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Archive pour la catégorie 'POLARS/NOIRS'

Juré n°2 (Juror #2) – de Clint Eastwood – 2024

Posté : 11 novembre, 2024 @ 8:00 dans * Thrillers US (1980-…), 2020-2029, EASTWOOD Clint (réal.) | Pas de commentaires »

Juré n°2

Finir une carrière aussi exceptionnelle que celle de Clint Eastwood sur un film aussi raté que Cry Macho aurait été un vrai crève cœur. Peut-être Juré n°2 ne sera-t-il pas le dernier (mais à 94 ans, il faut quand même commencer à se préparer). Mais si c’est le cas, cela fait une porte de sortie nettement plus enthousiasmante.

Retour au film judiciaire pour le grand Clint, qui avait déjà abordé le genre avec son très beau Minuit dans le jardin du bien et du mal (et d’une manière plus anecdotique avec Jugé coupable). Retour à Savannah aussi, mais dans un style très différent du précédent, avec une sorte de drame intime, dont l’histoire rappelle curieusement le meilleur film… de Georges Lautner : Le Septième Juré.

C’est le deuxième, ici, mais l’idée centrale est la même : notre héros, joué par Nicholas Hoult (très bien), est appelé pour être juré dans un procès pour meurtre, et réalise que c’est sans doute lui l’auteur du crime. Dans le film de Lautner, le personnage joué par Bernard Blier savait qu’il était un tueur. Ici, il le découvre quand commence le procès, grâce à un scénario très malin, qui utilise habilement des flash backs révélateurs, et les ressors habituels du film de procès.

Le film commence comme Le Septième Juré, continue comme 12 hommes en colère, mais impose rapidement un ton très singulier, avec une vision acerbe de la justice et une réflexion assez complexe sur la notion de devoir et d’héroïsme, qui se défait du manichéisme attendu et de rigueur. On en est même très loin, avec un cynisme qu’Eastwood semblait avoir perdu depuis longtemps, et qui confirme que le cinéaste a encore un regard singulier, et même acéré.

Le principal défaut du film, c’est son montage (un peu trop) au cordeau, qui résume beaucoup de scènes à leur simple usage narratif, en laissant peu de place aux échanges et à l’imprévu. A l’exception, comme souvent chez Eastwood, de quelques séquences dans les bars, dont l’ambiance incite le cinéaste à prendre son temps.

Mais visuellement, c’est sa plus belle réussite depuis des années. Les scènes d’intérieur surtout (dont celles du tribunal), éclairées par une lumière diffuse où se mélangent les tâches lumineuses et les ombres, rappelant la fameuse scène du Corbeau (« où est l’ombre, où est la lumière ? »), belle manière de visualiser la lutte interne très complexe entre le bien et le mal.

Une thématique qui donne à Nicholas Hoult, mais aussi à Toni Collette dans le rôle de la procureure ambitieuse, de très beaux rôles, profonds et nuancés. En tant que cinéaste et directeur d’acteurs, Eastwood en a encore sous le pied, et ça fait plaisir…

Miséricorde – d’Alain Guiraudie – 2024

Posté : 7 novembre, 2024 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 2020-2029, GUIRAUDIE Alain | Pas de commentaires »

Miséricorde

Un jeune homme revient dans le village paumé où il a passé son enfance pour l’enterrement du père d’un ami. Accueilli chez la veuve, il s’incruste un peu plus que de raison. Et au fil des jours, des liens inattendus apparaissent : le visiteur était amoureux du décédé, son hôtesse semble attirée par lui, lui par le bon gros copain, le prêtre apparaît comme par enchantement à chaque balade dans les bois, la chambre où il réside est constamment visitée en pleine nuit…

Thriller ? Comédie ? Drame ? Non : Guiraudie. Le cinéma d’Alain Guiraudie, que je découvre avec ce Miséricorde, semble bien être un genre en soi. Il y a là un ton, une douce ironie, qui ne ressemblent à rien d’autre. Une manière de transformer une histoire qui pourrait être foncièrement dérangeante, en quelque chose de presque irréel, comme un étrange rêve qui offrirait un décalage troublant. Et très séduisant.

Guiraudie pose un regard étrangement ironique sur une humanité qui se défait mine de rien des conventions et de la bien-pensance. Son fils disparu mystérieusement, la mère jouée par Catherine Frot semble moins concernée par cette probable mort que par la présence de son visiteur. Quant au prêtre, il ne fait pas même mine de réprouver le crime qu’il pressent, s’arrangeant avec un hypothétique sentiment de culpabilité dans une réjouissante séquence de confession inversée.

La morale établie en prend d’ailleurs un sacré coup au passage, et le cinéma de Guiraudie rappelle parfois les grandes heures de Bertrand Blier… avec une forme de délicatesse en plus, et une vraie vision de cinéma, qui me donne furieusement envie de découvrir les premiers films du cinéaste, à côté desquels j’étais consciencieusement passé jusque là. La manière dont il joue avec les clichés ou avec toute tentation vériste s’avère vraiment, vraiment, très réjouissante.

Fantômas – de Paul Féjos – 1932

Posté : 5 novembre, 2024 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1930-1939, FEJOS Paul | Pas de commentaires »

Fantômas 1932

Et si la première adaptation sonore du célèbre serial était la meilleure ? Cette hypothèse peut faire bondir, tant la version de Louis Feuillade reste mythique, et tant l’auteur des romans (Marcel Allain, qui a pris la suite de Pierre Souvestre) a critiqué le film, succession de morceaux de bravoures qui privilégie constamment la forme au fond.

Une critique absolument fondée, qui explique paradoxalement en grande partie pourquoi le film de Paul Féjos reste si percutant, et finalement si moderne. Librement adapté du premier livre, ce Fantômas là en garde les grandes lignes : l’histoire d’un mystérieux criminel qui efface consciencieusement les traces de son dernier méfait, tandis que Juve, policier tenace, le traque inlassablement.

Cette intrigue n’est effectivement que le prétexte à enchaîner les séquences mémorables, jouant sur plusieurs registres du cinéma de genre, avec toujours la même volonté de pure efficacité.

Tout commence comme un film d’horreur, remarquable variation sur le thème alors très en vogue de la maison hantée, tendue et franchement flippante par moments. Réjouissante, en tout cas.

Puis, le polar prend le dessus, avec de grands moments de suspense particulièrement efficaces : la course automobile, l’attentat à l’hôpital… Un sens de l’action qui trouve son apogée lors de la bagarre finale, d’une brutalité rare à l’époque, et parfaitement tendue.

Sur le fond, rien de bien neuf. Mais Fantômas est un film de genre dans sa forme la plus pure, percutant et passionnant.

L’Espion qui m’aimait (The Spy who loved me) – de Lewis Gilbert – 1977

Posté : 4 novembre, 2024 @ 8:00 dans * Espionnage, 1970-1979, GILBERT Lewis, James Bond | Pas de commentaires »

L'Espion qui m'aimait

Après un opus étonnamment modeste en termes d’enjeux (le séduisant L’Homme au pistolet d’or), Roger Moore endosse pour la troisième fois le smoking de 007, et la saga prend une tournure nettement plus extrême… ce qui n’est pas une bonne nouvelle.

L’Espion qui m’aimait est même le premier Bond où le sentiment de trop plein s’exprime vraiment. C’est aussi le plus misogyne, le plus lourdingue, le plus riche en gadgets (et en apparitions de Q). Bref, c’est l’inauguration d’une ère du grand n’importe quoi.

C’est un peu comme si les producteurs avaient décidé de faire oublier leur manque d’idées neuves par une suraccumulation de tout : de décors, d’explosions, de morts, de femmes dénudées et offertes (c’est à peu près tout ce qu’on leur demande), comme cette pauvre Barbara Bach, présentée comme une alter ego russe de 007, et condamnée à suivre l’agent british et très mâle avec ses yeux énamourés et ses décolletés plongeant, les rares moments où elle lui tient tête apparaissant comme de maladroites justifications de sa présence.

Même surenchère côté enjeux : il s’agit ici rien moins que de sauver le monde, promis à la destruction par une sorte de néo capitaine Némo joué par Curd Jürgens qui rêve de créer un nouveau monde sous-marin. Bien sûr, on pourrait se dire : pourquoi pas, après tout ? Mais on a plutôt envie de rétorquer : ben oui, mais pourquoi ?

Ce Bond là est aussi le premier à avoir à ce point vieilli. A cause des effets spéciaux très datés, de l’humour lourdingue de Bond/Moore, de la vision qu’il offre des femmes. Quelques moments forts, quand même : le son et lumière à Gizeh, la grande fusillade inhabituellement violente… Mais surtout pas mal de moments franchement gênants : la course poursuite à ski, la voiture sous-marin…

Ce Bond épisode 10 est, de loin, le plus faible des quinze premières années.

Les Sentiers de la perdition (Road to Perdition) – de Sam Mendes – 2002

Posté : 2 novembre, 2024 @ 8:00 dans * Films de gangsters, 2000-2009, MENDES Sam, NEWMAN Paul | Pas de commentaires »

Les Sentiers de la perdition

Trois ans après American Beauty, Sam Mendes change de registre et confirme son talent, en même temps que son goût pour les personnages troubles. Il nous plonge dans l’Amérique de la Prohibition, celle des gangsters de l’Illinois, avec l’ombre d’Al Capone qui règne, même si jamais il n’apparaît.

La période est particulièrement cinégénique, ce n’est pas nouveau, et a été au cœur de nombreux films, de Scarface à Il était une fois en Amérique. Mais le regard que porte Mendes réussit déjà ce petit miracle d’être neuf, avec une vision à la fois très réaliste et toute en épure, presque symbolique, de ce milieu des gangsters irlandais dont il est question.

Comme il le fera dix ans plus tard en réalisant son premier James Bond (Skyfall), la tragédie que met en scène Mendes ne peut qu’être shakespearienne, et familiale. Son film est intense, impressionnant même. Mais il est aussi et avant tout intime : l’histoire de liens pères-fils qui se croisent et se contrarient, jusqu’au point de non retour.

Tom Hanks est un mari et un père sans histoire. Un peu triste, et franchement austère, mais aimant et doux. Ce que son fils aîné ignore, et qu’il apprend en se glissant un soir dans le coffre de sa voiture, c’est que son père est un homme de main dévoué au service de la pègre, autrement dit un homme qui tue de sang froid et sans ciller. Ce qu’il voit de ses propres yeux, vous imaginez le choc…

Ce qu’il ignore aussi, c’est que le brave « old man » avec qui il aime tant passer du temps à jouer, et qui considère son père comme son propre fils, est le puissant patron de la pègre irlandaise. C’est Paul Newman, dont le charisme incroyable n’a en rien perdu de sa force, à l’approche du grand âge. Dans son dernier grand rôle, il est magnifique en père de cœur soumis au pire des choix.

Parce que le vieux Newman a un vrai fils de sang, héritier naturel mais indigne, joué par un Daniel Craig dans sa période pré-007, mais qui s’octroyait déjà le permis de tuer. En l’occurrence le fils gênant de Tom Hanks, témoin d’un meurtre qu’il n’aurait pas dû voir. Sauf que le rejeton indigne tue le mauvais gamin, et la mère avec.

Et voilà Tom Hanks forcé de prendre la fuite pour mettre son fils en sécurité, tout en cherchant à se venger de la famille de son mentor. Et voilà Paul Newman forcé de tourner le dos à celui qu’il aime comme un fils, pour ne pas abandonner ce vrai fils si indigne, conscient que la tragédie est en marche, et que rien désormais ne pourra l’arrêter.

Ajoutez à ça un tueur étrange, photographe fasciné par l’image de la mort (Jude Law), et quelques (rares) seconds rôles qui sont comme des stéréotypes résumant à eux seuls toutes les facettes d’une Amérique qui se débrouille comme elle peut de la Dépression… Les Sentiers de la perdition est un film fascinant, sur lequel plane constamment la mort et les regrets.

Visuellement, la reconstitution est très appliquée. Elle le serait même un peu trop s’il n’y avait cette pluie qui vient troubler le réalisme des situations, frôlant par moments l’abstraction comme dans le sommet esthétique du film : la grande séquence du règlement de comptes d’une beauté tragique assez hallucinante, face à face magnifique entre deux acteurs immenses, dont les regards hantent longtemps le spectateur.

La Peau douce – de François Truffaut – 1964

Posté : 31 octobre, 2024 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1960-1969, TRUFFAUT François | Pas de commentaires »

La Peau douce

La Peau douce, film un peu mal aimé depuis soixante ans, a toujours été l’un de mes Truffaut préférés (avec La Femme d’à côté, dont les thèmes ne sont pas si éloignés d’ailleurs). Le revoir une nouvelle fois procure d’ailleurs les mêmes sentiments, très forts, et très pluriels.

Premier sentiment : y a-t-il un film qui porte mieux son titre que La Peau douce ? Le Vent de Sjöström, peut-être… C’est ce constat qui m’a toujours frappé en repensant au film : la manière si délicate dont Truffaut filme la peau de Françoise Dorléac, cette jeune hôtesse de l’air que son amant, le mature Jean Desailly, semble simplement effleurer, comme une apparition si douce et fragile qu’elle pourrait disparaître.

La première de ces deux là est un moment d’une extrême délicatesse, et qui procure une émotion profonde. Dans l’ascenseur de leur hôtel, des regards volés, une « ascension » qui dure bien plus longtemps qu’elle ne devrait. Truffaut dilate le temps pour installer le trouble qui envahit les deux personnages.

Et quelques minutes plus tard, à nouveau le temps qui n’existe plus alors qu’ils marchent dans le couloir qui les conduit vers sa chambre à elle. En ne filmant rien d’autres que leurs regards, et une main qui caresse un visage en ombre chinoise, Truffaut filme l’une de ses plus belles scènes d’amour. Peut-être la plus belle.

Tourné peu après sa rencontre au long cours avec Alfred Hitchcock pour son fameux livre d’entretien, La Peau douce est aussi le plus hitchcockien des films de Truffaut, dans ses thèmes, dans sa construction, et même dans sa manière de filmer, bourrée de clins d’œil plus ou moins évidents au cinéma d’Hitch.

C’est d’ailleurs le premier de ses films dont sent qu’il est totalement maîtrisé, dans le sens où il ne laisse pas de place au sentiment de liberté. Presque clinique, même, pour reprendre un terme qu’utilisait Truffaut lui-même pour ce film, en expliquant que son ambition était de disséquer un adultère, à travers trois personnages passionnants.

D’un côté, la jeune Françoise Dorléac, pleine de vie et de doute, dont on se dit qu’elle cherche aussi une figure paternelle. De l’autre, Nelly Benedetti en épouse bafouée et douloureuse. Au milieu, Jean Desailly dans le rôle d’un homme peu aimable au fond, qui passe son temps à faire de mauvais choix par maladresse ou par lâcheté. Un type tellement rangé qu’il ne traverse par une rue déserte quand le feu est rouge, mais qui s’enferme dans une logique de mensonges pour laquelle il n’est pas taillé.

Il y a un autre personnage aussi, discret et peu présent à l’écran, mais qui souligne en creux la douleur de ce qui se passe : celui de la fillette du couple légitime, dont la seule présence donne une dimension terrible au drame qui se noue. Décidément, l’un des plus beaux Truffaut.

L’Homme au pistolet d’or (The Man with the Golden Gun) – de Guy Hamilton – 1974

Posté : 30 octobre, 2024 @ 8:00 dans * Espionnage, 1970-1979, HAMILTON Guy, James Bond | Pas de commentaires »

L'Homme au pistolet d'or

L’histoire de ce Bond, le deuxième de Roger Moore, est un peu con. Il ne faut que quelques instants pour s’en rendre compte. Ce qui, d’ailleurs, n’est pas même une critique pour la série, en tout cas dans cette période. Ou plutôt, disons que l’histoire n’est évidemment pas à prendre au sérieux. Même s’il est vaguement question de la crise de l’énergie (déjà), le grand méchant n’est à peu près qu’un tueur à gages qui a envie de prendre du bon temps.

Ce qui n’est pas si loin de Bond lui-même, c’est en tout cas ce que pense ledit tueur, Scaramanga, que joue un Christopher Lee tout en sourires, très loin des méchants habituels qu’affronte 007. Lui est persuadé d’avoir trouvé en Bond un double idéal, ce qui donne quelques face à face plutôt réjouissants.

C’est con, mais c’est étonnamment très agréable. Parce qu’il y a derrière la caméra un réalisateur qui connaît son métier, à défaut d’être un visionnaire. Parce que tout est tourné vers le pur plaisir du spectateur, avec une succession de morceaux de bravoure, de paysages dingues, et même de clins d’œil à Vivre et laisser mourir (l’apparition du shérif gros cul de Louisiane).

Ce James Bond a aussi les défauts inhérents à cette période de la série, à commencer par une certaine propension à tourner en rond en se répétant. Il n’y a donc guère de réelles surprises. Même si le grand méchant a des objectifs plus basiques que d’autres, il vit dans un repère secret totalement fou (qui pour le coup est vraiment séduisant), les femmes sont filmées comme des objets de désir, Britt Ekland passant on ne sait pourquoi la moitié du film en bikini…

Mais il faut aussi reconnaître une vraie originalité dans la manière d’utiliser les décors : la base secrète très psychédélique, une galerie de glaces très wellesienne, et surtout l’étonnant bateau échoué, dont les coursives penchées ont été aménagées avec des plateformes bien horizontales, créant un entrelacs de lignes géométriques improbable et fascinant.

C’est dans ces détails originaux que ce Bond là trouve sa raison d’être, qui en fait un bon cru moorien.

Merci pour le chocolat – de Claude Chabrol – 2000

Posté : 25 octobre, 2024 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 2000-2009, CHABROL Claude | Pas de commentaires »

Merci pour le chocolat

Titre ironique, pour un Chabrol très grand cru. Dans pure veine hitchcockienne, le cinéaste-cinéphile cite tout à la fois Soupçons et Le Secret derrière la porte (un Lang lui-même très hitchcockien), ne filmant rien d’autre que ça : le soupçon et le secret, dans les alcôves d’une grande maison bourgeoise en apparence si parfaite.

Il faut dire qu’on est en Suisse, ce qui n’est pas si anodin : « Qui veux-tu qu’il te vole en Suisse ? », interroge l’un des personnages dans les premières minutes du film. Ben oui : dans ce décor-là, où tout a l’air si beau et si vrai, tout ne peut qu’être beau et vrai. Comme le mariage qui unit l’héritière d’une entreprise de chocolat et un grand pianiste.

La première faille apparaît très tôt, lorsqu’on apprend que ces deux mariés, Isabelle Huppert et Jacques Dutronc, s’étaient déjà mariés bien des années plus tôt, avant que le pianiste ne refasse sa vie avec la meilleure amie de la première, avec qui il a un enfant. Seconde épouse qui est morte prématurément, et mystérieusement.

Si on ajoute à cette découverte le lait que monte chaque soir la première (et troisième) épouse dans la chambre de son beau-fils, et si on a déjà vu Soupçons, on ne peut pas ne pas imaginer des choses…

L’intrigue se complique encore avec une jeune femme née le même jour que le fils du pianiste, avec qui elle aurait pu être échangée à la naissance… et qui s’avère être elle-même une jeune pianiste du talent. De quoi renforcer le malaise, recentrer l’intérêt, et pimenter les rapports familiaux.

Pas un cri, pas un mot qui dépasse. Une gentillesse et une bienveillance affichée à chaque moment. Mais de subtils mouvements de caméra qui viennent troubler l’élégance classique de la mise en scène : un plan légèrement désaxé, presque imperceptible, et c’est un sentiment de trouble et d’angoisse qui perce.

Merci pour le chocolat est un grand Chabrol, l’œuvre d’un cinéaste cette fois très inspiré et très attentif aux détails. Parce que c’est là, dans les détails, que naît l’intranquillité du film, son atmosphère si pesante qui tranche avec la quiétude des images.

Isabelle Huppert, décidément immense, y livre l’une de ses interprétations les plus dérangeantes, troublante et touchante jusqu’à l’abject. L’ultime plan sur elle est d’une richesse, d’une complexité et d’une puissance extraordinaires. Oui, décidément, grand Chabrol.

Thomas Crown (The Thomas Crown Affair) – de John McTiernan – 1999

Posté : 21 octobre, 2024 @ 8:00 dans * Thrillers US (1980-…), 1990-1999, McTIERNAN John | Pas de commentaires »

Thomas Crown

John McTiernan est un grand réalisateur qui manque cruellement au cinéma de genre américain. C’est dit. On lui doit quelques classiques du cinéma d’action (dont Predator et Die Hard, deux chefs d’œuvre), mais aussi, et c’est plus surprenant, deux remakes de films de Norman Jewison. Disons-le franchement : ce n’est pas ce qu’il a fait de mieux…

Avant son très faiblard Rollerball, c’est à un autre classique qu’il s’est attaqué : L’Affaire Thomas Crown. Son remake est efficace et plaisant, mais aussi totalement et radicalement inutile, se contentant grosso modo de troquer la coolitude de Steve McQueen contre l’élégance de Pierce Brosnan.

Le rôle est évidemment taillé pour celui qui était encore James Bond. Sans surprise, c’est lui qui est à l’origine du projet, et qui est allé chercher McTiernan, avec qui il avait déjà tourné le méconnu Nomads dans une autre vie (quinze ans plus tôt, quand l’acteur et le réalisateur avaient encore tout à construire).

Pierce Brosnan est donc un interprète évident pour ce milliardaire qui organise des cambriolages spectaculaires pour la beauté de l’art et pour tromper son ennui. Confier le rôle de l’enquêtrice des assurances à Rene Russo est nettement plus inattendu. Elle est d’ailleurs très bien, mais les scènes « torrides » de leurs ébats sexuels n’ont pas, mais vraiment pas, l’effet escompté.

Et c’est sans doute le choix de confier le projet à McTiernan qui pêche. Grand cinéaste d’action, l’homme n’est pas franchement inspiré par la sensualité. Filmés dans la longueur, mais sans chaleur, le torse velu de Brosnan et le corps dénudé de Rene Russo n’éveillent pas le moindre frisson.

Le monde de l’art dans lequel se déroule une grande partie de l’histoire n’inspire guère plus McTiernan, qui filme ces « barbouillages pour riches crétins » avec une absence impardonnable d’intérêt manifeste.

Le talent du réalisateur se réveille dans la manière de filmer les cambriolages. Là, la fluidité de son style est bien présente, et procure ce plaisir qu’on n’attendait plus. C’est un peu court hélas, et les clins d’œil maladroits au film original (Faye Dunaway dans une apparition rappelant lourdement la partie d’échecs face à McQueen, quelques notes de Windmills of your mind qui résonnent, rompant brièvement avec la musique assez laide) ne suffisent vraiment pas à répondre à cette question : à quoi bon ?

La Cérémonie – de Claude Chabrol – 1995

Posté : 15 octobre, 2024 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1990-1999, CHABROL Claude | Pas de commentaires »

La Cérémonie

Chabrol, c’est un peu le John Huston français. Non pas que leurs cinémas soient tellement comparables, non. Mais il y a chez l’un comme chez l’autre une propension intermittente à la paresse qui revient de temps en temps tout au long de leurs filmographies respectives, et qui leur a valu à l’un comme à l’autre une mauvaise réputation. Mais tout au long de leur carrière, du tout début jusqu’à la toute fin, tous deux ont aussi signé d’authentiques chefs d’œuvre, qui viennent régulièrement contredire cette propension susmentionnée.

La Cérémonie fait assurément partie des plus grandes réussites de Chabrol, grand dézingueur de la bourgeoisie de province qui prouve ici qu’il peut porter le même regard cynique (mais non dénué d’une certaine tendresse, si si) sur toutes les couches de la société, les plus hautes comme les plus basses. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois (Poulet au vinaigre, dix ans plus tôt, était déjà bien gratiné). Mais sa vision si noire et si personnelle prend ici une ampleur inédite.

Vingt-cinq ans après ses premiers chefs d’œuvre noirs (Le Boucher, Juste avant la nuit…), Chabrol nous plonge dans l’intimité de la fabrique du crime, avec une clairvoyance et une précision évidemment glaçantes. Comment deux jeunes femmes (Sandrine Bonnaire et Isabelle Huppert, immenses toutes les deux, cette dernière dans un registre totalement inattendu) en viennent à abattre froidement et sans cligner un œil toute une famille de grands bourgeois…

Bien sûr, il y a leurs passés à toutes les deux. Mais il y a surtout ce mur infranchissable qui sépare ces deux filles de rien, et cette famille si installée. Ce sont pourtant des gens bien, ces bourgeois : des parents progressistes (Jean-Pierre Cassel et Jacqueline Bisset), des enfants particulièrement bienveillants (dont Virginie Ledoyen, toute jeune). Bref, rien de monstrueux chez eux, mais une incapacité à appréhender ce mur, et l’effet surplombant qu’il peut avoir.

Au-delà de la fabrique de monstres, c’est le dialogue impossible entre les êtres que filme Chabrol, avec un mélange d’élégance et de précision clinique qui bouscule parce qu’il fascine. Grand Chabrol, grand film glaçant, très grand film, tout simplement.

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