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Archive pour la catégorie '* Films de gangsters'

Cœur d’Apache / Les Détrousseurs de Pig Alley (The Musketeers of Pig Alley) – de D.W. Griffith – 1912

Posté : 9 avril, 2012 @ 11:57 dans * Films de gangsters, 1895-1919, COURTS MÉTRAGES, FILMS MUETS, GRIFFITH D.W. | Pas de commentaires »

Cœur d'apache

Film historique, considéré comme le tout premier film de gangsters, The Musketeers of Pig Alley est aussi l’un des premiers films qui tente de dépeindre avec réalisme et sans complaisance les bas-fonds mal famés des grandes villes américaines.

Et malgré quelques effets encore un peu théâtraux, Griffith y parvient plutôt bien. Sans atteindre la perfection de Régénération, le long métrage que tournera Raoul Walsh trois ans plus tard, Griffith ouvre une brèche et pose les bases d’un genre qui marquera l’histoire du cinéma. Des bases toujours actuelles, tout juste cent ans après le tournage de ce court métrage.

De braves gens pris malgré eux dans la violence de leur environnement : c’est ce que montrer le film. Lilian Gish est une pauvrette dont la mère vient de mourir, et dont le fiancé se fait détrousser par une bande peu recommandable alors qu’il revenait après une longue absence. Il jure alors de récupérer son argent, et se retrouve bientôt au cœur d’une guerre des gangs sanguinaires.

Quelques passages un peu statiques ne gâchent en rien l’art déjà consommé du montage, dont Griffith perfectionne les règles. The Musketeers… est ainsi l’un des premiers films qui réussit à faire monter la pression aussi efficacement, jusqu’à une soudaine explosion de violence libératrice, dans la ruelle qui donne son titre au film. Aussi bref qu’explosif…

C’est d’ailleurs dans le décor de cette ruelle que Griffith se montre le plus inspiré. Qu’il filme une population de miséreux qui tentent d’oublier leur pauvre condition dans la débauche ; ou qu’il filme dans un plan devenu culte le chef de gang (Elmer Booth, dont le personnage échappe à tout stéréotype) longeant un mur en briques et se dirigeant lentement vers la caméra, son visage occupant bientôt tout l’espace dans un plan génial et impressionnant.

A l’arrière-plan, on aperçoit alors un second rôle nommé Harry Carey (on peut s’amuser à reconnaître d’autres silhouettes bien connues : Dorothy Gish croisant sa sœur dans une courte scène, ou Lionel Barrymore en ami du héros). Jouant les gros bras sans grande nuance, il n’a pas le meilleur rôle du film, loin s’en faut. Mais on a plaisir à découvrir l’acteur quelques années avant sa rencontre avec le jeune John Ford, dont il sera l’acteur fétiche à partir de 1917 (Straight Shooting…). Pour lui, le meilleur est à venir…

Fleur sans tâche (The Wicked Darling) – de Tod Browning – 1919

Posté : 18 août, 2011 @ 3:21 dans * Films de gangsters, 1895-1919, BROWNING Tod, FILMS MUETS | Pas de commentaires »

Fleur sans tâche

The Wicked Darling est entré dans l’histoire du cinéma pour être la première collaboration de Tod Browning avec celui qui allait être son acteur de prédilection jusqu’à la mort de celui-ci : Lon Chaney. Chaney n’y est pas encore « l’homme aux mille visages » : dans le rôle de Stoop Conners, un petit malfrat qui règne sur un quartier mal famé d’une ville quelconque, il apparaît à visage découvert, ce qui ne sera pas si courant à l’avenir.

Le film est par ailleurs très représentatif de ce que Tod Browning faisait à l’époque. Dès les premières images, on est en terrain connu : le cinéaste filme comme il aime le faire des rues fréquentées par les laissés-pour-compte, les ivrognes et les voleurs. D’un réalisme cru, ces images n’ont rien de romantique ou d’édulcoré : Browning connaît bien ces lieux inaccueillants et ces habitants en marge, et il ne les diabolise pas plus qu’il ne les rend sympathiques.

Le réalisateur a visiblement beaucoup moins de recul avec la bourgeoisie, qu’il filme sans empathie, comme un monde déshumanisé par les conventions et l’hypocrisie ambiante. Trait d’union entre ces deux mondes, Kent Mortimer (Wellington Playter, un nom impossible, pour un acteur qui trouve là son rôle le plus marquant) est un homme du grand monde, qui perd tout en même temps que sa fortune : « l’amour » de sa fiancée, sa grande maison, et toutes ses connaissances. Se retrouvant dans les bas-fonds (avec une bonne grâce apparente qui force le respect), il est séduit par une jeune femme (Priscilla Dean, l’actrice fétiche de Browning, à l’époque) qui tombe amoureuse de lui, mais ne peut se résoudre à lui avouer son passé de voleuse.

C’est leur histoire d’amour à tous deux qui est au cœur de ce beau film plein de suspense. Une histoire contrariée par les anciennes fréquentations de la belle, notamment Lon Chaney, bien décidées à profiter de la situation. Très réussi, le film bénéficie du grand souci du détail de Browning, qui se révèle autant dans les décors que dans les seconds rôles, géniaux. Mention spéciale à Kalla Pasha, brute immense et attachante à la gueule impossible, que l’on reverra dans West of Zanzibar du même Tod Browning, et qui joue ici un inoubliable patron de bar, ancien boxeur et terreur du quartier…

Les Révoltés / La Révoltée (Outside the law) – de Tod Browning – 1920

Posté : 19 mai, 2011 @ 9:43 dans * Films de gangsters, 1920-1929, BROWNING Tod, FILMS MUETS | Pas de commentaires »

Les Révoltés

Après un vol qui leur a rapporté une fortune, un couple se fait oublier durant quelques semaines en s’enfermant dans un appartement… L’histoire évoque étrangement celle de White Tiger, que le même Tod Browning tournera trois ans plus tard. Le cinéaste creusera souvent le même sillon, se renouvelant pourtant toujours pour aller de plus en plus loin. C’est déjà le cas avec ses films de jeunesse, moins traumatisants que des chef d’œuvre comme L’Inconnu ou L’Oiseau Noir, mais déjà passionnants.

Loin du morbide qui fera sa réputation, Browning signe un film de gangsters qui n’a rien de classique. Tout commence dans un Chinatown filmé d’une manière extraordinairement vivante par Browning, qui nous plonge au cœur des arrière-boutiques et de cette vie nocturne entre violence et mystères. Et comme dans White Tiger, c’est dans ces bas-fonds qu’une grande figure du gangstérisme est trahie, à la suite d’une séquence de fusillade ébouriffante. Après son arrestation, sa fille (Priscilla Dean, l’actrice fétiche de Browning à cette époque) est bien décidée à le venger.

Pourtant, c’est bien un film sur la rédemption, et non sur la vengeance. Et c’est un film qui évite les sentiers balisés : alors que l’intrigue est bien en place, les deux héros se retrouvent enfermés dans un appartement (tout confort, loin de la cabane rustique de White Tiger), où ils n’ont rien d’autre à faire que de se regarder dans le blanc des yeux, faire des plans d’avenir, et décider de tirer un trait sur leur passé de criminels… C’est a priori le passage le plus austère du film, et c’est pourtant le plus abouti, et de loin. Ce huis-clos soudain bulle de légèreté dans un univers inquiétant, est fascinant. Avec l’arrivée d’un gamin pas tête-à-claque du voisinage, il fait même basculer le film dans une espèce de comédie de mœurs très émouvante.

On est décidément bien loin des grands classiques de Browing des années à venir. Pourtant, Outside the law marque la deuxième collaboration (après The Wicked Darling) du réalisateur avec celui qui symbolisera son cinéma pour l’éternité : Lon Chaney. Ce dernier apparaît d’ailleurs déjà dans un double rôle, comme il le fera à plusieurs reprises à l’avenir. Il interprète à la fois le traître impitoyable Black Mike, et un Chinois aux yeux très (très, très) bridés, Ah Wing.

White Tiger (id.) – de Tod Browning – 1923

Posté : 3 mai, 2011 @ 3:17 dans * Films de gangsters, 1920-1929, BROWNING Tod, FILMS MUETS | 2 commentaires »

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Browning n’a pas encore trouvé définitivement son créneau (l’ultra morbide, dont Lon Chaney sera l’interprète parfaite), mais il est déjà un très grand cinéaste, quand il signe ce beau film de gangsters qui commence comme un Dickens : dans les bas-fonds de Londres, un gangster respecté vit avec ses enfants, Sylvia et Roy, et se planque en compagnie de son complice Bill Hawkes. Mais ce dernier (joué par Wallace Beery, excellent) l’a balancé à la police, qui ne tarde pas à débarquer. Dans la confusion, le père est tué, Roy s’enfuit seul, et Sylvia est recueillie par Hawkes. Les années passent, Roy et Sylvia ont grandi, tous deux persuadés que l’autre est mort, et tous deux décidés à retrouver et tuer celui qui a causé la mort de leur père.

Par hasard, c’est grâce à Hawkes que le frère et la sœur, qui ne se reconnaissent évidemment pas, se retrouvent. Roy (Raymond Griffith, pas très convaincant) est devenu un arnaqueur qui gagne sa vie grâce à un automate-joueur d’échecs qu’il actionne lui-même discrètement. Sylvia (Priscilla Dean, qui était alors l’actrice fétiche de Browning) et Bill Hawkes vivent de petites arnaques, et proposent au jeune homme (qu’ils n’ont pas reconnu) de les accompagner en Amérique pour tenter de s’intégrer dans le grand monde, où il y a beaucoup d’argent à se faire.

Mais une arnaque tourne mal, et les trois escrocs, ainsi qu’un séducteur tombé amoureux de Sylvia, sont poursuivis par la police, et se réfugient avec leur butin dans une cabane perdue dans les bois, où ils espèrent se faire oublier. Le temps passe, et les soupçons commencent à apparaître entre les quatre co-locataires. La manière dont Browning filme ce huis-clos tardif est magistrale : par petites touches, le cinéaste fait monter la tension, et exprime parfaitement (évidemment sans paroles, mais les regards en biais suffisent) les suspicions, et la haine qui sépare les protagonistes, tout en les liant inexorablement les uns aux autres.

C’est du très grand art, d’autant plus que le frère et la sœur ne se sont toujours pas reconnus, et que la situation menace de tourner à la tragédie la plus morbide. La tension n’en est que plus terrible…

Sans la raconter en détail, la fin du film laisse hélas un goût d’inachevé, avec quelques idées magnifiques (comme le dernier plan, étonnant, de Wallace Beery), mais aussi le sentiment un peu frustrant que Browning est encore bridé, et qu’il n’a pas osé aller au bout de son univers.

Les Fantastiques années 20 (The Roaring Twenties) – de Raoul Walsh – 1939

Posté : 25 février, 2011 @ 9:57 dans * Films de gangsters, * Films noirs (1935-1959), 1930-1939, BOGART Humphrey, CAGNEY James, WALSH Raoul | Pas de commentaires »

Les Fanfastiques années 20

1939 est souvent considéré comme la plus grande année qu’a connue Hollywood. Ce n’est sans doute pas un hasard : les grands cinéastes classiques ne sont jamais aussi inspirés que quand ils plongent dans les racines de l’Amérique. Et la menace nazie qui plane sur le monde cette année-là pousse les hommes de cinéma à revisiter le passé. C’est le cas pour John Ford, cette même année, avec Vers sa destinée ou Sur la Piste des Mohawks ; c’est le cas, bien sûr, pour Zanuck et Fleming avec Autant en emporte le vent ; et c’est aussi le cas pour Walsh, qui, sans remonter aussi loin dans le temps que Ford et Fleming, signe en cette fin de décennie l’un des plus beaux films sur la décennie précédente.

La première séquence, qui présente un monde à l’aube de la deuxième guerre mondiale, n’est pas anodine. Cette guerre marque la fin d’une période faite de hauts et de bas, et qui avait commencé avec la fin de la Grande Guerre. Comme un signe que l’évolution du pays est immanquablement marquée par les guerres. Comme un signe, aussi, que l’histoire est un éternel recommencement, et que le héros qu’on s’apprête à rencontrer alors qu’il est au plus bas, est condamné, à la toute fin, à retourner d’où il vient.

The Roaring Twenties est un film de gangsters, c’est même peut-être le plus beau de tous. Mais c’est aussi bien plus que cela. Parce qu’à travers le destin d’Eddie Bartlett, ancien soldat de la Grande Guerre devenu un laissé-pour-compte, qui devient l’un des rois de la Ville grâce à la Prohibition, et qui perdra tout après le krach boursier de 1929, c’est l’histoire de l’Amérique qui se dessine.

C’est aussi l’histoire récente de Hollywood qui clôt symboliquement un chapitre. La dernière scène, sublimissime chute sur les marches enneigées d’une église, marque doublement la fin d’une époque. Dans l’intrigue du film, c’est la fin des années 20 et de l’âge d’or des bootleggers que l’on voit ; mais c’est aussi à celle des années 30, et de l’époque bénie des grands films de gangsters, que l’on assiste. D’ailleurs, le petit et immense James Cagney restera dix ans sans interpréter un gangster : il fera son retour dans le genre avec le sublime-itou L’Enfer est à lui, du même Raoul Walsh.

Les deux films, d’ailleurs, n’ont pas grand-chose en commun (à part d’être géniaux). L’Enfer est à lui sera le portrait pathétique d’un malade mental ; Les Fantastiques années 20 raconte le parcours profondément humain d’un Américain moyen, qui symbolise toutes les vraies valeurs américaines.

Eddie Bartlett possède un sens de l’amitié et une vraie intégrité morale, qui séduit, d’ailleurs, le très beau personnage de Gladys George. A l’inverse, celui d’Humphrey Bogart (encore cantonné aux seconds rôles, mais qui accédera à la gloire éternelle dès l’année suivante) représente la face sombre de l’Amérique, sans valeur morale, comme un méchant de western. Les Fantastiques années 20 présente ainsi une fascinante galerie de personnages très marqués, et tous magnifiquement interprétés. Le film présente aussi, presque à la manière d’un documentaire, cette époque bénie pour les gangsters de la Prohibition, présentée sans doute possible comme une aberration par un Walsh qui a lui-même dû fréquenter assidûment les speak-easy. Y’a pas à dire, il n’y a rien de mieux que l’expérience pour donner de la vie à un film… Et celui-ci, chef d’œuvre absolu, n’en manque pas.

L’Enfer est à lui (White heat) – de Raoul Walsh – 1949

Posté : 31 janvier, 2011 @ 11:30 dans * Films de gangsters, * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, CAGNEY James, WALSH Raoul | Pas de commentaires »

L'Enfer est à lui

Made it ma ! Top of the world !

« Made it, ma ! Top of the world ! » lance un James Cagney halluciné, définitivement tombé dans la folie la plus (auto)destructrice, les flammes de l’enfer se déchaînant autour de lui. Cette image inoubliable est entrée dans l’histoire comme l’une des plus fameuses de l’histoire des films de gangsters. Une image comme sortie de l’esprit torturé de Cody, peut-être le plus terrible de tous les personnages de Cagney (et il en a interprété quelques-uns, des sales types !), mais paradoxalement incapable de couper le cordon avec sa mère, possessive et acariâtre : Ma Dalton, à côté, c’est mamie Tartine…

White Heat, chef d’œuvre absolu de plus à mettre au crédit de Walsh, est à l’image de ce personnage si complexe : à la fois brut et brutal, et d’une profondeur inattendue. Ne comptez pas sur moi pour me lancer dans une psychanalyse sur les rapports entre Cagney et sa mère de cinéma, Margaret Wycherly. Mais cette union diabolique fait froid dans le dos : dérangeant de voir cette boule de fureur qui peut donner la mort sans une hésitation, débordant d’un amour exclusif pour sa mère. Lorsque ce cordon est finalement coupé donne lieu à l’une des scènes les plus puissantes du film : en prison, dans un silence quasi monacal, une chaîne humaine apporte la nouvelle de la mort de sa mère à Cody, qui l’accueille dans une explosion de douleur qui fait froid dans le dos.

La grande force du film, c’est d’allier une narration d’une fluidité et d’une efficacité  absolues, avec ce personnage hors du monde, pour qui tout ce qui se trouve en dehors de cette bulle minuscule qu’il forme avec sa mère, peut bien disparaître dans les flammes de l’enfer. Ce dingue absolu est pourtant marié avec Virginia Mayo. Et même si elle est prête à toutes les duplicités, elle est quand même rudement belle, Virginia…

Cody est un personnage hors du monde, mais c’est aussi un personnage hors du temps, totalement fermé aux évolutions de la société, et même de la police, qu’il considère comme des ploucs qui ne représentent pas la moindre menace. Malin, Walsh joue avec le long passé de gangster de Cagney (y compris sous sa propre direction dans Les Fantastiques années 20, dix ans plus tôt) : lui n’a guère changé, dans ses méthodes. Mais le monde a avancé, sans lui.

C’est un autre thème du film, inhabituel dans les films de gangsters : l’affrontement entre la tradition (celle du gangster né pendant la Prohibition) et la modernité. Walsh s’est visiblement passionné pour ce sujet, qu’il traite admirablement bien, sans jamais en rajouter, et sans que cela tombe dans la surenchère de gadgets. Cette police que Cagney et Mayo considèrent comme des ploucs est non seulement capable de se montrer plus maligne (avec l’excellent Edmond O’Brien, flic infiltré), mais elle utilise aussi des méthodes révolutionnaires pour l’époque : filatures à trois voitures, utilisation du radar, sans oublier les empreintes digitales dont l’utilisation a bien progressé… Sans s’en rendre compte, Cody Jarrett est un dinosaure, dont la disparition est inéluctable.

C’est d’ailleurs le dernier grand rôle de gangster de Cagney, qui effectuait là un retour très remarqué après quelques années de purgatoire. C’est aussi sans doute son rôle le plus marquant. Cagney est grand, et Walsh est immense.

Docteur Mabuse, le joueur (Dr. Mabuse der Spieler) – de Fritz Lang – 1922

Posté : 12 janvier, 2011 @ 1:42 dans * Films de gangsters, * Polars européens, 1920-1929, FILMS MUETS, LANG Fritz | Pas de commentaires »

Docteur Mabuse le joueur

Il y a un petit côté Feuillade, période Les Vampires ou Fantômas, dans ce film fleuve de plus de quatre heures et demi. Ben oui, c’est long, mais arrivé à la fin, on en redemande. Bourré de rebondissements comme dans tout bon serial, découpé en chapitres, Docteur Mabuse est un vrai feuilleton populaire, mais aussi un film d’une richesse et d’une beauté formelle immenses.

Le fameux docteur Mabuse est une figure typique du cinéma langien : une pure incarnation du Mal, qui ne s’intègre dans la société que pour mieux en détourner les règles à son propre profit. Dans ce domaine, Mabuse est un maître. Et Lang a une inspiration totale pour mettre en images ses machinations. Le film commence très fort, avec une énorme arnaque à la Bourse que Lang, par la grâce d’images sublimes et d’un montage virtuose, parvient à rendre aussi passionnante et fluide qu’une simple poursuite.

C’est une entrée en matière géniale, qui laisse penser que le film sera une succession d’arnaques sans rapport les unes avec les autres. Mais ce n’est pas le cas. Après ce prologue flamboyant, qui a pour objectif de présenter son génie du crime et la manière dont il s’inscrit dans son époque (le début de la république de Weimar), Lang lance vraiment son histoire, faite de multiples intrigues dont il tire un à un chacun des fils.

Feuilletonnant et rocambolesque, Docteur Mabuse est aussi passionnant parce qu’il plonge au cœur du Berlin de l’entre-deux guerres, que Lang filme avec toute la beauté de son style expressionniste. L’histoire est parfois un peu énorme, et franchement, on a un peu de mal à croire en cette vision très cartoonesque de l’hypnose, mais qu’importe, on prend un plaisir fou à suivre les machinations diaboliques du Docteur, et l’enquête du « super flic » Von Wenk.

Qu’importe aussi le charme très discutable des deux personnages féminins principaux (la comtesse Told et la danseuse Carozza), Lang réunit un casting masculin parfait et inoubliable. Dans le rôle de Mabuse, Rudolf Klein-Rogge (qui retrouvera son rôle pour la suite onze ans plus tard), acteur fétiche de Lang jusqu’à son départ d’Allemagne en 1933, a un charisme fou et vampe littéralement la caméra. Face à lui, Bernhard Goetzke est parfait, tout en sobriété, en super flic.

Les seconds rôles sont également frappants, en particulier Alfred Abel (qu’on avait vu dans Les Finances du Grand-Duc de Murnau), génial en victime désigné : le comte Told, que Mabuse hypnotise et oblige à tricher aux cartes, détruisant ainsi sa réputation, et le poussant à une déchéance totale et au suicide, pour « voler » sa femme.

Le film est parfois cruel, souvent palpitant (le suspense fonctionne parfaitement), et toujours passionnant. En quatre heures et demi, Lang réussit à garder le cap et la tension, sans le moindre flottement.

L’Introuvable (The Thin Man) – de W.S. Van Dyke – 1934

Posté : 26 septembre, 2010 @ 6:00 dans * Films de gangsters, 1930-1939, VAN DYKE W.S. | Pas de commentaires »

L'Introuvable (The Thin Man) - de W.S. Van Dyke - 1934 dans * Films de gangsters lintrouvable

Eh bien, ça picolait sec, dans l’Amérique de l’époque. Quelques mois après la fin de la Prohibition, et quelques semaines seulement avant la mise en place du très pudibond code Hays, Van Dyke profite de cette minuscule parenthèse que vit l’Amérique bien-pensante, et donne l’impression de faire le plein d’alcool pour les trente prochaines années, dans cette adaptation réjouissante d’un roman de Dashiel Hammett. Des poivrots, on en a vu des tonnes depuis l’invention du cinéma. Mais peu d’entre eux avaient la descente et l’insatiabilité de Nick Charles, alias William Powell. C’est bien simple, il passe les 90 minutes du film à boire. Et il faut bien reconnaître : il tient plutôt bien le choc, même si la démarche n’est pas toujours très assurée. Ce leitmotiv (sa femme le réveille en pleine nuit ? Sa première question : « tu veux un verre ? » Quelqu’un sonne à la porte ? « Bonjour, vous voulez un verre ? »…) finit par devenir hilarant, et donne ce ton si particulier au film.

Unique, ce classique indémodable repose pourtant sur une base on ne peut plus classique : la trame est digne des romans d’Agatha Christie, et de toute cette vague de polars où l’atmosphère avait bien moins d’importance que la résolution de l’énigme. On n’échappe ni au long prologue qui met l’histoire en place, ni à la séquence finale où le détective réunit autour d’une table tous les protagonistes de l’histoire pour démasquer le coupable qui est le dernier qu’on devrait soupçonner mais que, bien sûr, on a repéré depuis une heure tellement le réalisateur s’est évertué à le faire passer pour innocent et sympathique (ben oui, en 2010, on connaît les ficelles par cœur, ce qui n’était pas forcément le cas en 34).

Oui, on a droit à tous les clichés. Et pourtant, on marche à 100%. Dans ce genre de polars, le prologue est souvent trop long, trop démonstratif, trop chiant, et on n’a qu’une envie : que le détective apparaisse enfin. Mais là, non. Dès les premières images, on est plongé dans l’action, et on a un sourire grand comme ça aux lèvres. La présence, dans les premières scènes, de William Henry, n’y est pas pour rien. Ce second rôle génial à la filmographie longue comme mon bras (avec interlignage simple), au visage taillé en lame de couteau, et à la voix fascinante de baryton, apporte beaucoup à un personnage pas facile à faire exister, puisqu’il disparaît au bout de quinze minutes à peine…

Et puis il y a le couple Myrna Loy – William Powell, bien sûr, pour qui la comédie policière semble avoir été inventé. Leurs échanges avinés sont à mourir de rire. Leur première scène commune, surtout, (lorsque Powell, qui en est à son huitième cocktail, voit sa femme débarquer dans le bar où il sévit, tirée par leur inséparable chien) est un pur chef d’œuvre de comédie. Leur couple fonctionne si bien que les producteurs, qui étaient loin de n’avoir que des idées pourries (surtout à cette époque), le reformeront à onze reprises jusqu’en 1947. Et notamment dans cinq suite de ce Thin Man également réjouissantes.

• Pour les suites, voir Nick, gentleman détective, Nick joue et gagne, L’Ombre de l’Introuvable, L’Introuvable rentre chez lui et Meurtre en musique.

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