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Archive pour la catégorie '* Polars européens'

Des pas dans le brouillard (Footsteps in the fog) – d’Arthur Lubin – 1955

Posté : 21 mai, 2016 @ 8:00 dans * Films noirs (1935-1959), * Polars européens, 1950-1959, LUBIN Arthur | Pas de commentaires »

Des pas dans le brouillard

Arthur Lubin est un réalisateur qu’on aime bien pour des raisons un peu secondaires. Pas pour son ambition démesurée de cinéaste, vouée au duo comico-lourdingue Abbott et Costello et à l’inépuisable série des Francis, le mulet qui parle. Mais pour avoir été le premier à donner sa chance au jeunot Clint Eastwood, à qui il a confié quelques petits rôles anodins (Escapade au Japon) ou croquignolets (il faut voir La VRP de choc uniquement pour les sourires béats de Clint).

Bref, son cinéma est, pour être gentil, loin d’être renversant. Pesant, même, la plupart du temps. Surtout lorsqu’il se lance dans l’exotisme ou les grands espaces, aspects qui semblent immanquablement plomber son cinéma. Pourtant, un petit miracle se produit de loin en loin. On lui doit ainsi une version du Fantôme de l’Opéra à la bonne réputation, et un film noir méconnu mais fort sympathique, Impact. Des pas dans le brouillard pourrait bien être son chef d’œuvre.

C’est d’autant plus remarquable que le film est tourné entre deux Francis, à une époque où Lubin affirme clairement sa vocation de réalisateur de comédies familiales sans aspérités. Tout le contraire de ce « film noir victorien » loin d’être parfait, mais fascinant et étrangement dérangeant. Point de grands espaces ici : entre les salons feutrés du Londres des privilégiés et les rues baignés de brouillard, Lubin filme constamment en espaces clos, ce qui lui réussit particulièrement bien.

Il est aidé, il est vrai, par une photo absolument superbe (signée Christophe Challis): une image quasi-monochrome qui donne une élégance et une atmosphère mystérieuse et fascinante à cette histoire. Histoire dont on se dit d’abord, lors de cette superbe séquence d’ouverture (formidable travelling qui nous conduit au pied d’un impressionnant et dérangeant tableau), qu’elle est une sorte de variation autour du thème maintes fois emprunté de Rebecca.

Un riche veuf (Stewart Granger), sa jeune et belle gouvernante (Jean Simmons), et une épouse décédée trop présente… Le parallèle semble évident. Sauf que, très vite, le film prend une toute autre dimension. On pourrait mettre toute le crédit de la réussite du film au chef op et aux scénaristes, mais ce serait injuste : Lubin réussit parfaitement tous les moments clés du film, avec simplicité et efficacité. Un sourire de Granger en contre-champs du tableau de la défunte… Un meurtre dans la brume londonienne… Lubin installe un climat inconfortable et bouscule constamment le spectateur.

La réussite du film repose aussi sur le « couple » principal. Entre Jean Simmons et Stewart Granger (mariés à la ville, à cette époque), on ressent constamment à la fois un érotisme trouble, et un décalage brutal. Comme si le désir sexuel et celui de tuer cohabitaient… Un film victorien, sans doute, mais surtout un film noir. Très noir.

* DVD dans une nouvelle collection au titre curieux « Film noir, femme en danger », chez Sidonis/Calysta, avec des présentations passionnées de Bertrand Tavernier, François Guérif et Patrick Brion.

Broadchurch (id.) – saison 1 – créée par Chris Chibnall – 2013

Posté : 12 avril, 2016 @ 8:00 dans * Polars européens, 2010-2019, CHIBNALL Chris, LYN Euros, STRONG James, TÉLÉVISION | Pas de commentaires »

Broadchurch, saison 1

Broadchurch, sa plage, ses falaises, son joli port de pêche, son imposante église qui domine les habitations. Une petite ville anglaise au charme si typique, entre ses vieilles pierres pleines de charmes et ses quartiers résidentiels sans surprises. L’une de ces petites villes où il fait bon vivre, où tout le monde se connaît, s’appelle par son prénom et demande des nouvelles de la famille…

Mais ce matin-là, un corps est retrouvé sur la plage : celui d’un gamin de 11 ans, Danny Latimer, fils d’une famille aimée et respectée. Ce matin-là aussi, la policière Ellie Miller pensait prendre la tête de son équipe d’enquêteurs, et découvre qu’on lui a préférée un flic de la ville, rêche et peu aimable, entouré d’une réputation sulfureuse suite à la déroute d’une enquête autour de la mort d’une fillette…

En huit épisodes, serrés et bouleversants, Broadchurch réussit à être tout à la fois une passionnante enquête policière, et le portrait corrosif d’une communauté dont le vernis ne va cesser de craquer. Tout le monde se connaît, sauf que l’assassin est forcément des leurs. Personne ne peut être soupçonné d’un tel crime… du coup tout le monde l’est. Et cette plongée dans le soupçon et les tourments de l’âme humaine révèle ce que les hommes et les femmes ont de pire… mais aussi de plus beau.

Episode après épisode, le créateur et brillant scénariste Chris Chibnall prend un malin plaisir à déplacer les soupçons d’un personnage à un autre. Un pervers jeu du chat et de la souris qui sert aussi, et surtout, à dévoiler des secrets profondément enfouis. Les voisins dont on croyait tout savoir sont loin d’être aussi transparents. « Comment pouviez-vous ne pas savoir ? » interroge l’inspectrice Ellie Miller à une femme à propos de son lourd passé. Tout le fond de Broachurch repose sur cette question, ou plutôt sur son inverse : comment aurions-nous pu savoir ?

L’émotion est omniprésente, et on pleure, on pleure même beaucoup, à peu près de la première minute du premier épisode, à la dernière image de l’ultime épisode. Mais jamais Chibnall ne surenchérit dans l’émotion facile : les ressors scénaristique et une mise en scène toujours élégante se suffisent à eux-mêmes. Et jamais les comédiens ne surjouent cette émotion.

Et quels comédiens : jusqu’au plus petit second rôle, tous sont formidables, d’une justesse parfaite. Dans les rôles complexes et plein d’ambiguïtés des parents du petit Danny, Jodie WHittaker et Andrew Buchan sont sublimes. Quant à l’improbable duo d’enquêteur, il renouvelle joliment l’habituel tandem de flics mal assortis : Olivia Colman en mère de famille trop normale qui perd peu à peu sa naïveté ; et David Tennant (ex-Docteur Who), assez génial en flic associal et revenu de tout dont les fêlures se font de plus en plus béantes.

The Major (Maïor) – de Youri Bykov – 2013

Posté : 3 décembre, 2015 @ 3:04 dans * Polars européens, 2010-2019, BYKOV Youri | Pas de commentaires »

The Major

Elle n’est pas gaie, cette Russie au cœur de The Major : un pays glacial et sans joie, peuplé d’êtres tristes vivants dans des villes ouvrières sans charme et recouvertes d’une épaisse couche de neige. C’est dans ce décor que le film commence, par un faits divers tragiquement banal : un automobiliste qui roule trop vite pour retrouver sa femme sur le point d’accoucher, un enfant qui traverse la route, la neige qui interdit tout arrêt brusque…

A partir de ce terrible accident, Youri Bykov nous plonge dans la violence et la corruption de son pays. Il se trouve que l’automobiliste impliqué est un capitaine de police, et que pour le couvrir, ses collègues et supérieurs sont prêts à tout : mensonge, intimidation, meurtre même… Et au vu et au su de tous, qui plus est, et c’est là que le film de Bykov est le plus perturbant : lorsqu’il décrit cette loi du silence, ce poids si inhumain et imparable du pouvoir.

Pour son film (son deuxième long métrage), Youri Bykov choisit des tons quasi monochromes, sans la moindre couleur vive si ce n’est celle du sang qui tache la neige. Et ce n’est pas un hasard : dans ce pays où les citoyens se heurtent à la toute puissante des « officiels », l’espoir est une notion bien étrangère… Et le soudain réveil de conscience de notre « héros » n’y changera pas grand-chose.

D’une noirceur abyssale, le film est aussi passionnant que dérangeant. Il permet surtout de révéler l’incroyable talent de Youri Bykov, l’auteur, l’âme et l’incarnation de ce faux film noir construit comme un western tragique. Dans le rôle du cow-boy qui tente de se racheter une conduite, Denis Shvedov est parfait. Mais c’est Youri Bykov lui-même qui dévore l’écran dans le rôle du flic chargé des basses œuvres : un sale type, certes, mais dévoré par la lassitude, l’écœurement, et même la peur de se confronter lui-même à la violence.

Sa présence à l’écran et la profondeur qu’il apporte à ce personnage d’ordure absolue sont assez sidérantes. Acteur, réalisateur, scénariste, monteur du film, Youri Bykov est aussi le compositeur d’une musique totalement envoûtante qui fait beaucoup pour l’atmosphère unique du film. Un talent éclectique pour un film électrique… Youri Bykov est un cinéaste à suivre.

* DVD édité chez Luminor / Arcadès, avec peu de bonus : la seule bande annonce, et la présence du dossier de presse papier, avec notamment une interview de Youri Bykov.

M le maudit (M) – de Fritz Lang – 1931

Posté : 15 août, 2015 @ 9:13 dans * Polars européens, 1930-1939, LANG Fritz | Pas de commentaires »

M le maudit

Ce monument du 7ème art garde, plus de 80 ans après sa réalisation, une puissance incroyable. Visuellement, Lang, au sommet de son art, renoue avec la perfection esthétique de ses chefs d’oeuvre du muet. Dans un noir et blanc sublime, et avec un sens de la composition du cadre qui rappelle constamment sa passion première pour la peinture, Lang filme la ville et ses habitants comme personne avant lui.

Ses images évoquent souvent Docteur Mabuse, autre film (muet celui-là) qui pointait du doigt les fêlures et les monstruosités de la société allemande. Et c’est vrai que les thèmes abordés sont souvent les mêmes, et se font écho aux remous qui secouaient l’Allemagne de l’entre-deux-guerre. Pas un hasard si Lang, cinéaste chéri du pouvoir, s’exilera après 1933, et si M le maudit sera interdit par le régime nazi.

Pourtant, l’approche de Lang pour ce film est radicalement différente de celle de ses grands films muets, très feuilletonesques. Il y a bien des personnages au coeur du film : le tueur joué par Peter Lorre bien sûr, mais aussi le commissaire Lohmann, que Otto Wernicke retrouvera pour Le Testament du Docteur Mabuse. Mais Lang filme avant tout la société berlinoise en tant que tel. Même s’il ne délaisse pas ses personnages (Lorre comme Wernicke sont inoubliables), ce qui intéresse Lang est de disséquer les effets de la violence sur le peuple.

La construction du film est extraordinaire, avec un enchaînement imparable de séquences toutes plus fortes les unes que les autres. Dès la première séquence, le ton est donné, longue scène par moments presque muette qui met en scène l’immontrable : le meurtre d’un enfant, que l’on ne verra jamais vraiment, et que Lang illustre par l’absence. Une chaise vide, un escalier vide, une rue vide… et le hurlement de cette mère que l’on jurerait avoir entendu.

Et puis il y a la paranoïa, et cette foule assoifée de sang prête à lyncher le premier suspect venu parce que la violence appelle la violence (un thème qui sera au cœur de Fury, le premier film américain de Lang). Et là, on comprend pourquoi les personnages en tant que tels sont à ce point en retrait : Lang est fasciné par l’effet de la violence (ce n’est pas une nouveauté), et par le comportement des masses, et son M est peut-être le plus politique de ses films, et le plus critique par rapport à ses concitoyens.

Lang filme la peur, la colère, la suspicion, la folie d’un homme et à travers elle celle d’un peuple. Splendide et terrifiant, le film regorge d’idées géniales : le choix de Peter Lorre pour commencer, hallucinant avec son visage rond et puéril et ses gros yeux globuleux ; cette si belle musique qui annonce la pire des horreurs ; cette armée de mendiants et de criminels lancée dans une chasse à l’homme impitoyable jusqu’à prendre littéralement d’assaut un immeuble…

Formidable aussi : la manière dont Lang met en parallèle la police et la pègre, lancées dans une même quête du mystérieux meurtrier. Chacune avec sa propre motivation, l’une pour faire respecter l’ordre, l’autre en dépit de toutes les lois, mais finalement avec le même objectif et finalement les mêmes armes, comme le sous-entend la très cynique séquence du procès, qui fait vaciller toutes les certitudes tout en balayant les dernières illusions.

M le maudit est une merveille du cinéma, d’une intelligence et d’une force rarement égalées. Peut-être l’oeuvre-clé de tout le cinéma de Fritz Lang.

Peaky Blinders (id.) – saison 1 – créée par Steven Knight – 2013

Posté : 26 mai, 2015 @ 4:51 dans * Films de gangsters, * Polars européens, 2010-2019, BATHURST Otto, HARPER Tom, KNIGHT Steven, TÉLÉVISION | Pas de commentaires »

Peaky Blinders saison 1

D’abord, il y a la beauté envoûtante des premières images, plongée dans les bas-fonds du Birmingham de 1919 qui se résume à quelques décors à la présence quasi-fantastique. Et puis il y a les premières notes du mythique « Red Right Hand » de Nick Cave, qui tiendra lieu de générique et qui plante l’atmosphère unique de cette série absolument géniale.

Peaky Blinders a été rapidement présenté comme une version british et télévisée du Gangs of New York de Scorsese. Mais la comparaison est un peu rapide, basée sur l’ampleur de la reconstitution historique, et sur le poids de la violence sur la construction d’une société. Mais Peaky Blinders est avant tout une sorte de tragédie familiale, finalement plus près du Parrain de Coppola, avec un héros revenu transformé de la guerre : cette bataille de la Somme dont on ne verra rien d’autre que de fugitives réminiscences, mais qui hante l’ensemble de cette première saison.

Il y a dans Peaky Blinders une immense ambition esthétique : pour le créateur Steven Knight et ses réalisateurs, chaque plan est construit comme un tableau aux couleurs chaudes. D’où quelques (rares) excès, en particulier dans les premiers épisodes : une propension aux ralentis pas toujours nécessaires. Mais la beauté des images reste constamment au service de l’atmosphère, soulignant le sentiment d’assister à une tragédie en marche, inéluctable.

Peaky Blinders est un show plein de fureurs et de violence. C’est aussi une série qui sait prendre son temps, et ose les longues pauses, pour mieux faire exister des personnages fascinants qui, tous, portent leur part d’ombre comme une croix. C’est évidemment le cas de Tommy Shelby, le « chef de gang » dangereux et touchant à la fois, incarné avec une puissance rare par Cillian Murphy. C’est aussi le cas de son double négatif, le superflic Campbell aux méthodes pas si éloignées de ceux qu’il traque (Sam Neill, magnifique revenant). Mais aussi de la belle Grace Burgess, superbe trait d’union entre les deux antagonistes.

Six épisodes seulement pour cette première saison, mais d’une intensité renversante, sans la moindre baisse de régime. Jamais complaisante dans sa manière d’aborder la violence, ne cédant jamais à une quelconque facilité scénaristique, Peaky Blinders est une merveille absolue, un chef d’oeuvre dont on attend avec une impatience rare la deuxième saison…

* Double blue ray indispensable édité chez Arte, qui rend parfaitement hommage à la beauté visuelle de la série (avec en bonus un beau making of de 15 minutes).

* Voir aussi la saison 2 et la saison 3.

Southcliffe (id.) – mini-série réalisée par Sean Durkin – 2013

Posté : 26 février, 2015 @ 6:01 dans * Polars européens, 2010-2019, DURKIN Sean, TÉLÉVISION | Pas de commentaires »

Southcliffe

Une petite ville anglaise, sans histoire. Le genre de petite ville où tout le monde se connaît plus ou moins depuis l’enfance. Où les fins de journée et les week-ends se passent dans les pubs, à enchaîner les bières et chanter avec les potes. Tout ce qu’il y a d’harmonieux, a priori, jusqu’au jour où un habitant, un peu marginal mais sans réel problème, se mette à tirer sur tous ceux qu’il croise, tuant au final 15 personnes. Le genre d’événements qui crée des abysses de souffrances et d’interrogations, mais qui révèle aussi les fissures qui étaient déjà bien là…

C’est ce que raconte cette formidable mini-série british en quatre épisodes d’une intensité rarement atteinte jusqu’à présent. Le sujet lui-même n’a rien de nouveau : la violence et le drame qui révèlent les secrets cachés ou la face obscure d’une communauté, on a déjà vu ça cent fois. Mais pas comme ça, pas avec cette force narrative (et cette intelligence), à mettre autant au crédit du réalisateur Sean Durkin que du scénariste Tony Grisoni.

Ce qui frappe tout au long de ces plus de trois heures de films (trois bons quarts d’heure par épisode), c’est la manière dont le passé, le présent et l’avenir sont entremêlés. Pas uniquement dans le montage qui, surtout dans les deux premiers épisodes, propose d’incessants allers-retours temporels. Mais aussi dans la manière qu’ont les personnages de faire face à la tragédie et à la douleur, comme si la frontière du temps n’existait plus.

Les deux premiers épisodes sont aussi audacieux que brillants dans leur structure, sorte de spirale nous entraînant inexorablement au coeur de l’horreur. Le film ne joue ni la carte du mystère, ni celle du suspense pure : on sait d’emblée ce qui va se passer. Mais Durkin et Grisoni réussissent admirablement à créer ce sentiment de l’inexorable, de l’imminence de la violence et de ses conséquences à venir.

Les deux derniers épisodes sont plus linéaires, parsemés toutefois de brèves images du passé, ou de simples réminiscences. Mais le poids du passé y est constamment présent. Pas seulement de la tuerie, mais aussi de tout ce qui, peut-être, y a conduit. Et c’est toute une histoire commune qui est revisitée avec douleur.

Il y a quelque chose de viscéral dans Southcliffe. Quelque chose que l’on doit aussi à l’extraordinaire qualité de l’interprétation. Les acteurs semblent tous littéralement habités par des rôles formidablement écrits et d’une complexité rare. Comment faire resentir la douleur la plus insoutenable en chantant avec des potes ? Comment émouvoir en insultant une population qui pleure ses morts ? Comment faire resentir une culpabilité qui ne peut pas s’exprimer ?

Si Southcliffe est un chef d’oeuvre, c’est aussi grâce à la manière dont les acteurs incarnent totalement ces personnages, détruits et hantés à jamais. L’une des plus belles réussites télévisuelles de ces dernières années.

• Les quatre épisodes de cette mini-série sont regroupés sur un DVD qui vient de sortir aux Editions Montparnasse. Sans bonus.

Tesis (id.) – de Alejandro Amenabar – 1996

Posté : 7 août, 2014 @ 3:03 dans * Polars européens, 1990-1999, AMENABAR Alejandro | Pas de commentaires »

Tesis

Futur réalisateur du très efficace Les Autres et du très sous-estimé Agora, Alejandro Amenabar faisait des débuts très remarqués avec ce film franchement glaçant au thème pour le moins sordide : l’héroïne, interprétée par Anna Torent (vue dans Cria Cuervos), est une étudiante qui prépare une thèse sur la violence audiovisuelle, et qui découvre l’existence d’un réseau de snuff movies (des films mettant en scène de véritables meurtres) dans son université.

Amenabar n’a que 23 ans quand il réalise ce premier long métrage, et sa maîtrise est déjà impressionnante, même si le film aurait gagné à être un peu plus resserré. La première heure, trop longue, trop froide, trop maladroite même, peine à créer un véritable sentiment d’angoisse, qui s’installera véritablement dans la seconde moitié du film, avec une dernière demi-heure franchement terrifiante.

Tesis a marqué l’émergence d’une nouvelle génération pour un cinéma espagnol jusqu’alors moribond, dont le film se moque d’ailleurs gentiment : lorsqu’un professeur meurt en visionnant une cassette vidéo, un étudiant souligne qu’il regardait sûrement un film espagnol. Le film d’Amenabar a aussi inspiré tout un pan du cinéma d’angoisse des deux décennies à venir, pour des cinéastes qui rechercheront souvent à créer l’effroi à tout prix. Amenabar, lui, signe une mise en scène d’une discrétion surprenante, qui jamais ne souligne l’effet.

On a peur, bien sûr, mais c’est surtout un malaise sourd qui domine. D’autant plus que le cinéaste semble moins intéressé par la peur que par le trouble de son personnage, tiraillée entre dégoût et attirance. Sa relation avec les deux personnages masculins est fascinante : l’un, étudiant passionné par l’hyper-violence ; l’autre, bellâtre soupçonné d’être le meurtrier, mais terriblement attirant…

Et elle, incapable d’agir avec raison, se laissant aller à une attirance morbide et mortelle, à l’instar du Michael Douglas de Basic Instinct en quelque sorte. Un trouble qui atteint des sommets lorsque « ses » deux hommes finissent par s’empoigner et se battre, sans que l’on sache qui est le bon, qui est le mauvais. Une vision aussi troublante pour l’héroïne que pour le spectateur, qui n’en ressort pas vraiment indemne…

• Le film est redécouvert grâce à Carlotta, qui propose un DVD d’une belle tenue éditoriale, avec un long documentaire dans lequel Alejandro Amenabar revient sur sa première réalisation. Au menu également, quelques scènes coupées, et un making of avec des interviews d’époque.

Illegal Traffic (Reykjavik-Rotterdam) – de Oskar Jonasson – 2008

Posté : 30 janvier, 2013 @ 12:11 dans * Polars européens, 2000-2009, JONASSON Oskar | Pas de commentaires »

Illegal Traffic (Reykjavik-Rotterdam) – de Oskar Jonasson – 2008 dans * Polars européens illegal-traffic

Un gros succès venu d’Islande, ce n’est pas si courant. Pas étonnant que ce Reykjavik-Rotterdam ait attiré l’attention des producteurs américains, qui en ont rapidement tiré un remake, Contrebande, réalisé par Baltasar Kormakur, qui n’est autre que l’acteur principal de ce film signé Oskar Jonasson.

Tendu à l’extrême, concis (une heure vingt, montre en main), le film ne s’embarrasse pas du superflu. Il est d’une densité assez admirable, descendant direct des grands films noirs américains auxquels il emprunte son intrigue, spirale infernale dont est victime le héros.

Ce dernier est un pur personnage de film noir : un ex-trafiquant qui s’est rangé, fondant une famille qui tente de surmonter ses difficultés financières quotidiennes. Pour aider son beauf, menacé par des gangsters, mais aussi (et surtout ?) pour offrir une meilleur vie à sa famille, il replonge pour un ultime trafic : importer des centaines de litres d’alcool à bord d’un porte-containers.

Un type loyal qui réalise un peu tard que tous ceux pour lesquels il était prêt à se battre sont des pourritures. 100% film noir, quoi…

L’originalité du film, sa personnalité, reposent sur la toile de fond : l’Islande et les Pays Bas comme on a rarement l’occasion de les voir, celles des quartiers populaires, celles des ports inquiétants. Le thriller, hyper efficace, baigne dans un contexte social fort, d’autant plus fort qu’il ne prend jamais le pas sur le suspense.

Oskar Jonasson a trouvé le parfait dosage. Son film, basé sur une intrigue on ne peut plus classique, est passionnant.

Le Chien des Baskerville (The Hound of the Baskerville) – de Terence Fisher – 1958

Posté : 22 janvier, 2013 @ 3:45 dans * Polars européens, 1950-1959, FISHER Terence, Sherlock Holmes | Pas de commentaires »

Le Chien des Baskerville (The Hound of the Baskerville) – de Terence Fisher – 1958 dans * Polars européens le-chien-des-baskerville

La plus célèbre adaptation de Sherlock Holmes au cinema est, curieusement, la quintessence du style gothique horrifique de la Hammer. Avoir fait des deux stars maisons (Peter Cushing et Christopher Lee) les têtes d’affiche de cette adaptation classieuse n’est pas la seule raison : il y a surtout le choix d’avoir confié la mise en scène à Terence Fisher, le réalisateur le plus emblématique du studio.

Forcément, le résultat doit plus aux ambiances gothiques effrayantes de la célèbre firme qu’aux romans de Conan Doyle. D’ailleurs, Sherlock Holmes (Cushing), « le » héros du film, est absent pendant une bonne moitié du métrage, laissant la vedette à Watson et surtout à Christopher Lee, alias Henry de Baskerville, héritier d’un château inquiétant, marqué par une sombre malédiction. Un personnage hautement « hammerien ».

C’est la grande réussite de Fisher : avoir réussi à combiner les deux univers qui, pourtant, n’ont pas grand-chose en commun. Et avoir signé un vrai Holmes sans édulcorer le moins du monde l’univers habituel du studio.
Le film utilise à merveille les décors : le trop grand château des Baskerville, et surtout la lande désolée qui l’entoure, vaste étendue marécageuse, constamment nappée de brouillard, et d’où émergent quelques ruines gothiques du plus bel effet. Le décor idéal pour une bonne escapade au pays de la peur.

L’invitation tient toutes ses promesses. Le dénouement est bâclé, et franchement sans intérêt (comme dans la plupart des Sherlock Holmes), mais qu’importe : seule compte la manière d’y arriver. Pas forcément les déductions légendaires du détective, pour une fois, mais l’angoisse constante, les apparitions mystérieuses, et ces cris dans la nuit qui glacent le sang.

La malédiction des Baskerville (introduite par une première séquence, en forme de flash-back, absolument glaçante), et l’enquête de Holmes, ne sont que des prétextes. Fisher voulait faire peur, dans une ambiance de film d’horreur. C’est totalement réussi.

Mary (Sir John greift ein) – d’Alfred Hitchcock – 1931

Posté : 16 novembre, 2012 @ 7:30 dans * Polars européens, 1930-1939, HITCHCOCK Alfred | Pas de commentaires »

Mary

Drôle d’expérience, de découvrir ce méconnu Mary après avoir revu Meurtre !, l’un des bijoux oubliés du jeune Hitchcock : Mary est la version allemande du précédent. A une époque, les premières années du parlant, où le doublage n’existait pas encore, et où de nombreuses productions françaises et anglaises étaient tournées simultanément dans la langue originale, et en allemand pour l’important marché outre-Rhin, Mary est l’unique version allemande d’un de ses films que tourne Hitch lui-même.

Les décors sont les mêmes, le scénario est le même. On imagine bien Hitchcock boucler ses scènes anglaises, et enchaîner en dirigeant ses acteurs allemands pour « l’autre film ». Car les deux films sont quasiment identiques, les acteurs ne sont pas les mêmes. D’où, lorsqu’on voit les deux films à la suite comme votre serviteur l’a fait, l’étrange impression d’avoir vécu une expérience rare.

Malgré leurs similitudes, avantage certain à la version anglaise originale. Pour la version allemande, Hitchcock semble avoir traité avec un peu plus de nonchalance un certain nombre de séquences : la première apparition de Fane, comédien travesti en femme dont l’ambiguïté sexuelle disparaît d’ailleurs presque entièrement de la version allemande ; la fameuse séquence du miroir avec le dilemme moral du héros illustré en musique, plus platement ici ; ou encore celle du repas entre Sir John et le couple de modestes régisseurs, qui reste amusante, ne va plus aussi loin dans le contraste entre deux mondes. Exit aussi le tapis très épais dans lequel semblent s’enfoncer les invités.

La fin est également nettement moins romantique et originale (un rideau de théâtre qui tombait dans la version anglaise, les deux héros à l’arrière d’une voiture ici). Quant à Alfred Abel, solide acteur habitué des films de Fritz Lang (Docteur Mabuse, Metropolis), sa prestation est bien moins suave et habitée que celle d’Herbert Marshall. Même les « défauts » de la version anglaise semblent manquer ici, comme les étranges hésitations du juré n°1 qui se trompait en comptant les papiers « coupables » et « non coupables ». Mine de rien, tout est un peu plus lisse, dans cette version allemande.

Voilà pour le jeu des sept différences. Mais Mary reste un film virtuose et passionnant, comme sa version originale. Et c’est une curiosité incontournable pour tout vrai passionné de Sir Hitchcock.

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