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Archive pour la catégorie '* Polars US (1960-1979)'

Lutte sans merci (13 West Street) – de Phillip Leacock – 1962

Posté : 9 juillet, 2016 @ 8:00 dans * Polars US (1960-1979), 1960-1969, LEACOCK Phillip | Pas de commentaires »

Lutte sans merci

Vingt ans après Tueur à gages, il a pris cher Alan Ladd, prématurément vieilli et bouffi, loin du charme animal et dangereux de ses grandes années. Sa carrière, d’ailleurs, est en plein déclin lorsqu’il tourne ce thriller qu’il produit lui-même, comme une ultime chance de retrouver les sommets. Le résultat est loin d’être à la hauteur : Lutte sans merci est un « vigilante movie » poussif et visuellement assez laid, qui manque cruellement de rythme.

La faute à un réalisateur guère inspiré, parce que le scénario, qui préfigure des tas de films à venir basés sur l’idée de l’autojustice (pas souvent formidables, du fameux Justicier dans la ville de Bronson au pénible A vif avec Jodie Foster), n’est pas si mal. Plus que l’autodéfense, c’est vraiment le traumatisme de la violence qui est au cœur du film. Et Ladd incarne parfaitement cette idée d’un homme normal et sans histoire, incapable de tourner la page après avoir été victime d’une agression gratuite et sauvage.

Un scénario qui ne joue pas la carte de la surenchère, préférant miser sur une atmosphère troublante et paranoïaque. Il y a bien un méchant, finalement plus pathétique que diabolique, mais le film met surtout en évidence les petits défauts, les mesquineries et les imperfections de chacun : les coupables, les victimes, et même la police.

Loin des clichés du superflic ou, au contraire, du policier incompétent, Rod Steiger est lui aussi remarquable. A priori, un duo Ladd-Steiger pouvait faire craindre le pire : face à Ladd le taciturne, Steiger l’exubérant aurait pu assommer le film. Il n’en est rien : inhabituellement sobre, l’acteur est absolument parfait.

Malgré tout ça, le film ennuie un peu, et laisse un goût d’inachevé. Trop polissée, trop anonyme, la mise en scène ne convainc jamais vraiment. Dommage.

* DVD dans la collection « Film noir, femme en danger » de Sidonis/Calysta, avec des présentations de Patrick Brion et François Guérif.

Allô, brigade spéciale (Experiment in Terror) – de Blake Edwards – 1962

Posté : 23 mai, 2016 @ 8:00 dans * Polars US (1960-1979), 1960-1969, EDWARDS Blake | Pas de commentaires »

Allô brigade spéciale

La première séquence, absolument scotchante, révèle les secrets du titre (originale) : cette expérience de la terreur, c’est Lee Remick qui va la vivre. Mais c’est aussi le spectateur. Comme Jacques Tourneur vingt ans avant lui (dans L’Homme léopard, notamment), on sent bien que c’est cette volonté de filmer la peur qui a attiré Blake Edwards, qui venait de tourner un Breakfast at Tiffany’s nettement plus conforme à l’idée qu’on se fait de son cinéma, dans ce thriller.

Cette première scène résume à elle seule tous les principes et les qualités du film. Un noir et blanc magnifique, une musique (signée Henry Mancini) sobre qui distille l’angoisse, des personnages à la limite de l’abstraction, et une caméra dont les mouvements (rares) et les cadrages (sobres, à quelques exceptions près) sont d’une efficacité implacable.

Le postulat de départ est simple : une jeune femme rentre chez elle dans la nuit ; à peine sa voiture garée, la porte se referme derrière elle, la laissant dans l’obscurité et le silence, silence bientôt brisé par une lourde respiration… Cette scène garde, 50 ans après, une puissance terrifiante remarquable. Des moments de terreur, il y en a d’autres dans ce film. Mais Edwards (comme Tourneur) a l’intelligence de systématiquement se renouveler. Pas toujours avec la même puissance, mais en tout cas avec une efficacité constante.

On pourrait critiquer la vision un peu idéaliste du FBI : cette manière un peu simpliste avec laquelle Lee Remick, après avoir été menacée par ce mystérieux agresseur (Ross Martin, le sidekick des Mystères de l’Ouest, formidable), tombe dès le premier coup de téléphone sur un super-agent (Glenn Ford, d’une grande justesse) qui comprend immédiatement qu’il a affaire à une menace sérieuse…

Mais cette facilité scénaristique, qui se répète d’ailleurs à plusieurs reprises, est effacée par la manière dont le travail des enquêteurs est filmée. A l’opposée de l’héroïsme individualiste habituel, mais comme un travail de fourmis, qui nécessite des dizaines d’hommes, et d’interminables surveillances.

Dans la manière d’aborder le polar, dans cette manière de filmer l’angoisse… le film de Blake Edwards a quelque chose de résolument nouveau en 1962. C’est pourtant, aussi, un film de cinéphile, qui évoque à la fois Tourneur donc, mais aussi les films noirs réalistes de Mann ou Hathaway, et s’inscrit clairement dans la mouvance de Psychose. La terrifiante scène des toilettes résonne d’ailleurs comme un clin d’œil au film d’Hitchcock.

Experiment in Terror est aussi un film dont les parti-pris assez radicaux inspireront à leur tour d’autres cinéaste. En premier lieu Don Siegel, dont le Dirty Harry reprendra plusieurs idées fortes du film (avec une vision toutefois nettement plus cynique du travail de la police). Jusqu’à reprendre quasiment telle quelle l’ultime scène dans le stade, reprenant à l’identique ces impressionnants plans d’hélicoptère. Un sacré hommage…

* Le film vient de sortir dans la nouvelle collection « Films noirs, femmes en danger » chez Sidonis/Calysta, avec des présentations par Bertrand Tavernier, Patrick Brion et François Guérif.

Détective privé (Harper) – de Jack Smight – 1966

Posté : 20 mai, 2016 @ 8:00 dans * Polars US (1960-1979), 1960-1969, NEWMAN Paul, SMIGHT Jack | Pas de commentaires »

Détective privé

Il en fait des tonnes, Paul Newman, surjouant sa cool attitude, cette non-chalance travaillée qui fait son incroyable charme. D’un autre acteur, ce serait insupportable. Mais lui a cette classe folle et une ironie teintée d’autodérision qui emportent l’adhésion. Et tout spécialement dans ce film noir qui sonne très sixties, mais dont le scénario semble tiré d’une armoire laissée fermée pendant vingt ans…

Plus que l’intrigue gentiment tarabiscotée, ses faux-semblants et ses innombrables rebondissements, c’est cette impression que Jack Smight filme un scénario de la grande époque du noir qui fascine et séduit. Sur le papier, Harper, adaptation d’un roman de Ross MacDonald, aurait pu être une sorte de double du Grand Sommeil. A l’écran, le résultat est pourtant radicalement différent. Et dans cette différence, c’est toute l’évolution du cinéma de genre américain qui apparaît.

Pas forcément toujours pour le meilleur : il manque au film de Smight la suprême atmosphère de celui de Hawks. Mais la référence est flagrante, jusqu’à la participation de Lauren Bacall, flanquée d’une jeune femme un rien névrosée (sa belle-fille ici, et plus sa sœur). Quant à Newman, il est une sorte de version années 60 du privé à la Bogart. Donc très différent : filmé dans son terne quotidien (la scène d’ouverture), prêt à implorer sa femme (Janet Leigh) de ne pas le quitter, et passant le plus clair du film à se prendre des coups…

La comparaison pourrait être écrasante, mais Smight a l’intelligence de faire le film à sa manière. Avec un grand sens du rythme et de la dérision, et même une certaine élégance. A tel point qu’on aurait presque souhaiter voir Newman et Smight s’atteler réellement à un remake du Grand Sommeil. Un remake qui sera bel et bien réalisé quelques années plus tard, mais par un tâcheron et sans éclair de génie. Quant à Newman, il retrouvera le rôle de Harper neuf ans plus tard dans La Toile d’araignée qui, non, n’est pas le remake du film noir homonyme des années 50… avec Lauren Bacall.

A bout portant (The Killers) – de Don Siegel – 1964

Posté : 2 avril, 2016 @ 8:00 dans * Polars US (1960-1979), 1960-1969, SIEGEL Don | Pas de commentaires »

A bout portant

Pour Don Siegel, The Killers marque en quelque sorte le début de l’âge d’or: une quinzaine d’années au cours desquelles le cinéaste s’imposera pour de bon comme un auteur à part entière, avec des polars violents au réalisme souvent presque documentaire, où la frontière entre le bien et le mal prendra des allures nettement plus troubles que dans le cinéma hollywoodien classique.

Ce nouveau départ a quelque chose d’ironique pour Siegel, qui fut pressenti en 1946 pour réaliser la première adaptation de la nouvelle d’Hemingway. Cette année-là, le réalisateur signe son premier long métrage, The Verdict. Quant à la première version de The Killers, finalement réalisée par Robert Siodmak, elle fait partie de la légende du film noir. Passer après un tel classique avait tout de la fausse bonne idée. Surtout que A bout portant s’apparente finalement moins à une nouvelle adaptation de la nouvelle que d’un remake des Tueurs, dont il reprend la trame générale.

Et pour cause : la nouvelle, un court texte de dix pages, ne racontait que le meurtre par deux tueurs d’un homme résigné à mourir, et la discussion qui s’en suit dans son entourage. Un texte génial, mais qui au cinéma se résume à une simple séquence… Le film de Siodmak s’ouvrait avec cette séquence, un enquêteur remontant ensuite le cours des événements pour comprendre qui était la victime, et ce qui a conduit à ce meurtre. Presque vingt ans plus tard, le film de Siegel reprend la même construction sous forme d’enquête avec flash-backs, avec braquage qui tourne au drame et femme fatale autour de laquelle rôde la mort. Mais la comparaison s’arrête à peu près là.

The Killers version 64 regorge d’idées géniales. Dès la première séquence de meurtre : loin du bar nocturne à la Edward Hopper de 46, Siegel ouvre le rideau sur un institut pour aveugles où tout se passe en pleine lumière. Et avec des tueurs aux antipodes des figures archétypales du premier film : Lee Marvin et Clu Galager, dans une curieuse relation maître-élève pleine de tendresse, n’ont pas d’état d’âme, pratiquant la violence avec un sadisme d’autant plus dérangeant qu’elle s’appelle souvent à des êtres en situation d’infériorité. Mais ils ont une profondeur inattendue, et des interrogations existentielles.

Pourquoi cet homme s’est-il laissé tuer au lieu de chercher à fuir ? C’est la question que se pose Charlie, le tueur vieillissant qu’incarne Lee Marvin avec une sobriété exemplaire. Et c’est peut-être la plus grande idée du film : avoir fait de cette question le moteur de l’action. Désormais, ce n’est plus un enquêteur, mais les tueurs eux-mêmes qui remontent le fil de l’histoire…

Cette histoire est celle de Johnny North (John Cassavetes, parfait), coureur automobile entraîné dans un braquage avec la belle Angie Dickinson, dont on se demande si elle est juste trop belle et trop faible ou si c’est la reine des salopes, et son riche « protecteur » Ronald Reagan, dans son dernier rôle au cinéma (son seul méchant, et quel méchant !). Mais on connaît le destin du Suédois, incarné par Burt Lancaster en 46. Celui-ci est de la même veine. Non, ce qui fascine surtout, c’est l’obsession de Lee Marvin, de ce tueur entouré par la mort et taraudé par l’idée qu’on puisse l’accepter si facilement…

Loin des cabotinages dans lesquels il est parfois tombés, Marvin a rarement été aussi intense et troublant que dans The Killers. Siegel, il est vrai, soigne particulièrement ses acteurs ici, offrant à chacun, jusqu’au plus petit second rôle, des moments mémorables. Seymour Cassel réussit ainsi à exister en une unique scène anodine et sans dialogue. Et Claude Akins surtout, trouve l’un de ses plus beaux rôles, très émouvant en mécano brut de coffrage qui fend l’armure, peut-être le seul personnage à ne jamais perdre son humanité.

Et visuellement, le film est aussi une splendeur. Il y a le rythme absolument parfait que donne Siegel, et il y a la rupture radicale avec l’esthétique néo-expressionniste du film de Siodmak, ce noir et blanc contrasté et fascinant qui tirait le film vers le mythe. Ici, la lumière est vive et les couleurs chaudes. Pas de zones d’ombres, mais des plans soudains désaxés pour annoncer la violence, une violence crue et brutale, qui n’a plus rien de romantique.

En avance sur le Nouvel Hollywood, ce noir-là va influencer plus d’un polar dans les quinze ans à venir. Malgré tout, il reste l’une des plus grandes réussites du genre, qui n’a rien perdu de sa puissance et de son pouvoir de fascination. Un chef d’œuvre, oui, qui n’a rien à envier au classique de Siodmak.

Driver (The Driver) – de Walter Hill – 1978

Posté : 16 décembre, 2015 @ 7:00 dans * Polars US (1960-1979), 1970-1979, HILL Walter | Pas de commentaires »

Driver

Un jeune homme solitaire, mystérieux et taiseux, un as du volant, dont les cambrioleurs profitent des talents pour échapper à la police… Oui, Nicolas Winding Refn s’est largement inspiré de Driver pour Drive : le thème, le personnage, l’ambiance, et même toute la séquence d’ouverture… Tout est déjà dans le film de Walter Hill. Avec une ambiance moins fascinante, sans doute, mais avec une ambition similaire déjà.

Tourné quasi-intégralement en décors naturels, la nuit, Driver confirme déjà les talents de cinéaste d’action de Hill, qui fait de chaque poursuite en voiture un grand moment de suspense muet et admirablement tendu. Esthétiquement, le film est moins impressionnant que son quasi-remake, mais il tient encore remarquablement la route. Grâce à la belle atmosphère nocturne, et grâce, surtout, à son trio de personnages.

Ryan O’Neal en chauffeur, Isabelle Adjani en apparition nocturne (et dans son premier rôle américain), Bruce Dern en flic aux méthodes douteuses… Aucun des trois n’a de nom, et pour cause : ils semblent sans passé et sans avenir, comme s’ils ne venaient de nulle part et n’avaient pas de caractéristique propre. Des archétypes qui cherchent à échapper à leur statut. En pure perte, bien sûr.
Avec ces personnages sans espoir et condamnés à rester ce qu’ils sont, Walter Hill rend un bel hommage aux grands films noirs d’autrefois. Avec une certaine classe, et une ironie qui fait mouche.

* DVD chez Arcadès/L’Atelier d’images/The Corporation, avec en bonus la bande annonce de 1978, une anecdotique version alternative de la scène d’ouverture, et surtout un petit making of évoquant le tournage de nuit.

Marathon Man (id.) – de John Schlesinger – 1976

Posté : 2 juillet, 2015 @ 5:01 dans * Polars US (1960-1979), 1970-1979, SCHLESINGER John | Pas de commentaires »

Marathon Man

Drôle de titre pour ce sommet du cinéma paranoïaque des années 70, mais qui convient parfaitement au rythme que Schlesinger donne à son film, imposé par ce personnage de jeune étudiant s’entraînant pour le marathon, et plongé dans une course en avant qu’il ne maîtrise jamais.

Un personnage qui a peur aussi, à peu près constamment, comme le spectateur d’ailleurs (ce que Dustin Hoffman joue formidablement bien). Une peur d’autant plus insoutenable que Schlesinger la fait naître du quotidien. Une rue bondé de passants, une salle de bain… Le danger apparaît dans les endroits les plus familiers, aux moments les plus inattendus.

Il fait resurgir les fantômes du nazisme, trente ans après et à des milliers de kilomètres des camps : un embouteillage qui fait resurgir de vieux instincts, une vieille dame juive qui reconnaît celui qui fut son boureau des décennies plus tôt sur un autre continent… Ce qui passe aux yeux des passants pour les divagations de vieux fous va bouleverser de manière très concrète la vie de ce jeune étudiant plus préoccupé par le marathon qu’il prépare que par les mouvements du monde.

De mouvements, il est pourtant question dans ce film, qui semble n’être fait que de ça. Dustin Hoffman, dans l’un de ses meilleurs rôles, trimbalés dans une histoire qui le dépasse totalement, qui court à moitié nu dans la nuit de New York. On a l’impression qu’il passe le film à courir ; pour sauver sa vie, pour échapper à ceux qui le poursuivent, mais aussi pour mettre de l’espace entre son lourd passé familial et ce qu’il est ou ce qu’il sera.

Marathon Man est un chef d’oeuvre, parce qu’il trouve le parfait équilibre entre tous ce qui en fait la richesse : une réflexion édifiante sur le poids de l’histoire et sur l’oublie ; un grand film paranoïaque ; mais aussi un pur film de trouille, avec une séquence traumatisante de « dentiste » qu’on n’est pas prêt d’oublier (« c’est sans danger ? »), et une autre absolument géniale filmée du seul point de vue d’Hoffman, enfermé dans sa salle de bain où des tueurs tentent de pénétrer.

Un shérif à New York (Coogan’s Bluff) – de Don Siegel – 1968

Posté : 1 juillet, 2015 @ 1:27 dans * Polars US (1960-1979), 1960-1969, EASTWOOD Clint (acteur), SIEGEL Don, WESTERNS | Pas de commentaires »

Un shérif à New York

Premier film tourné par Clint Eastwood avec Don Siegel (quatre autres suivront), et clairement le plus faible, même s’il ne manque pas d’intérêt. Ne serait-ce que pour le rôle qu’il joue dans l’oeuvre eastwoodienne, malin trait d’union entre le western dont il était alors la vedette la plus en vue, et le polar urbain dont il deviendra l’incarnation absolue sous la direction du même Siegel.

Les premières images jouent de cette transition. Dans un décor typique de western, désert de sable et de poussière, un Indien est en fuite. A sa poursuite : un shérif qui ne tarde pas à apparaître… au volant d’une jeep. Nous sommes dans l’Amérique la plus profonde, en Arizona. Et le shérif en question est un type coriace, qui a la dégaine de Clint, et a le sens du devoir chevillé au corps, jusqu’à ce qu’il croise la première jolie fille venue.

Pas un grand flic, donc. Un plouc queutard que son supérieur envoie à New York pour extrader un détenu, détenu qui se fait la malle dès que le shérif Clint lui met la main dessus. Mine de rien, ce film permet à Eastwood de donner un premier coup de griffe à son image de héros infaillible. Léger, le coup de griffe : il reste le héros pur et brave.

Mais Coogan arrive « à la ville » avec ses gros sabots de macho. Un plouc à qui tout le monde demande « Vous êtes du Texas ? », à commencer par le flic joué par l’impeccable Lee J. Cobb, atterré par ses méthodes d’un autre temps. Et le moteur du film, ce sont les erreurs de Coogan, causées uniquement par ses faiblesses et son manque de sérieux dès qu’une belle femme pointe le bout… du nez.

La manière dont Siegel filme la ville n’a pas la force de Dirty Harry. Et les personnages de méchant ont un aspect franchement très daté. Mais la virée de Coogan/Eastwood dans cette ville aux antipodes de son univers ne manque pas de sel. Et les scènes d’action sont particulièrement réussies : une baston assez mémorable dans un billard, et surtout une course poursuite à motos presque irréelles dans un parc tout en escaliers.

Un tour de chauffe plein de promesses, pour le tandem Siegel-Eastwood.

La Poursuite impitoyable (The Chase) – d’Arthur Penn – 1966

Posté : 26 juin, 2015 @ 4:07 dans * Polars US (1960-1979), 1960-1969, PENN Arthur | Pas de commentaires »

La Poursuite Impitoyable

Dans Bonnie and Clyde, autre classique de Penn, le destin tragique des deux anti-héros marqués par le destin est ponctué d’une sorte d’ironie satirique, presque caricaturale par moments. Dans The Chase, point de dérision, point d’ironie, rien d’autre que le sombre constat que le shérif Brando se fait au fond depuis la première minute : ceux pour qui il travaille sont des monstres d’insensibilité, d’égoïsme, de mesquinerie. Et Redford, l’enfant du pays qui vient de s’évader de prison, ne peut pas échapper à son destin.

C’est moins le destin tragique de Redford qui intéresse Penn dans ce chef d’œuvre, que la manière dont Brando l’intègre se débat avec son propre destin contrarié. Et il est fascinant Brando. Loin du Stanley d’Un tramway nommé Désir, il est un homme tranquille et droit, homme de loi intègre confronté à la médiocrité de ses semblables et à ce que la foule peut avoir de pire. Un homme bien décidé à aller au bout de sa mission et à sauver du lynchage le jeune Redford, très beau et très condamné d’avance. Un homme seul aussi, dans une ville où tout devient hostile.

Difficile de ne pas penser à Rio Bravo avec ce personnage de Brando et cette ville où chacun devient, au mieux insensible, au pire odieux. D’ailleurs, que Penn nous affirme, en nous regardant droit dans les yeux, que le choix d’Angie Dickinson pour la femme de Brando est un simple hasard, et ne renvoie pas au chef d’oeuvre de Hawks…

En tout cas, il y va fort, dans sa peinture d’une société gangrénée par la haine, la violence, le racisme, la bêtise, la peur. On est au Texas, dans l’Amérique post-Kennedy, et ça ne fait pas vraiment envie. L’action se déroule un samedi soir: pendant que les gamins se trémoussent tant qu’ils peuvent, leurs aînés se saoûlent, se trompent et rêvent du casser du noir. Ou, à défaut, de l’évadé, qu’importe ses torts. Pendant ce temps, les puissants croient pouvoir tout acheter, et leurs cours se désolent de ne pouvoir toucher le soleil. Bref, l’humanité dans ce qu’elle a de pire.

Jusqu’à la nausée, Brando encaisse tous les coups, moraux comme physiques, jusqu’à se faire défigurer lors d’un passage à tabac traumatisant. Mais il tient bon, dernier défenseur d’une valeur qui n’a plus lieu dans cette société-là : le bien. Jusqu’à un final ahurissant, bouleversant et écœurant. Il ne reste alors qu’à pleurer, et à tourner le dos à ces monstres ordinaires. Sublime et déchirant.

Chinatown (id.) – de Roman Polanski – 1974

Posté : 20 avril, 2015 @ 3:47 dans * Polars US (1960-1979), 1970-1979, POLANSKI Roman | Pas de commentaires »

Chinatown

Plus d’un réalisateur a tenté de retrouver la magie des films noirs de la grande époque, perdue après le Vertigo de Hitchcock. Mais Polanski est l’un des rares (le seul ?) à y être parvenu avec ce chef d’oeuvre miraculeux qui nous replonge dans une décennie bénie pour le noir : les années 40.
Sombre et complexe, brute et ambiguë, c’est une fascinante plongée dans les méandres de la politique, des affaires et de la pègre de L.A., avec une enquête pleine de double-tiroirs et de faux-semblants. On jurerait que l’histoire est tirée d’une Série Noire ou d’un roman à la Hammett. Mais non : c’est un scénario original, signé par un Robert Towne en état de grâce, d’une richesse et d’une intelligence infinies. Une merveille complexe et audacieuse dont Polanski tire le meilleur.

Le « héros » lui-même est formidable : détective à la Sam Spade (ses rapports avec le flic interprété par Perry Lopez rappellent ceux entre Bogart et Ward Bond dans Le Faucon Maltais), en plus minable, condamné à enchaîner les affaires d’adultère avec une lassitude qui confine à l’écœurement, Jake Gittes est un personnage fascinant. Un loser magnifique aux méthodes douteuses, mais à l’intégrité totale. Un pur personnage de noir, donc, que Polanski s’amuse à filmer durant une grande partie du film avec un énorme pansement sur le nez (la faute à une rencontre douloureuse avec un petit teigneux interprété par Polanski lui-même)…

Autour de lui, les notables et « gens de la haute » qu’il côtoie révèlent peu à peu leurs vérités cachées et honteuses. Et c’est une faune incroyablement glauque que l’on découvre alors, avec les pires travers imaginables cristalisés autour des rapports entre la divine Faye Dunaway et son digne père incarné par John Huston (le réalisateur du Faucon… pas un hasard !).

Le film est une réussite sur tous les plans : la musique envoûtante, la reconstitution du L.A. des années 40, la force des dialogues (« She’s my sister… She’s my daughter »), la puissance de l’interprétation jusqu’aux seconds rôles (Burt Young en cocu)… Tout contribue à faire du film un chef d’oeuvre, au rythme parfait et parsemé de scènes inoubliables : le jardinier chinois qui s’active autour du bassin (« bad for water »), Jack Nicholson guettant l’arrivée de l’eau, Faye Dunaway apparaissant derrière un Nicholson hilare, le face-à-face tendu avec un inquiétant John Huston… Jusqu’à la dernière séquence, exceptionnelle et traumatisante. « Forget it Jake, it’s Chinatown. »

French Connection 2 (id.) – de John Frankenheimer – 1975

Posté : 1 avril, 2015 @ 4:29 dans * Polars US (1960-1979), 1970-1979, FRANKENHEIMER John | Pas de commentaires »

French Connection 2

Voir French Connection 2 en version française, c’est replonger dans un pan pas si lointain de la cinéphagie made in France. Cette période où les films en noir et blanc étaient colorisés, où le cinémascope était tronqué pour épouser au plus près les douces formes d’une télé 4/3, et où quoi qu’il arrive l’idée de sous-titrer un dialogue était la pire des aberrations.

C’est grâce à cette idée qu’on a pu voir Gene Hackman tenter en vain de se faire comprendre (dans un excellent français, donc, même si mâtiné d’un accent ricain du plus bel effet) par un loubard dans un commissariat français lancé lui aussi dans un dialogue de sourd (en français aussi, donc, mais dans le texte, lui). Vous suivez ? J’avoue avoir été un peu largué à l’époque, le jeune ado que j’étais se demandant pourquoi ces deux braillards ne se comprenaient pas.

Toute une époque, donc : une décennie plus tard, en se basant strictement sur le même procédé (un Américain perdu dans une France des bas-fonds dont il ne comprend pas la langue), Polanski et son Frantic auront la chance de ne pas subir le même genre de doublage hallucinant. Mais c’est bien le même principe qui est en jeu dans cette suite qui prend habilement le contre-pied du chef d’oeuvre originel.

C’est bien ce qui frappe le plus dans cette suite très réussie : le parti-pris radical de prendre systématiquement le contre-pied du film de Friedkin. Et c’est le personnage de Popeye Doyle qui en fait les frais : parfaitement dans son élément dans les bas-fonds new-yorkais, il se retrouve totalement largué et à côté de la plaque dans ce Marseille dont les similitudes apparentes avec New York sont toutes trompeuses.

Qu’il tente d’appliquer ses méthodes habituelles de flic jusqu’au-boutiste, et c’est une catastrophe qui s’ensuit. Qu’il se lance dans une quête solitaire de son ennemi intime (Fernando Rey toujours), et cela devient une errance sans fin et sans résultat dans les rues de Marseille… Finalement, Doyle le tenace est transformé en un simple pion dont jouent ses homologues français (parmi lesquels l’excellent Bernard Fresson et l’inénarrable Jean-Pierre Castaldi, du temps où il avait une carrière), spectateur finalement totalement passif des événements.

Plus fort encore, Frankenheimer consacre près de la moitié de son métrage à la désintoxication brutale de son « héros », transformé en héroïnomane par ceux qu’il pensait traquer. Assez gonflé, quand même, quand on se souvient de quel polar urbain, brut, violent et spectaculaire il est la suite directe.

Le film de Friedkin était dominé par une poursuite hallucinante entre une voiture et un métro. On imaginait mal cette suite faire l’impasse sur une nouvelle poursuite. Celle qui finit par arriver in extremis est, elle aussi, totalement inattendue. Au bruit et à la fureur de la séquence d’anthologie de Friedkin, tournée au péril de sa vie (et de celles des passants) sans autorisation de tournage dans des rues noires de monde, Frankenheimer préfère un silence presque irréel : une course poursuite entre Doyle à pied et hors de souffle et… un voilier, le long d’une marina déserte.

Finalement, du classique instantané de Friedkin, Frankenheimer a surtout gardé un élément : la volonté de bousculer le spectateur, ce qu’il fait d’une manière absolument magistrale.

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