros » qui achète le diplôme d’un ex-toubib drogué, et s’installe sous un faux nom. Incapable d’établir un diagnostic, encore moins d’opérer qui que ce soit, mais franchement très bon dès qu’il s’agit de communication. Si bien qu’en peu de temps, le faux médecin devient, sans avoir touché le moindre patient (pour ça il compte sur son assistant, authentique médecin, joué par Donald Meek), une véritable star de la médecine à New York…

On est loin de Knock dans ce drame qui aborde un sujet grave : l’exercice illégal de la médecine. Plus largement, le film évoque l’impasse dans lequel s’engouffre le personnage de Warren William, enfermé dans une mécanique de mensonge et d’égocentrisme. On peut douter de la morale finale, mais Bedside est un film assez emballant, qui aurait été très différent s’il avait été tourné quelques mois plus tard : le code Hayes n’était pas encore appliqué avec rigueur, et on pouvait encore filmer une relation extra-conjugale, ou un ancien médecin accro à la morphine.

Ce dernier, joué par David Landau, a droit à une poignée de séquences étonnantes : lorsque la caméra, qui illustre son état de manque, le filme dans un gros plan qui déforme son visage, esthétique qui semble sortie d’un film d’épouvante. Le genre est également effleuré dans le laboratoire de Donald Meek, où l’acteur est filmé comme un savant fou travaillant à ressusciter les morts (avec des électrochocs, en fait). Une approche esthétique qui tranche avec le contexte réaliste de l’histoire, donnant un ton particulier au film.

Rockabye (id.) – de George Cukor – 1932

Posté : 4 octobre, 2017 @ 8:00 dans * Pre-code, 1930-1939, CUKOR George | Pas de commentaires »

Rockabye

Un Cukor première période, séduisant mais sans surprise : l’un de ces films pre-code qui racontent l’histoire tragique d’une jeune femme que le destin et la société n’épargnent pas. On a vu ça souvent (y compris cette même année, avec le très beau Amour défendu de Capra), et celui-ci n’est pas le plus inoubliable de tous. Pas le pire non plus d’ailleurs : Constance Bennett y est très bien en jeune comédienne dont la liberté affichée lui attire les foudres des bien-pensants, en l’occurrence des responsables d’un orphelinat qui lui retirent la garde d’une fillette qu’elle voulait adopter.

C’est le début de nombreux malheurs, tous basés sur l’illusion du bonheur à portée de main (notamment avec le toujours sympathique Joel McCrea), mais qui manquent d’un lien. Le film fonctionne bien, grâce à ce beau personnage de femme sacrificielle, mais le scénario échoue à trouver un vrai fil conducteur autre que ses malheurs qui s’accumulent.

Restent de très beaux moments indépendants les uns des autres, comme ce craquant « I like you » avec les jolis yeux de biche de Constance qui dévorent l’écran. Ou ce réjouissant personnage de mère alcoolique et faussement indigne (joué par Jobyna Holland, grande dame du théâtre) typique de cette période d’avant l’application du code Hayes. Des petits moments épars qui suffisent à assurer le plaisir.

Murder on a blackboard (id.) – de George Archainbaud – 1934

Posté : 9 septembre, 2017 @ 8:00 dans * Pre-code, 1930-1939, ARCHAINBAUD George | Pas de commentaires »

Murder on a blackboard

Hildegarde Withers est tombée dans un oubli à peu près total aujourd’hui. Mais cette institutrice vieille fille au caractère bien trempé qui résout des meurtres avec un inspecteur de police un peu dépassé par les événements a connu son heure de gloire dans les années 30. D’abord dans une série d’histoires criminelles écrites par Stuart Palmer et publiées dans des magazines populaires puis en romans, puis au cinéma dans une série de six films à la RKO.

Toute une époque : celle des whodunit, et des détectives amateurs que l’on retrouvait dans d’innombrables films, souvent dans de petites productions qui n’excèdent généralement les 75 minutes, avec des héros récurrents. Les ancêtres des séries télé, en quelque sorte. Ces héros-ci ne manquent pas de charme, tandem très improbable porté par deux comédiens qui semblent prendre beaucoup de plaisir à leurs joutes verbales.

Murder on a blackboard est le deuxième des six films de cette série initiée en 1932 par The Penguin Book Murder. On y retrouve James Gleason, impeccable dans le rôle de l’inspecteur Oscar Piper (rôle qu’il tient dans les six films), et surtout Edna May Oliver, actrice irrésistible au physique impossible, visage chevalin, long corps dégingandé et sourire narquois. Elle ne jouera que dans les trois premiers films, jusqu’à son départ de la RKO (après Murder on a honeymoon, elle sera remplacée par Helen Broderick, puis par Zasu Pitts).

Moteur véritable de l’enquête, et principal argument humoristique du film, c’est elle qui donne son ton et son rythme à cette série B fauchée (aucune musique en bande son) mais sympathique et pleine de petits détails typiques de cette période « pre-code » : la manière dont le corps de la victime est traité, et surtout l’omniprésence de la polygamie dans cette comédie de mœurs où la notion de couple est pour le moins originale.

* Voir aussi : Murder on a honeymoon et Murder on a Bridle Path.

Chance at heaven (id.) – de William A. Seiter – 1933

Posté : 21 août, 2017 @ 8:00 dans * Pre-code, 1930-1939, SEITER William A. | Pas de commentaires »

Chance to heaven

Que cette bluette est charmante. Oh, on voit venir le truc de loin : c’est le brave gars de la campagne, gentiment ambitieux, trop naïf pour s’apercevoir que cette jolie jeune fille qu’il connaît depuis toujours est raide dingue de lui, et qui se laisse embarquer dans une histoire d’amour trop belle pour être vraie avec une riche héritière qui s’ennuie…

Mais sur ce thème hyper rabâché, et tout en respectant le happy-end de rigueur (qui ne fait aucun doute dès le début), William Seiter réussit une belle comédie romantique, et à renouveler quelque peu l’éternel image du triangle amoureux. D’abord parce que la riche héritière, jouée par Marian Dixon, n’est pas une pintade trop gâtée, mais une jeune femme sincère et paumée, perdue entre son rêve d’émancipation et son envie de rester une enfant choyée. Elle est particulièrement émouvante.

Le « vrai » couple, celui qui s’ignore et qu’interprètent Ginger Rogers et Joel McCrea, n’est pas moins original. Car dans cette comédie « pre-code », les attributs sexuels sont constamment inversés. Ginger Rogers est la bricoleuse de service, et le vrai moteur de l’histoire : celle qui se dévoue et voit clair, celle qui est toujours en avance sur les autres. Joel McCrea, lui, prend des pauses énamourées et subit les événements la plupart du temps…

Il faut le voir ricaner comme un idiot lorsque la belle héritière, dont il est déjà sous le charme, détruit un banc de sa station essence avec la voiture qu’elle peine à faire rouler correctement. Le visage gentiment ahuri de McCrea fait alors des merveilles. De quoi venger par anticipation tous les mauvais traitements qu’Hollywood réservera aux femmes et à leurs représentations dans les décennies qui vont suivre !

La Femme aux miracles (The Miracle Woman) – de Frank Capra – 1931

Posté : 14 mai, 2017 @ 8:00 dans * Pre-code, 1930-1939, CAPRA Frank, STANWYCK Barbara | Pas de commentaires »

La Femme aux miracles

Après Femmes de luxe, Capra offre un nouveau rôle à Barbara Stanwyck : celui d’une fille de pasteur qui devient la prédicatrice star d’un temple très populaire… et très lucratif. Un rôle qui lui vaut une entrée en matière extraordinaire : elle apparaît au lutrin de l’église, où elle lit le prêche du jour avant d’annoncer le décès de son père, mort de ne pas avoir supporté l’ingratitude de ses ouailles qui lui ont préféré un homme d’église plus jeune.

La manière dont Stanwyck passe de la posture de femme d’église à celle de victime en colère, dénonçant l’hypocrisie et la médiocrité de ces fidèles amassés face à elle, est d’une puissance inouïe, et d’une audace que l’application du code Hayes aurait rendu inimaginable trois ans plus tard, dans cette Amérique très pieuse. Mais dans cet Hollywood béni de l’ère pré-code, le politiquement incorrect est presque de rigueur. Et Capra ne se prive pas d’en profiter…

Presque aussi abouti que la première collaboration du cinéaste avec son actrice (il y a peut-être une ou deux petites longueurs, si on veut être tatillon), le film séduit par sa simplicité et par son authenticité. Et Capra réussit aussi bien ses grandes scènes de foule que les nombreux moments intimes. Et puis l’histoire d’amour entre la belle pécheresse et ce jeune aveugle à qui elle a sauvé la vie sans le savoir (David Manners, qui est cette même année le Jonathan Harker de Dracula) ne tombe jamais dans le larmoyant.

Au contraire, cette jolie romance nous vaut quelques moments magnifiques, comme ce premier baiser d’une pureté telle qu’il laisse le souffle coupé, instants absolument sublimes. Et l’idée de cet homme qui ne peut pas voir et qui ouvre les yeux de cette femme perdue dans une vie qui ne lui ressemble pas est très belle, et traitée avec une honnêteté et sans facilité par Capra.

Le film est, comme ça, émaillé de moments merveilleux, et de seconds rôles inoubliables. Comme la brave Mrs Higgins (Beryl Mercer), dont la bonté parfaite envers son aveugle de locataire ose se parer d’une attirance à peine voilée. « Ah ! si j’avais 30 ans de moins… » glisse-t-elle l’air de rien. Réjouissant.

Femmes de luxe (Ladies of Leisure) – de Frank Capra – 1930

Posté : 6 mai, 2017 @ 8:00 dans * Pre-code, 1930-1939, CAPRA Frank, STANWYCK Barbara | Pas de commentaires »

Femmes de luxe

Barbara Stanwyck, jeune femme habituée aux plans tout pourris avec des gros lourds imbibés d’alcool, passe la nuit sur le canapé du riche peintre qui l’a choisie comme modèle, et dont elle est tombée secrètement amoureuse. Au milieu de la nuit, elle l’entend s’approcher d’elle. Elle pense qu’il va réagir comme tous les types qu’elle a connus, et se jeter sur elle. Mais non. Sans un bruit, la croyant endormie, il la couvre d’un plaid, et s’éloigne tout aussi discrètement.

Cette scène simple et sublime n’est faite que de gros plans, sur les pieds du peintre (joué par Ralph Graves), sur ses mains déposant la couverture, et surtout sur le visage de l’actrice sur lequel des torrents d’émotion se lisent. Et ce visage, lorsqu’elle réalise la tendresse de ce geste, est l’un des premiers immenses moments d’émotion du cinéma de Capra, qui rappelle la perfection qu’avait atteint le cinéma dans les dernières années du muet, dans ce qui est pourtant l’un de ses premiers films (son premier ?) entièrement parlant.

Capra n’est pas un débutant lorsqu’il réalise Ladies of Leisure. Mais le film marque le début d’une décennie magnifique, celle de New York – Miami et de Monsieur Smith au Sénat, au cours de laquelle le cinéaste impose son style, ses thèmes et son ton. Tout est déjà bien en place ici, dans ce qui est aussi sa première collaboration avec la toute jeune Barbara Stanwyck, déjà sublime, complexe et intense. C’est grâce à elle, et à la délicatesse de Capra, que toute l’émotion passe, dans ce portrait d’une femme qui pensait profiter de la fortune d’un homme, et qui réalise qu’elle ne veut que son amour.

Dès la toute première scène, Capra met en place la verticalité du film, qui sera constamment au cœur de son récit. Des passants sur un trottoir manquent de se faire assommer par des bouteilles, lancées du haut d’un immeuble cossu par des jeunes femmes visiblement très alcoolisées lors d’une soirée donnée par de riches oisifs, où l’on découvre notre peintre, perdu dans un milieu qui ne lui ressemble pas. Capra jouera à plusieurs reprises sur ce motif de la verticalité, avec la place centrale jouée par l’ascenseur, et jusqu’à cette extraordinaire séquence finale basée sur un montage alterné, sommet de suspense et d’émotion.

Capra réussit l’un de ses très grands films oubliés, aussi abouti visuellement que riche au niveau du récit, parsemé de détails et de personnages passionnants, qui évitent à toute caricature. Capra, comme Barbara Stanwyck d’ailleurs, entre dans la cour des grands.

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