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Archive pour la catégorie '* Polars asiatiques'

Chien enragé (Nora inu) – d’Akira Kurosawa – 1949

Posté : 25 avril, 2016 @ 8:00 dans * Polars asiatiques, 1940-1949, KUROSAWA Akira | Pas de commentaires »

Chien enragé

Entre Chien enragé et L’Ange ivre, il y a une parenté évidente pour le jeune Kurosawa, qui reprend à la fois le même formidable duo d’acteurs (Toshiro Mifune et Takashi Shimura) et une thématique similaire, dans un Tokyo écrasé par la chaleur et marqué par le traumatisme de la guerre, et par la difficulté de se relever et de tirer un trait sur le passé.

Et comme pour L’Ange ivre, l’influence du théâtre se ressent. Moins pour le décor cette fois que pour la construction en trois actes très marqués, qui suivent un même mouvement mais avec des tons très différents…

La première est une plongée dans les bas-fonds de la ville par un jeune flic obsédé par l’idée de retrouver son arme, qu’on lui a volée durant un moment d’inattention. Mifune est un jeune homme qui semble d’un autre temps (« Il n’y a plus beaucoup de jeunes comme lui », lance d’ailleurs un personnage), obsédé par son honneur et par des codes qui contrastent avec l’américanisation de ce Japon d’après-guerre.

Dans le film, il est même le seul vestige d’un Japon qui a disparu sans qu’on s’en rende vraiment compte : les héritières des geishas sont devenues de simples entraîneuses, et la bière a remplacé le saké… L’influence de la culture américaine est omniprésente, balayant la tradition.

La deuxième partie est une sorte de buddy movie : le jeune flic tempétueux et torturé qui semble trouver refuge auprès de son aîné (Takashi Shimura). Le contraste entre le Japon traditionnel et l’occidentalisation prend alors une dimension supérieure encore, avec cette longue séquence, inattendue, dans un stade durant une partie de base-ball. L’arme est devenue le symbole de la culpabilisation du jeune flic.

La troisième partie est plus complexe. La culpabilité laisse la place à une troublante prise de conscience : le jeune flic réalise que celui qui a utilisé son arme pour commettre ses méfaits est une sorte de double inversé de lui-même. Même parcours humain, même allure (« un homme de 28 ans avec un costume blanc », d’après la description d’un témoin : exactement la sienne), mais un simple choix radicalement différent, qui fait toute la différence…

Ces trois parties également passionnantes rythment l’apprentissage de Mifune, marquée par l’atmosphère anxiogène et moite créée par Kurosawa, avec cette chaleur pesante et omniprésente. Au-delà du (formidable) polar, Chien enragé est une belle réflexion sur ce Japon d’après-guerre qui peine à se trouver, à travers la prise de conscience douloureuse de ce personnage fascinant.

* Superbe édition DVD chez Wild Side, avec quelques bonus filmés, et surtout un passionnant livret de 50 pages écrit par Charles Tesson, et magnifiquement illustré.

L’Ange ivre (Yoidore tenshi) – d’Akira Kurosawa – 1948

Posté : 3 avril, 2016 @ 8:00 dans * Polars asiatiques, 1940-1949, KUROSAWA Akira | Pas de commentaires »

L'Ange ivre

Une nuit brûlante dans un quartier misérable de Tokyo. Un jeune homme arrive chez un médecin pour se faire soigner sa main blessée. C’est le caïd du quartier, l’arrogance de la jeunesse, la fierté mal placée, qui apprendra qu’il est malade de la tuberculose. Face à lui, un toubib vieillissant et crasseux, qui semble en avoir trop vu pour accepter ces codes d’honneur d’un autre temps qui ont conduit le pays à sa déchéance.

La scène se déroule dans une pièce à l’éclairage vif. Les personnages sont en sueurs, la porte et les fenêtres sont ouvertes et laissent entrer des accords de guitare, et on sent constamment l’omniprésence de cette misère qui est le quotidien dans ce quartier. A porté de mains presque, au centre de ce microcosme, une marre, puante et menaçante, où tous les déchets sont jetés…

En une simple séquence, dans un décor quasi-théâtral, Akira Kurosawa crée une extraordinaire atmosphère. Pas besoin de grands discours, ou de longues scènes démonstratives : ce simple décor, et la colère à fleur de peau du médecin et du jeune caïd suffisent pour évoquer ce Japon d’après-guerre, coincé dans ce cloaque par des réflexes ancestraux.

Film noir, drame humain… L’Ange ivre est souvent considéré comme le premier chef d’œuvre de Kurosawa. C’est en tout cas une merveille absolue, fascinant mélange d’expressionnisme et de réalisme: les jeux d’ombres contrastés contribuent à créer cette atmosphère fascinante, tandis que des séquences diurnes à la lumière aveuglante renvoient à une réalité sociale bien plus cruelle, avec ces gamins qui tuent le temps en jouant autour de cette marre dont la pollution rappelle le traumatisme nucléaire.

L’utilisation de la musique aussi est fascinante, avec ces airs de guitare qui annoncent l’arrivée d’un élément perturbateur, un ancien caïd tout droit sorti de prison qui vient rompre le fragile équilibre de ce quartier sans avenir. Les personnages naviguent entre la nostalgies de rêves déçus, et de vains espoirs de départ, ou se réfugient derrière des frusques de caïds qui ont tout de l’accessoire de films hollywoodiens. Mais tous paraissent prisonniers de leur environnement.

C’est aussi le premier film dans lequel Kurosawa dirige Toshiro Mifune, qui sera son acteur fétiche presque systématique jusqu’en 1965. Quasi débutant (c’est son troisième film), Mifune impose une présence magnétique à son personnage de caïd dont l’arrogance dissimule mal les blessures enfantines encore présentes. Ses rencontres avec le médecin interprété par un extraordinaire Takashi Shimura sont superbes.

Kurosawa filme leurs face-à-face comme des joutes, presque des combats de chiens. Tous deux se tournent autour, se reniflent et finissent par aboyer et se jeter sur l’autre, dans un éternel recommencement. Attirés l’un par l’autre comme si chacun était l’unique espoir de l’autre, tellement différents, et finalement tellement semblables, qu’ils se renvoient un reflet de leurs propres échecs.

Cet affrontement devient carrément génial lors d’une scène de bar, lorsque leur attirance et leur colère passe par de petits verres d’alcools qui ne cessent d’être balancés d’un revers de main, avant de revenir aussi sec. Un ballet aussi étrange que magnifique, qui en dit beaucoup sur leur incapacité à simplement se laisser aller.

L’immobilisme, le destin, la colère… Tous ces sentiments se dégagent de L’Ange ivre, film superbe à tous points de vue, et convergent lors d’une hallucinante séquence de duel, à la fois brutale et grotesque. Jusqu’à cette petite note d’espoir qui, in extremis, nous tire un petit sourire. Magnifique…

* DVD dans une très belle édition avec livre (passionnant et superbement illustré), documentaire sur Kurosawa et analyse du film par Jean Douchet, chez Wild Side Vidéo. L’éditeur consacre toute une collection aux « Années Toho » de Kurosawa.

Connected (id.) – de Benny Chan – 2008

Posté : 10 août, 2014 @ 12:47 dans * Polars asiatiques, 2000-2009, CHAN Benny | Pas de commentaires »

Connected

Dans la lignée des films d’action purement improbables, celui-ci est une heureuse surprise. Remake hong-kongais officiel de Cellular, thriller américain avec Kim Basinger, le film de Benny Chan prend ouvertement le parti de l’efficacité pur, au détriment souvent de la vraisemblance. On a ainsi droit à une poursuite automobile où les obstacles servent de tremplin aux voitures, offrant au spectateur des images bien belles et bien spectaculaires, et enlevant par là même toute velléité de réalisme…

On s’en fiche totalement bien sûr. Les méchants sont trop caricaturaux, les flics ripoux trop téléphonés, les rebondissements trop énormes… Mais le film est d’une efficacité assez imparable, et se regarde le souffle coupé. L’idée de départ est il est vrai assez originale : une jeune femme enlevée par de mystérieux tueurs réussit à téléphoner à un parfait inconnu, qui accepte de lui venir en aide.

De ce postulat de départ, le film tire une succession de scènes d’action toutes inventives et originales, ouvertement inspirées par le cinéma d’action US des années 90 (on pense souvent à Die Hard 2 notamment), mais totalement dans son époque. Et ce mélange de « classicisme » et de modernité trouve un écho assez intéressant dans la vision que le film offre de Hong-Kong, ville que les cinéphiles de ma génération ont découvert grâce aux films de John Woo ou Tsui Hark, et que l’on découvre ici telle qu’elle est à l’ère du téléphone portable omniprésent.

Bien fichu, filmé par un cinéaste qui soigne ses images, interprété par des comédiens très charismatiques (Louis Koo est un père paumé bien émouvant, Barbie Hsu est magnifique, et Nick Cheung est le cousin chinois de John McClane…), le film est à peine gâté par la musique électro un peu agaçante du frenchy Nicolas Errera. C’est pas du grand cinéma, on est d’accord, mais Connected remplit parfaitement son contrat : donner du plaisir… et vider la tête…

Drug War (Du Zhan) – de Johnnie To – 2012

Posté : 4 août, 2014 @ 6:18 dans * Polars asiatiques, 2010-2019, TO Johnnie | Pas de commentaires »

Drug War

Drug War serait-il le film le plus radical de Johnnie To ? Difficile à dire, tant la production du grand maître hong-kongais est prolifique. Mais avec ce film, le réalisateur des formidables The Mission et PTU signe une sorte de polar qui pousse à un stade extrême l’abstraction.

La séquence d’ouverture nous plonge dans une simple filature, dans le cadre d’une enquête sur un trafic de drogue à grande échelle. Pas un instant on ne sortira de l’enquête, ni du point de vue forcément parcellaire des policiers. Le film ne laisse guère de chance de s’attacher à l’un ou l’autre de ces personnages, totalement privés de vie sociale. On est en plein cœur de l’action, et rien ne nous attache à la « vraie vie ». L’univers du film se résume à cette traque, à cette enquête qui, d’une étape à l’autre, va plonger les policiers au cœur du chaos.

Désincarné, privé de tout romantisme et de toute identification possible, Drug War déroute dans un premier temps. D’autant que la mise en scène au cordeau de To, qui s’attache généralement à restituer les différentes dimensions des lieux de l’action, semble ici plus préoccupée par le temps et son enchaînement. Le film est une plongée au cœur de l’enfer, lente mais assurée, une succession de moments dont on pressent immédiatement l’issue morbide.

C’est un pur film de cinéaste, qui ne se base pas sur des personnages dont on ne saura strictement rien. Pas plus que sur l’histoire, qui se résume à un enchaînement presque clinique de séquences. Tout le film repose sur la mise en scène, sur le mouvement inéluctable. Et Johnnie To est un maître en la matière. Passée la première partie, déroutante, le film fascine et nous laisse exsangue, à l’issue d’une dernière partie qui pousse le radicalisme de To à son extrême. Une épreuve, un monument de cinéma.

• Le film est édité chez Metropolitan, avec un petit making of et une série de bandes annonces.

PTU (id.) – de Johnnie To – 2003

Posté : 6 novembre, 2013 @ 2:33 dans * Polars asiatiques, 2000-2009, TO Johnnie | Pas de commentaires »

PTU (id.) – de Johnnie To – 2003 dans * Polars asiatiques ptu

Les 15 premières minutes sont hallucinantes, mélange de violence extrême, d’absurde et de sentiment de menace. Une plongée radicale dans ce qui est parenthèse irréelle à Hong Kong : une nuit où l’effervescence perpétuelle de la ville disparaît soudain. Johnnie To nous plonge dans cette nuit de solitude d’une manière ahurissante : en suivant un chef de gang constamment entouré, dont le moindre mouvement est suivi de près par tous ses hommes, qui finira par mourir totalement esseulé, après une longue agonie à laquelle personne n’assistera…

Dès lors, la vie grouillante de Hong Kong a disparu, et le film ne sera plus qu’une longue virée nocturne et fascinante dans les rues désertes, vastes artères dominées par des façades froides et pesantes. Une virée dont la perte de son arme de fonction par un policier sera l’absurde prétexte.

Avec ses cadrages légèrement désaxés et l’utilisation du grand angle, Johnnie To filme un Hong Kong quasi irréel, désert et habité par un sentiment d’insécurité et de menace permanente. Une plongée quasi-irréelle dans cette nuit pleine de dangers, où les êtres se déplacent comme des spectres. Où la parole est rare, et où le moindre geste laisse penser que l’explosion de violence est imminente. Il faudra pourtant attendre les dernières minutes, et se laisser envoûter par la musique exceptionnelle, hallucinogène. Entre-temps, la violence n’est que latente, et les flics déambulent lentement, arpentant les rues à pied. L’atmosphère évoque celle qui précède les règlements de compte dans certains westerns.

Ici aussi, comme chez Sergio Leone, toute notion de bien ou de mal est illusoire : toutes les trajectoires personnelles convergent vers un règlement de compte final que l’on pressent dès le départ, et qui se conclue sur une pirouette scénaristique qui enfonce définitivement le clou.

Inutile de chercher une quelconque morale, ou même un sens à cette nuit de violence : avec la dernière scène, To confirme que cette arme disparue n’était qu’un prétexte. Rien de plus.

Le résultat est un grand exercice de style, peut-être le film le plus radical de To, dont le scénario se résume à une seule nuit, une nuit au cours de laquelle la ville semble totalement endormie (To a d’ailleurs mis trois ans à tourner son film, ne pouvant profiter des rues désertes que le dimanche soir). En quelque sorte, le pendant hong-kongais du After Hours de Scorsese.

Vengeance (Fuk sau) – de Johnnie To – 2009

Posté : 22 mars, 2013 @ 1:52 dans * Polars asiatiques, 2000-2009, TO Johnnie | Pas de commentaires »

Vengeance (Fuk sau) - de Johnnie To - 2009 dans * Polars asiatiques vengeance

Il y a deux postures possibles face à Vengeance : on peut au choix saluer l’élégance et l’intelligence de la mise en scène, digne du cinéaste de The Mission ; ou se tordre de rire (ou de douleur) face à un scénario débile et un Johnny Hallyday grotesque.

Ce n’est pas tant que Johnny est un mauvais acteur. C’est surtout qu’il tient plus de la momie que de l’être humain. Difficile d’imaginer autre chose que la star hors du temps de la chanson française, voire même que sa vieille marionnette des guignols, à laquelle, quand même, il ressemble de plus en plus.

Avoir choisi Johnny pour ce rôle d’un ancien tueur à gages qui débarque à Macao pour venger les assassins de la famille de sa fille (Sylvie Testud, étrange apparition qui n’a rien à jouer, mais le fait plutôt bien) est, bien sûr, la pire erreur du film. A l’origine, Johnnie To voulait Alain Delon, et on voit bien pourquoi : le personnage de Francis Costello est clairement inspiré par celui du Samouraï (Jeff Costello), le film-culte de tout un tas de cinéastes de Hong Kong (le John Woo de The Killer, déjà…). Même mutisme, même chapeau vissé sur la tête, même dégaine.

Delon, qui a un flair incroyable pour éviter soigneusement tout ce qui pourrait ajouter une ligne glorieuse à son CV (on rappelle qu’il venait alors de tourner Astérix aux Jeux Olympiques ?), refuse le projet, et Johnnie To se tourne alors vers une autre icône. Et notre Johnny devient le seul acteur du monde à avoir tourné un western spaghetti avec Sergio Corbucci (Le Spécialiste) et un polar avec Johnny To. Et peu importe s’il s’agit, dans les deux cas, des plus faibles de leur auteur…

Quant à l’histoire de vengeance, elle n’est ni pire, ni meilleure que les arguments habituels des polars hong-kongais. Mais quelques choix curieux plombent le film : pourquoi avoir fait du personnage principal un type à la mémoire qui flanche ? Un enjeu « bis » qui n’apporte qu’une touche de ridicule dont on aurait pu se passer. A propos de ridicule, la séquence où Johnny prie à genoux face à la mer est pas mal : une prière si longue qu’il laisse la marée lui monter jusqu’au cou sans broncher !

Pourtant, Vengeance reste un film hautement recommandable. Même en roue libre, Johnnie To est un prince, et sa mise en scène est d’une intelligence et d’une efficacité remarquables. Entourés de ses acteurs habituels (Anthony Wong et Lam Suet en tête), il signe quelques grandes scènes formidablement tendus. La meilleure : une fusillade dans un bois plongé dans la nuit, où les coups de feu s’arrêtent lorsque les nuages couvrent la pleine lune. Là, le génie de To, sa science de l’espace et du temps, réapparaissent comme dans ses meilleurs films. Et ça, ça vaut bien quelques éclats de rire involontaires…

J’ai rencontré le Diable (Akmareul boatda) – de Kim Jee-won – 2010

Posté : 16 novembre, 2011 @ 9:50 dans * Polars asiatiques, 2010-2019, KIM Jee-won | Pas de commentaires »

J'ai rencontré le diable

Après avoir flirté avec le western spaghetti (Le bon, la brute et le cinglé), le Coréen Kim Jee-won flirte avec le thiller noirissime tendance Seven avec ce film de serial-killer violent jusqu’à la nausée. Point de mystère ici : l’identité du tueur nous est dévoilée dès la première séquence (scène de meurtre classique dans sa construction – une jeune femme en panne dans la campagne déserte, un véhicule inquiétant qui s’arrête – mais visuellement d’une beauté envoûtante), et le « gentil » lui-même résout l’enquête en moins d’une demi-heure.

Rapidement, le film de serial killer, plutôt classique au début, se transforme en un jeu de piste glauque et macabre entre le héros, un agent des services secrets qui s’avère être le fiancé de la première victime, et le méchant, un type à peu près normal à cela près qu’il est l’incarnation même du mal absolu. Or, la fiancée en a bavé avant de trépasser, longuement torturée par le tueur devant une caméra qui ne nous épargne rien. Alors l’agent secret, transformé en vigilante, jure de faire souffrir le tueur à son tour. Beaucoup, longtemps, avec un sadisme grandissant et une détermination sans faille qui fait froid dans le dos…

Pas de place pour la rigolade dans ce film noir, qui présente une Corée du Sud bien loin de l’image d’Epinal du sublime Chant de la Fidèle Chun-hyang. Ici, on est dans un pays habité par des esprits malades : le tueur en série est un être froid qui a grandi dans une famille de merde ; son seul ami est une épave qui se gave de chair humaine qu’il stocke dans des congélateurs pleins à dégueuler, et maqué avec une jeune femme totalement abrutie. Et quand le tueur est pris en stop après avoir pris une raclée par sa nouvelle nemesis, l’agent secret transformé en ange vengeur, c’est un duo de tueurs qui trimballent un cadavre dans leur coffre qui s’arrête… Probablement pas le film préféré des tour-operator…

La comparaison avec Seven n’est pas fortuite : le rôle de l’agent secret, interprété avec une sobriété dérangeante et bouleversante par Lee Byung-hun, fait férocement penser à celui de Brad Pitt dans le film de David Fincher. Flic intraitable lancé dans une quête qui dévore tout sur son passage, on le sait d’entrée condamné à une damnation forcément terrible. Entre-temps, il aura eu le temps de se transformer lui-même en un monstre froid, dans sa recherche de la vengeance ultime, apparaissant quand le tueur ne l’attend pas pour le torturer (lui brisant le poignet, lui sectionnant le tendon d’Achille ou lui fracassant le crâne… tout ça en gros plans sanguinolents) avant de le relâcher, pour mieux recommencer. Toujours plus violent, toujours plus implacable.

Et puis il y a le tueur lui-même, figure monstrueuse dont la seule étincelle d’humanité, dans les toutes dernières minutes du film, donne des frissons… La force du personnage (qui aurait facilement pu tomber dans la caricature) doit énormément à l’interprétation elle aussi monstrueuse et d’une force extraordinaire de Choi Min-sik, que l’on avait plus vu depuis sa prestation mémorable dans Old Boy. Son interprétation, fiévreuse et hallucinante (qui évoque un peu celle de Daniel Day Lewis dans Gangs of New York) est hypnotique et hante longtemps les esprits. Comme le regard froid de son adversaire, où la dernière étincelle d’humanité menace à tout moment de disparaître…

Memories of Murder (Salinui Chueok) – de Bong Joon-ho – 2003

Posté : 19 août, 2011 @ 9:02 dans * Polars asiatiques, 2000-2009, BONG Joon-ho | Pas de commentaires »

Memories of Murder (Salinui Chueok) – de Bong Joon-ho – 2003 dans * Polars asiatiques memories-of-murder

C’est un peu le Zodiac sud-coréen. Tourné avant le film de David Fincher, ce petit bijou du futur réalisateur de The Host est lui aussi inspiré d’une enquête bien réelle, restée irrésolue : celle concernant le premier tueur en série de l’histoire de Corée du Sud. C’était au milieu des années 80 : une dizaine de jeunes femmes avaient été assassinées dans une région rurale du pays, et l’assassin n’avait jamais été démasqué…

D’une beauté formelle saisissante, le film ne cherche pas à sublimer la situation. Bong Joon-ho filme une société qui n’a pas encore tout à fait franchi le pas de la démocratie : l’histoire commence en 1986, année au cours de laquelle une révolte étudiante a été réprimée dans le sang. L’image que le film donne de la police locale n’est d’ailleurs guère réjouissante. Visiblement enfermés dans des méthodes en place depuis des décennies, ces policiers d’une intelligence très limitée n’hésitent pas, quand l’enquête patine, à faire appel à la torture, voire à créer de faux indices. Pour remplacer une empreinte de chaussure effacée par un tracteur sur une scène de crime qui n’a pas été sécurisée, le flic n’hésite pas à créer une nouvelle empreinte avec la chaussure du suspect du moment…

Ce flic, interprété par l’excellent Song Kang-ho (qui sera le fils un peu attardé de The Host), n’est pourtant pas un mauvais gars. Sa volonté d’arrêter le tueur est évidente, et il y fait preuve d’une ténacité à toute épreuve. Bong Joon-ho ne juge personne, si ce n’est ce vieux système qui vivait ses dernières heures, et qui donne lieu à une enquête terrible d’absurdité. Les flics du coin doivent faire avec les moyens du bord, avec leur inexpérience dans ce genre d’affaires, avec des méthodes totalement inadaptées… Absurde, aussi, le recours quasi systématique à la violence dans les interrogatoires : battu sauvagement par l’un des flics, un suspect fait ensuite une pause déjeuner avec ses tortionnaires, devant une émission de télévision.

Grand prix largement mérité au festival du film policier de Cognac, Memories of murder est aussi un vrai polar, et un thriller parsemé de séquences franchement terrifiantes, comme cette longue scène de nuit, dans laquelle une femme seule marche sous la pluie, près d’un immense champ de maïs. Un grand moment d’angoisse.

Au fur et à mesure que le film avance, que le temps passe, et que les victimes se suivent, un sentiment de détresse s’ajoute à l’absurdité. Le flic un peu idiot de la campagne, comme l’inspecteur de la ville, posé et réfléchi, cèdent tous les deux à l’obsession qui, ils le pressentent, ne les quittera plus jusqu’à leur dernier souffle. L’ultime plan du film, silencieux, sur le regard de Song Kang-ho, est un terrible cri de détresse…

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