Play it again, Sam

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Archive pour la catégorie 'POLARS/NOIRS'

The Pledge (id.) – de Sean Penn – 2001

Posté : 11 avril, 2025 @ 8:00 dans * Thrillers US (1980-…), 2000-2009, PENN Sean | Pas de commentaires »

The Pledge

Sean Penn a décidément le sens de la déconne… ou pas. Avec The Pledge, il retrouve Jack Nicholson et lui offre un rôle peut-être plus sombre encore que le père endeuillé de Crossing Guard. Un personnage obsessionnel jusqu’à la folie, qui nous plonge dans des abysses de noirceur.

Nicholson est un flic très fraîchement retraité, dont les dernières heures actives ont été marquées par le meurtre d’une fillette, et par la promesse impossible faite aux parents de la jeune victime, moment de bascule dont il ne se remettra pas.

Dans des paysages somptueux de forêts, de montagnes et de grands lacs, Sean Penn filme la retraite de l’ex-flic, qui n’est au fond que la quête désespérée d’un homme pris par son serment, ou qui s’y raccroche parce que la retraite est un abyme pour lequel il n’est pas prêt.

Sur sa piste, il croise un casting dingue : Harry Dean Stanton, Patricia Clarkson, Sam Shepard, Mickey Rourke, Vanessa Redgrave… et Robin Wright (alors Penn) en mère célibataire d’une fillette qui ressemble fort à la victime… aux victimes de ce qui pourrait bien être un tueur en série.

Sean Penn s’intéresse bien moins à l’enquête qu’au naufrage de cet homme sur la crête, à la fois grand flic et homme au bord de la rupture. Mais il ne sacrifie pas pour autant la trame policière, dont il fait plus qu’une toile de fond : un moteur psychologique et dramatique effrayant et traumatisant.

Clairement pas le film le plus joyeux de la décennie, mais The Pledge donne à Jack Nicholson l’un de ses très grands rôles.

Une intime conviction – d’Antoine Raimbault – 2018

Posté : 7 avril, 2025 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 2010-2019, RAIMBAULT Antoine | Pas de commentaires »

Une intime conviction

Il y a à peu près toujours du bon dans les films de procès, genre éminemment (et assez paradoxalement, vu le caractère figé de la procédure) cinématographique. Celui-ci n’échappe pas à la règle. Il y a même de très belles idées dans cette Intime Conviction. Il y a aussi quelques limites.

Le film s’inspire du procès en appel de l’affaire Viguier, du nom de cet homme accusé du meurtre de sa femme, condamné d’avance par la vindicte populaire pour la froideur et le détachement qu’il arbore en permanence. Presque un remake du Gone Girl de David Fincher sur ce point, même si l’affaire Viguier est bien réelle.

Comme l’est l’avocat qui a défendu le mari lors de son appel : un certain Eric Dupont-Moretti, qu’incarne un Olivier Gourmet puissant et impressionnant. Même en frôlant le mimétisme avec le célèbre ténor du barreau et future Garde des Sceaux, l’acteur est constamment juste, donnant à son personnage un remarquable mélange de sensibilité et de brutalité, à la limite de la vulgarité.

Pourtant, le personnage le plus excitant est celui de Marina Foïs, un personnage de fiction celui-ci : jurée du premier procès qui se lance dans une croisade pour prouver l’innocence de Viguier, croisade qui tourne bientôt à l’obsession. Ce personnage aurait justifié à lui seul l’existence du film. Il est, hélas, un peu sacrifié dans la seconde partie au profit d’un réalisme judiciaire, et d’une fascination visible du scénariste-réalisateur pour la figure de Dupont-Moretti.

La principale limite du film repose sur un problème de point de vue. Antoine Raimbault semble au final n’avoir inventé le personnage le plus prometteur, autour duquel est construit toute la première partie, que pour justifier et simplifier l’intervention de Dupont-Moretti, faisant de sa plaidoirie le clou du film. Certes, elle est passionnante. Mais c’est le sentiment d’être passé à côté d’un grand film obsessionnel qui domine.

The Insider (id.) – de Steven Soderbergh – 2025

Posté : 30 mars, 2025 @ 8:00 dans * Espionnage, 2020-2029, SODERBERGH Steven | Pas de commentaires »

The Insider

Ocean’s 12 : ça devait être le dernier film de Soderbergh que j’ai vu au cinéma. Et c’était il y a vingt ans. Pourtant, j’ai toujours aimé le cinéma du gars, sa manière de rester toujours curieux et inventif, d’être constamment là où on ne l’attend pas, sans autre logique apparente que son envie et son enthousiasme. Ni vraiment dans le système, ni totalement à côté. Palme d’Or à 26 ans avec son premier film, il aurait pu prendre le melon et cultiver son génie si précoce, mais non. Au lieu de ça, il enchaîne les films à un rythme assez dingue aujourd’hui : un ou deux films par an, dans tous les genres et dans tous les sens. Avec une constante : une extrême attention au cadrage, au montage, au rythme, qui signe immédiatement un film de Soderbergh malgré l’absence apparente de cohérence.

Avec The Insider, Soderbergh n’invente pas grand-chose en termes de narration : il nous plonge dans les méandres obscures du contre-espionnage britannique, avec ses jeux de dupes, ses mensonges et ses trahisons. Malgré la présence de Pierce Brosnan dans un rôle secondaire, on est bien plus près de l’univers de John Le Carré que de celui de James Bond avec cette intrigue exagérément complexe impliquant un danger pour l’humanité et une taupe dans le service. On se croirait presque revenu aux films d’espionnage de la guerre froide…

Mais Soderbergh conclut son long plan-séquence d’ouverture par la clé de son film : tout repose sur une histoire de couple. L’espion chargé de démasquer la taupe (Michael Fassbender) découvre alors que l’un des suspects est… sa femme, elle aussi espionne bien placée (Cate Blanchett). La caméra de Soderbergh restera constamment au plus près de l’un ou l’autre des deux époux, filmant leurs visages rendus opaques par une pratique professionnelle du mensonge et de la dissimulation.

C’est là que le film est vraiment original, et réjouissant. Et c’est là qu’il fallait des comédiens de la trempe de ces deux là : pour capter le trouble et le doute dans l’esprit de personnages qui ne laissent strictement rien transparaître, qui semblent même comme momifiés, dissimulés derrière un masque impassible, et un étrange accent. Et pourtant il passe, ce trouble, doublé à un cynisme et une ironie mordante… assez irrésistible.

L’intrigue importe bien moins que l’idée de faire couple au sein d’un service de contre-espionnage. Le film, d’ailleurs (en dehors de notre ex-James Bond), ne repose à peu près que sur trois couples, à des stades très différents de leurs relations respectives. Le scénario (brillant, signé par l’incontournable David Koepp) s’articule par ailleurs autour de deux « dîners » entre amis où les six espions/conjoints se retrouvent autour de la table.

Là, la tension et la violence verbale sont autrement plus percutants et déstabilisants que n’importe quelle scène d’action sanglante (dont le film fait d’ailleurs une économie assez radicale). Même dans un film de genre comme celui-ci, c’est un pur exercice de style que signe Soderbergh. Pour lui décidément, l’intérêt n’est pas ce qu’on raconte, mais comment on le raconte…

Blue Velvet (id.) – de David Lynch – 1986

Posté : 29 mars, 2025 @ 8:00 dans * Thrillers US (1980-…), 1980-1989, LYNCH David | Pas de commentaires »

Blue Velvet

Un rideau rouge inquiétant, des musiques envoûtantes jouées dans des bars interlopes, une jeunesse apparemment tranquille qui cache des tourments secrets, l’imagerie d’une Amérique presque fantasmée héritée des glorieuses fifties, le bitume qui défile dans la nuit…

Et si le plus beau dans Blue Velvet, c’était le sentiment qu’il donne d’assister à la naissance de quelque chose d’immense ? Oui, je sais : on peut dire ça aussi d’Eraserhead, mais il y a dans le premier long une radicalité quasi expérimentale qui en fait un objet à part. Avec Blue Velvet, qu’il réalise après l’échec de Dune, Lynch s’approche de la ligne crête sur laquelle il signera ses plus grands films (et quelques-uns des plus grands films de l’histoire du cinéma) : une manière de détourner le film de genre vers un fascinant trip mental et sensoriel.

La sensation est forte, et Blue Velvet est de ces films dont on ne ressort pas indemne, surtout quand on a eu la chance de le découvrir tôt (pas en salles, j’étais un peu jeune, mais tôt tout de même). Un film qui bousculait à l’époque, laissant un sentiment difficile à définir. Mais le même sentiment que j’ai retrouvé en le revoyant aujourd’hui, à la fois fasciné, et toujours un peu désarçonné.

Il y a des moments d’une beauté incroyable dans Blue Velvet. Le plus beau peut-être : Isabella Rossellini chantant la chanson titre, avec sa voix imparfaite et si sensuelle. J’ose : c’est là l’une des images les plus purement cinématographiques des années 80. Mais si elle me bouleverse encore aujourd’hui, c’est aussi parce qu’elle semble annoncer toutes celles du Bang Bang Bar de Twin Peaks.

De la même manière, le couple formé par Kyle McLachlan et Laura Dern n’est-il pas si touchant que parce qu’il est l’incarnation la plus pure du cinéma de Lynch ? Et qu’on sait aujourd’hui qu’il faudra attendra trente ans et le retour de Twin Peaks pour voir ces deux-là réunis devant la caméra de leur pygmalion…

Blue Velvet

Blue Velvet a aussi sa vie propre bien sûr. Il continue ainsi à secouer par la représentation qu’il donne des violences faites aux femmes (thème qui trouvera sa forme la plus radicale et la plus forte avec Lost Highway), et par le trouble qu’instille Lynch dans les rapports de domination, dans le voyeurisme, et dans la représentation du sexe, autrement plus troublante (et dérangeante) que les pseudos films érotiques soft qui se tournaient à l’époque (notamment par Adrian Lyne).

Le film est en fait un dynamitage en règle de l’image idéale de la petite bourgade bourgeoise américaine, que Lynch filme avec un excès de lyrisme pour mieux en saisir l’hypocrisie et la face cachée. McLachlan, jeune homme parfait en tout point, qui s’enfonce dans un monde trouble de violence parce qu’il se laisse happer par la beauté trouble de Rossellini… mais aussi par la brutalité hallucinante d’un Dennis Hopper inoubliable.

L’innocence fracassée… Encore un thème cher au créateur de Twin Peaks. Décidément, Blue Velvet est un film qu’il est aujourd’hui difficile de revoir sans qu’il nous renvoie à toutes les merveilles que Lynch devait tourner par la suite.

The Woman condemned (id.) – de Dorothy Davenport (Mrs. Wallace Reid) – 1934

Posté : 18 mars, 2025 @ 8:00 dans * Pre-code, 1930-1939, DAVENPORT Dorothy | Pas de commentaires »

The Woman Condemned

C’est par une authentique curiosité que commence l’après Patrick Brion du Cinéma de Minuit. Premier film programmé par sa successeuse Elodie Drouard, The Woman Condemned est une étrangeté qui flirte avec le film de mystère et de détective, très en vogue en cette année marquée par The Thin Man et d’autres réussites autrement plus mémorables.

Celui-ci souffre d’un scénario franchement tiré par les cheveux, dont on se demande pendant une heure (la durée du métrage) où il nous mène, jusqu’à un rebondissement final qui laisse dubitatif, et qui nous laisse sur un sentiment du genre « tout ça pour ça ». Surtout, il y a là un manque de rythme flagrant qui fait que l’heure de métrage semble bien loin du ressenti…

Bref : pas vraiment passionnante, cette histoire mystérieuse et pleine de fausses pistes. On y croise une star de la radio qui disparaît sans disparaître, un savant fou qui n’en est pas un, un faux détective et une fausse cambrioleuse mariés par accident, une erreur judiciaire… Enfin, vous avez compris le principe : tout ou presque est faux dans ce film.

Ce qui, en soit, est une idée plutôt intéressante. Et qui aurait pu donner une comédie policière pleine de vie s’il n’y avait ce manque si pesant de rythme, et ce scénario si approximatif. Dorothy Davenport (actrice devenue cinéaste qui signe son film « Mrs. Wallace Reid », du nom de son mari décédé…) réussit pourtant quelques scènes : les plus tendues, celles où l’action et le suspense sont au premier plan. Là, dans une poursuite nocturne ou dans un interrogatoire musclé, la réalisatrice laisse entrevoir ce qu’aurait pu être son film avec d’avantage de moyens et un scénario plus tenu. Elle n’aura signé qu’une demi-douzaine de films, dont celui-ci est le dernier.

La Proie (Cry of the City) – de Robert Siodmak – 1948

Posté : 16 mars, 2025 @ 8:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, SIODMAK Robert | Pas de commentaires »

La Proie 1948

Dans la longue série des polars réalistes des années 40 et 50 a donné un paquet de films formidables. Appelez Nord 777 par exemple, chef d’œuvre d’Hathaway dont la re-vision m’a donné envie de revoir un autre grand film tourné la même année, avec le même Richard Conte (et quelques seconds rôles communs), mais cette fois par Robert Siodmak.

Siodmak n’est pas exactement un manchot quand il s’attaque au polar, sous toutes ses formes. Tourné entre deux classiques plus unanimement salués (Les Tueurs et le merveilleux Pour toi j’ai tué), La Proie est un autre chef d’œuvre qui n’a pas à rougir de la comparaison avec les deux classiques qui ont révélé Burt Lancaster.

Ici, ce n’est pas Lancaster, mais Victor Mature qui apporte sa présence impressionnante au film, dans un rôle de flic jusqu’au-boutiste, contrepoint parfait au mauvais garçon joué par Richard Conte. Un contrepoint qui est même le cœur du magnifique scénario, qui oppose ces deux personnages nés dans le même quartier, mais qui ont fait des choix de vie radicalement différents.

« Tu t’es déjà payé la Floride ? Misé 100 dollars sur un cheval ? Offert des orchidées à une fille ?
- Non, mais la nuit je dors tranquille.
- Dans une piaule minable. »

Formidablement construit, le scénario met ces deux-là en parallèle, faisant du flic un personnage finalement peu aimable, que l’on découvre dès la première scène affichant un désintérêt marqué pour la douleur d’une famille réunie autour d’un mourant, et qui se désintéresse de la même manière des dégâts collatéraux que son enquête provoquera en se réfugiant derrière des répliques bien pratiques sur le thème « fallait pas aider un criminel ».

Richard Conte, lui, est un voyou sympathique, dont Siodmak laisse penser dans un premier temps qu’il est une victime de son milieu. C’est lui, d’ailleurs, qui est au cœur de la première partie du film, jusqu’à une évasion aussi économe en effets qu’efficace : rarement un couloir souterrain aura paru aussi long que celui que le prisonnier emprunte d’un pas rendu traînant par une blessure, pour prendre la fuite.

Entre ces deux faces d’une même pièce, un autre personnage, secondaire mais central : la mamma italienne, tiraillée entre son amour pour un fils qui a choisi la mauvaise voie, et ce flic qui le traque mais qui pourrait être son propre fils, et qui la traite avec une affection qui laisse penser que les liens entre les deux hommes vont bien au-delà de ce quartier dont ils sont tous deux originaires.

Le scénario est formidable. La mise en scène de Siodmak aussi, dans des décors naturels qui donnent une vérité et une âpreté folles au film, particulièrement dans ses scènes d’extérieures, à la tension extrême. Jusqu’à une séquence finale superbe et déchirante, qui condense en quelques minutes ce que ce Hollywood là peut faire de mieux.

Une petite anecdote pour faire le malin, pour finir, racontée par Patrick Brion dans les bonus du DVD à propos du très beau titre original : Cry of the City (nettement plus évocateur et poétique que le titre français). Le film n’aurait pas dû s’appeler comme ça, mais The Law and Martin Rome, du nom du personnage joué par Richard Conte. Mais un avocat bien réel portant le même nom a menacé de faire un procès à la production si elle gardait ce titre. Le choix final est tellement beau qu’on ne peut que l’en remercier.

Femmes et voyous (Hijosen no onna) – de Yasujiro Ozu – 1933

Posté : 25 février, 2025 @ 8:00 dans * Polars asiatiques, 1930-1939, FILMS MUETS, OZU Yasujiro | Pas de commentaires »

Femmes et voyous

Dans sa période muette, Ozu a souvent signé des films de genre (comédie ou polar) très nourris du cinéma hollywoodien d’alors. Femmes et voyous est, dans cette veine, l’une de ses plus belles réussites, une plongée dans l’« underworld » des mauvais garçons, dont les détails réalistes évoquent aussi bien Les Nuits de Chicago que Scarface, sortis peu avant.

Mais Ozu n’est ni Von Sternberg, ni Hawks. Et déjà à cette époque où son univers se construit encore, c’est l’humanité de ses personnages qui l’intéressent. Des personnages qui, déjà, arrivent à la fin d’une période de leur vie, appréhendant d’abandonner ce qu’ils ont toujours connu.

Ce que ces voyous commettent comme délits, Ozu s’en cogne. De leur quotidien, il ne filme que les moments de camaraderie, faisant de ces petits gangsters des espèces de gamins pas totalement sortis de l’enfance, refusant le monde des adultes, et ne gagnant quelques sous que pour pouvoir traîner en sirotant un café…

Le drame vient d’une rencontre, avec la jeune sœur d’un nouveau compagnon du gang. Belle, touchante, simple, et honnête, travailleuse, elle vient bousculer les certitudes du jeune chef de bande (Joji Oka), tout troublé par cette apparition si pure, mais aussi de sa petite amie, fille de la rue qui se met à rêver d’une vie de femme mariée.

C’est Kinuyo Tanaka, grande star de l’époque et partenaire d’Ozu tout au long de sa carrière. L’actrice apparaît telle qu’on la connaît, en jeune employée de bureau un peu effacée et très convoitée. Mais cette première impression ne tarde pas à voler en éclat, la belle menant par ailleurs une vie délurée. Tenues affriolantes, sourire carnassier, pistolet à la main, Tanaka telle qu’on ne l’a jamais vue…

Le polar n’est qu’un prétexte, même si la fuite finale est une merveille de mise en scène, dans des ruelles désertes. Ozu filme surtout les visages pris par le doute et la douleur. Et les pièces de vie, dont les objets semblent porter en eux l’âme de ceux qui y vivent. C’est Ozu en construction, mais c’est déjà Ozu, et c’est très beau.

Lost Highway (id.) – de David Lynch – 1997

Posté : 24 janvier, 2025 @ 10:10 dans 1990-1999, LYNCH David, POLARS/NOIRS | Pas de commentaires »

Lost Highway

Décidément, je ne me remets pas de la mort de David Lynch. Après m’être replongé dans les méandres de Twin Peaks et de Mulholland Drive, il était temps d’ajouter une entrée supplémentaire à ce blog, en revoyant ce Lost Highway qui reste l’une des expériences les plus absolues, les plus marquantes, de ma vie de cinéphile. A vrai dire, il m’a fallu attendre… le retour de Twin Peaks pour ressentir quelque chose de semblable.

C’est dire l’importance que revêt David Lynch, et le vide sidéral que sa mort laisse, dans un cinéma américain au-delà de moribond. Penser qu’on ne verra jamais de onzième long métrage de Lynch, alors qu’on n’est pas à l’abri d’un seizième (j’ai compté) film de Michael Bay a quelque chose de profondément déprimant. C’est bien simple : c’est déprimé que je m’installe et lance le blu ray de Lost Highway.

Et là, la magie opère. Il ne faut pas longtemps pour retrouver les sensations éprouvées au cinéma il y a vingt-huit ans. La fascination exercée par les lignes jaunes de la route qui défilent dans la nuit au son de David Bowie. De tous les trips cinématographiques, celui-ci est peut-être le plus radical. La plongée est en tout cas profonde, brutale, et traumatisante.

On a souvent dit de Lost Highway qu’il était une sorte de brouillon pour Mulholland Drive, qui lui serait supérieur en tous points. Comme Les Affranchis par rapport à Casino, disons. Mais chez Lynch comme chez Scorsese, le brouillon a un caractère brut et une urgence que je place au-dessus de tout. Et Lost Highway est un chef d’œuvre, finalement moins opaque qu’exceptionnellement conscient. Je m’explique…

A-t-on suffisamment dit que Lost Highway était (je m’avance) le plus grand film du monde sur les violences faites aux femmes ? Deux décennies avant me-too, et alors que l’expression « crime passionnel » était encore en vigueur, David Lynch nous plonge avec ce film dans l’esprit d’un homme qui a tué sa femme. Et qui, dans le couloir de la mort, se projette dans une version fantasmée de ce qu’il a vécu, de son point de vue malade : la femme est le danger.

Et ce danger, Lynch le filme avec fièvre et avec une gravité stupéfiante, dans une première partie qui flirte avec le film d’horreur, sans jamais s’éloigner de son vrai sujet : la terreur qui s’installe dans un couple, avec des scènes « conjugales » parmi les plus effrayantes qu’on n’ait pu voir. Cette première partie est parfaitement linéaire et compréhensible, jusqu’au basculement, radical, comme Lynch en a le secret.

Là, c’est une hallucinante plongée dans l’esprit de cet homme qui se poste en victime que filme Lynch, nous emmenant très loin dans ce cauchemar éveillé, multipliant les images inoubliables. Au cœur de ce trip traumatisant, Patricia Arquette trouve le rôle de sa vie, troublante et bouleversante dans le double-rôle de la femme martyr et d’une vamp fantasmée. A l’inverse, il faut deux acteurs pour projeter l’homme et son double : Bill Pullman (qui sortait d’Independance day, c’est dire le chemin) et Balthazar Getty.

La distribution est incroyable (de Richard Pryor à Marylin Manson en passant par Robert Blake, Gay Busey, Robert Loggia ou le fidèle Jack Nance), la musique est carrément dingue, et le film est un chef d’œuvre, l’un des sommets (le sommet?) de David Lynch, cinéaste immense pour l’éternité.

Fantômas – d’André Hunnebelle – 1964

Posté : 25 décembre, 2024 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1960-1969, HUNNEBELLE André | Pas de commentaires »

Fantômas

Envie d’un classique en cette période de fêtes ? Quoi de mieux qu’un bon vieux Fantômas… Oui, hein : quoi de mieux ? A vrai dire, beaucoup de choses. Beaucoup, beaucoup de choses. Parce que le sourire poli de mon fiston ne laisse guère de place aux doutes : il a pris un méchant coup de vieux, le premier opus de la version Jean Marais / Louis de Funès / André Hunnebelle.

Côté mystère, c’est à peu près le degré zéro du cinéma. Loin, très loin des versions précédentes, celles en particulier de Louis Feuillade et de Paul Féjos. Mais ça, disons que c’est assumé par un scénario et une mise en scène ouvertement tournés vers l’humour et l’aventure. Un pur divertissement conçu avant tout autour de sa star, Jean Marais.

Avant que Belmondo ne le supplante, Jean Marais était alors le grand homme d’action du cinéma français, transformé en héros bondissant par André Hunnebelle dans une série de films de cape et d’épée qui ont connu un énorme succès… et qu’on a bien du mal à revoir aujourd’hui. Mais côté action et aventures justement, Hunnebelle est un cinéaste bien poussif, que De Broca viendra totalement ringardiser dès cette époque.

Revoir ce premier Fantômas aujourd’hui est d’autant plus rude, que de nombreuses cascades et scènes d’action annoncent curieusement celles des Mission Impossible : courses poursuites sur un train, à moto, accroché à un hélicoptère… La comparaison, évidemment, n’est guère flatteuse pour ce Fantômas, malgré une générosité dans l’action qu’il faut souligner, jusqu’à une poursuite finale qui n’en finit pas de rebondir, semblant ne jamais devoir s’arrêter jusqu’à un final joyeusement grotesque, pour le coup assez réjouissant.

D’ailleurs, Hunnebelle n’a pas dû tarder à constater que ce qui fonctionnait le mieux dans son film, ce n’était ni le mystère, ni l’action, ni Jean Marais (franchement pas terrible d’ailleurs), mais Louis De Funès. Pas encore super star (il le devient cette année 1964, avec également Le Corniaud et Le Gendarme de Saint-Tropez), il s’impose comme un immense voleur de scène. Même en roue libre comme dans ce film où il semble ne pas être dirigé, il est le principal centre d’intérêt. Les scènes où il ne figure pas sont bien ternes…

L’Homme le plus laid du monde (The Way of the Strong) – de Frank Capra – 1928

Posté : 21 décembre, 2024 @ 8:00 dans * Films de gangsters, 1920-1929, CAPRA Frank, FILMS MUETS | Pas de commentaires »

The Way of the Strong

En commençant son film par une course-poursuite pleine de rythme et de fureur, Capra donne le ton de ce film, qui doit plus à la mode du film de gangsters (très en vogue depuis le Underworld de Josef Von Sternberg) qu’à l’émergence de son propre style, déjà tangible dans The Matinee Idol, sa précédente réalisation.

The Way of the Strong n’est pas un Capra classique, pas tel qu’on l’imagine. Mais un film auquel le cinéaste apporte un ton singulier, un mélange d’humour et de gravité, et cette extraordinaire maîtrise du rythme qui est son indéniable marque.

Son héros s’appelle Handsome Williams. Mais, ironiquement, il est d’une laideur repoussante. Il est aussi un bootlegger en guerre ouverte avec le chef d’un autre gang de trafiquants, dont il vole toutes les cargaisons avec un plaisir sadique.

Mais l’homme est aussi transi d’un amour secret pour une belle violoniste aveugle, qui se retrouve prise au cœur de cette guerre de gangs, mais aussi d’une rivalité entre Handsome et son protégé, beau gosse lui, qui tombe également amoureux de la belle aveugle.

Le film n’a pas l’âpreté réaliste d’Underworld. Du vrai monde, Capra ne filme finalement pas grand-chose, résumant son univers à deux repères de contrebandiers et à leurs habitués, ne montrant rien du monde extérieur, si ce n’est quelques plans de rues et routes désertes, ou fréquentées par des policiers.

Et, donc, cette jeune femme aveugle ballotée d’un gang à l’autre, d’un amoureux à l’autre, d’un repère à l’autre, centre d’intérêt constamment tiraillée, incarnation du rythme même de ce film mené sans temps mort.

Capra a déjà fait plus personnel, sans même parler de ses nombreux chefs d’œuvre à venir. Mais ce n’est pas une raison pour négliger ce film, lui-même tiraillé entre le mélo et le film noir, avec même des tentations de comédie malgré un final rudement dramatique, porté surtout par un Mitchell Lewis d’une intensité folle dans le rôle de Handsome, brute étonnamment émouvante.

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