Play it again, Sam

tout le cinéma que j’aime

Archive pour la catégorie '* Films de gangsters'

Le Point de non retour (Point Blank) – de John Boorman – 1967

Posté : 23 octobre, 2016 @ 8:00 dans * Films de gangsters, * Polars US (1960-1979), 1960-1969, BOORMAN John | Pas de commentaires »

Le Point de non retour

Trahi par un complice qui l’a laissé pour mort et lui a piqué son fric et sa copine, un homme entreprend de se venger. Bon. A priori, on a vu ça 100 fois. Pourtant, c’est une véritable claque que nous file le jeune John Boorman, avec ce polar brutal et électrique, qui ne ressemble, finalement, à aucun autre.

Les premières images sont pour le moins déstabilisantes : le montage, haché et hallucinant, laisse craindre le pire. C’est le meilleur qui arrive. Car la surprise initiale passée, ce choix de montage fascine littéralement, et nous scotch au fauteuil, jusqu’à la toute dernière image.

En avance sur les grands polars de Don Siegel, Boorman frappe un grand coup, avec cette violence extrême et brute qui tranche radicalement avec le romantisme du film noir. De fait, et malgré la présence de l’exquise Angie Dickinson, il n’y a rien de romantique ici, juste le sentiment d’immenses gâchis et l’absence totale d’espoir.

Mais si le film est aussi passionnant, c’est aussi grâce à Lee Marvin. Confier à celui qui fut Liberty Valance le rôle principal de Point Blank est une idée de génie : qui mieux que lui pouvait incarner cet homme tellement obstiné qu’il en devient quasi-surhumain ? Marvin a un talent fou pour personnifier ce mélange improbable de vengeur bas du front et génial à la fois. C’est le rôle de sa vie, et il est absolument génial.

La Maison de Bambou (House of Bamboo) – de Samuel Fuller – 1955

Posté : 17 octobre, 2016 @ 8:00 dans * Films de gangsters, * Films noirs (1935-1959), 1950-1959, FULLER Samuel, RYAN Robert | Pas de commentaires »

La Maison de Bambou

Polar ? Film d’amour ? Choc des civilisations ? Impossible de restreinte La Maison de Bambou à un genre trop précis : le film de Fuller est d’une immense richesse. Passionné depuis toujours par l’Asie, le cinéaste découvre réellement le Japon avec ce film que Zanuck l’envoie tourner sur place, uniquement en décors réels. Le résultat, du point de la véracité des images, est stupéfiant.

Souvent tourné au milieu de la « vraie » foule, le film dégage une authenticité que peu de films hollywoodiens ont réussi à atteindre avant ou depuis. A tel point qu’on peine à croire que Fuller n’avait jamais mis les pieds au Japon avant le tournage : la vision que le film donne du pays est loin, très loin des clichés habituels des occidentaux. Sa manière de filmer les gens et la vie au plus près crée une proximité qui fait beaucoup pour l’atmosphère si atypique du film.

Entre l’attaque du train qui précède le générique et l’extraordinaire fusillade finale, le film regorge de morceaux de bravoure qui, tous, s’inscrivent dans les paysages que Fuller filme admirablement : face au Mont Fuji au début (avec un magnifique plan d’un cadavre d’Américain se découpant sur la mythique montagne), ou dans une espèce de fête foraine en pleine ville à la fin.

Mais entre ces deux extrêmes aussi, Fuller est constamment inspiré par les décors naturels, qui semblent avoir largement dicté sa manière de filmer son histoire. Il y a notamment un sublime travelling suivant Shirley Yamaguchi qui traverse le quartier populaire où elle vit, et où elle découvre l’animosité de ses voisins à l’égard de celle qui se laisse séduire par un étranger.

C’est un thème fort du film : la présence américaine dans ce Japon de l’après-guerre. Une présence qui semble pour le meilleur dans les premières images, qui montrent Japonais et Américains travaillant main dans la main pour le maintien de la paix. Mais cette vision idyllique ne tarde pas à avoir du plomb dans l’aile, avec des policiers véreux, et ce gang meurtrier dirigé par le grand Robert Ryan, une nouvelle fois extraordinaire en gangster qui voit son monde s’écrouler autour de lui.

Le film tourne autour de lui, de son influence, même si, techniquement, ce n’est pas lui le héros, mais Robert Stack, dans l’un de ses meilleurs rôles. Un sale type, semble-t-il dans les premières scènes, sans allure, sans morale et sans un sou, qui finit par être admis au côté du chef de gang avant de dévoiler sa véritable nature. Il y a l’histoire d’amour, magnifique, délicate et sensuelle, entre Robert Stack et Shirley Yamaguchi. Mais il y a aussi un inattendu triangle amoureux qui ne dit pas son nom entre Ryan, Stack, et Cameron Mitchell, qui nous offre une hallucinante scène de jalousie.

Et tout ça est filmé dans un Cinemascope d’une beauté renversante de chaque plan. Un film d’une richesse infinie, donc, et dont chaque aspect semble parfaitement abouti. La Maison de Bambou est un grand film d’amour, un grand polar, un grand suspens, et une merveilleuse plongée dans ce Japon de la reconstruction. Un chef d’œuvre, oui.

* DVD dans la collection « Hollywood Légende », avec une présentation passionnante de 30 minutes par François Guérif.

Les Affranchis (Goodfellas) – de Martin Scorsese – 1990

Posté : 8 juillet, 2016 @ 8:00 dans * Films de gangsters, 1990-1999, DE NIRO Robert, SCORSESE Martin | Pas de commentaires »

Les Affranchis

« Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu être gangster… » En une phrase culte, prononcée sur l’image arrêtée de son visage en gros plan, Ray Liotta rentre dans la légende. Acteur de second plan, vaguement remarqué dans Jusqu’au bout du rêve et quelques autres films, Liotta dévore l’écran dès cette séquence d’ouverture hallucinante, d’une violence et d’une brutalité sauvages.

Sa carrière par la suite n’atteindra jamais de tels sommets, mais Ray Liotta est un acteur formidable. Robert De Niro est magnifique, Joe Pesci est littéralement monstrueux… Mais c’est bien Liotta qui porte sur ses épaules ce monument indépassable de Scorsese, le sommet peut-être de sa filmographie, le film dans lequel le style du cinéaste atteint son apothéose, sa forme la plus parfaite et la plus radicale.

Il est de toutes les scènes, ou presque, Liotta, incarnant avec la même puissance la jeunesse superbe et « héroïque » et l’âge mur de la déchéance de Henry Hill, personnage réel dont l’histoire a inspiré le roman de Nicholas Pileggi : le destin entre gloire et amertume d’un mafieux devenu témoin sous protection.

De cette histoire vraie, Scorsese a tiré une sorte d’opéra filmé. Du cinéma total où tout est rythme et émotion. La bande son hallucinante, le montage explosif, les longs mouvements de caméra, la voix off inoubliable (celle de Liotta)… Tout atteint la perfection dans ce film : cet inouï plan-séquence présentant les « gueules » des mafieux, cette longue série de meurtres qui semble tous participer du même mouvement, les scènes consacrées aux horribles épouses trop maquillées et trop exubérantes…

Au cœur du film, il y a ce sentiment d’appartenance qui rend ces personnages curieusement attachants. Il y a aussi, et surtout, cette atmosphère d’une rare violence parfois latente, parfois explosive. La prestation de Joe Pesci contribue évidemment à rendre cette violence si inoubliable, lui qui emprunte le couteau de cuisine de sa mère (jouée par celle de Scorsese) pour achever l’une de ses victimes ; lui qui dessoude un jeune serveur qui l’a envoyé chier.

On le sent près à exploser à n’importe quel moment. D’où l’inoubliable et étouffante séquence de « Je te fais rire ? Je te fais rire comment ?… » face à un Ray Liotta ahuri. De Niro, lui, apporte sa stature comme un contrepoint presque sage, force pas si tranquille. Un grand trio d’acteurs en état de grâce. Un immense chef d’œuvre.

American Bluff (American Hustle) – de David O. Russell – 2013

Posté : 15 mars, 2016 @ 8:00 dans * Films de gangsters, * Thrillers US (1980-…), 2010-2019, DE NIRO Robert, RUSSELL David O. | Pas de commentaires »

American Bluff

David O. Russell est un cinéaste sous influences. Celles d’American Bluff sont évidentes, Les Affranchis et Ocean’s Eleven en tête. Deux références qui imposent leur marque, leur ton, leur rythme à ce film dont on s’attend d’emblée à ce qu’il aille très loin dans le noir.

Si la construction et le décor évoquent furieusement le chef d’œuvre de Scorsese, et malgré l’apparition lors d’une unique scène d’un Robert De Niro glaçant en figure de la mafia, American Bluff est curieusement dénué de toute violence physique. On sent pourtant la menace constante, mais jamais les gangsters ne lèvent le doigt sur qui que ce soit, à l’exception d’une virée punitive en voiture qu’on a du mal à prendre au sérieux.

Finalement, la seule explosion de violence vient de celui des personnages principaux qui est censé représenter la loi. J’ai nommé Bradley Cooper, acteur généralement pas bien passionnant, mais ici assez épatant en agent du FBI plus ambitieux que talentueux, jeune loup un rien ridicule que Cooper interprète avec une certaine autodérision, mais aussi avec une belle retenue.

Christian Bale est lui carrément génial en arnaqueur embarqué malgré lui dans une histoire trop ambitieuse et trop dangereuse pour lui. A la fois magnifique et pathétique. Sa première apparition laissait pourtant craindre le pire, la caméra dévoilant sa bedaine énorme et son crâne dégarni lors d’une longue séquence d’ouverture sur le thème « regarde jusqu’où je vais pour ce rôle, si j’ai pas un Oscar avec ça bah merde. » Un rien complaisant.

David O. Russell n’est pas tout à fait à la hauteur d’un Soderbergh pour instaurer une ambiance. Et surtout pas au niveau d’un Scorsese dont il se contente souvent de singer le style. Mais il est un formidable directeur d’acteurs, qui pousse ses interprètes très loins sans jamais les laisser tomber dans le cabotinage. Jeremy Renner réussit ainsi à être aussi expensif que touchant. Amy Adams est elle aussi parfaite en arnaqueuse très sûre d’elle qui bouleverse lorsque son armure se fissure. Quant à Jennifer Lawrence, elle est magnifique en paumée alcoolique et un rien idiote.

Finalement, American Bluff, film d’atmosphère au scénario particulièrement retors, est avant tout un grand film d’acteurs.

* DVD chez Metropolitan, avec en bonus une vingtaine de minutes de scènes coupées, et un making of promotionnel assez anodin.

Le Mort qui marche (The Walkind Dead) – de Michael Curtiz – 1936

Posté : 25 février, 2016 @ 8:00 dans * Films de gangsters, * Films noirs (1935-1959), 1930-1939, CURTIZ Michael, FANTASTIQUE/SF | Pas de commentaires »

Le Mort qui marche

En à peine plus d’une heure, Michael Curtiz réussit une symbiose plutôt rare entre le film de gangsters, le genre roi de la Warner dont il était l’un des artisans les plus doués, et le fantastique très en vogue depuis le succès de Frankenstein. Sans que jamais l’un de ces aspects prenne le pas sur l’autre.

Malgré la modestie du métrage, Curtiz prend le temps de planter son décor, présentant une galerie de personnages corrompus et une machination qui se met en place pour tuer un juge trop honnête, et pour faire porter le chapeau à un coupable innocent. En l’occurrence un repris de justice qui ne cherche qu’une chance de se réinsérer, mais qui finira sur la chaise électrique… avant d’être ramené à la vie par un scientifique génial et pas si désintéressé.

Le scientifique, c’est Edmund Gwen, interprète hitchcockien qui livre ici une variation intéressante autour de la figure du docteur Frankenstein. Un homme avide de justice, semble-t-il, désireux de réparer les erreurs commises. Un homme vieillissant surtout, qui dévoile rapidement les vraies motivations de son « miracle » : trouver un interlocuteur qui lui livrera le secret de l’au-delà.

Quant au faux coupable, devenu faux mort, ou faux vivant comme on voudra, c’est Boris Karloff en personne, une nouvelle fois ramené d’entre les morts mais dans un tout autre registre que Frankenstein. Plus humain, plus mélancolique. Plus mystérieux aussi, et plus tragique, superbe travelling vers son incroyable visage lorsqu’il marche vers la mort au son du violoncelle.

Le Mort qui marche n’est visiblement pas une très grosse production. Mais Curtiz s’y montre particulièrement inspiré, notamment lors de cette séquence du couloir de la mort, succession de plans désaxés d’une puissance dramatique rare. Les scènes dans le cimetière baigné de brume sont également magnifiques, toujours dominées par la présence de Karloff dont la triste silhouette errant entre les tombes fait comprendre l’évidence avant même qu’il l’énonce : « I belong here ».

Film de gangster et film de zombie mêlant vengeance, savant fou, résurrection, réflexion sur la mort et sur la médecine… Curtiz aurait facilement pu se perdre avec un tel cocktail. Il n’en est rien. Son film est une superbe réussite, sur tous les tableaux, et au rythme implacable.

Cotton Club (The Cotton Club) – de Francis Ford Coppola – 1984

Posté : 15 décembre, 2015 @ 7:00 dans * Films de gangsters, * Thrillers US (1980-…), 1980-1989, COPPOLA Francis Ford | Pas de commentaires »

Cotton Club

Coppola qui renoue avec l’univers des gangsters ? Difficile de ne pas penser au Parrain… Pourtant, à part une explosion de violence sur fond de numéro musical, qui évoque les règlements de compte sur fond d’opéra de son grand-œuvre, vers la fin du film, le ton est radicalement différent dans cette évocation de l’Amérique des années 1928 à 1931. La forme aussi d’ailleurs.

Plutôt qu’un film de gangsters, Coppola préfère réinventer cette période qui a tant inspiré le cinéma : celle des débuts du parlant, de la crise économique, des gangsters mythiques comme Dutch Schultz ou Lucky Luciano (deux personnages centraux du film), et surtout celle du swing et de la musique noire américaine qui rythmait les soirées folles, notamment dans le fameux Cotton Club, célèbre pour ne présenter que des numéros de noirs (tout en étant réservé à une clientèle blanche).

Coppola filme une Amérique totalement musicale. Son film n’est pas à proprement parler une comédie musicale (à l’exception de la dernière séquence), mais la musique est omniprésente, et fait bien plus qu’accompagner l’action : elle l’incarne, à travers les destins croisés des deux personnages principaux, Dixie le musicien blanc (Richard Gere) et Sandman le tanseur de claquettes noir (Gregory Hines).

Deux personnages qui vivent pour leur art, tournés vers les autres. Deux personnages pour qui la famille est une valeur centrale. Deux personnages qui affichent un sourire et un optimisme qui semblent à toute épreuve. Mais deux personnages prisonniers de leur époque et de cette Amérique pas si légère : l’un confronté aux préjugés raciaux, l’autre embringué malgré lui dans la cohabitation avec les plus grands gangsters de son temps.

Cotton Club est à la fois grand et un peu raté. Grand, parce que Coppola en fait une sorte de mouvement perpétuel fascinant et très séduisant. Un peu raté parce que cet exercice de style paraît par moments étrangement désincarné. La faute à un Richard Gere un rien transparent ? Ou à un ton qui oscille constamment entre le grave et le léger sans paraître réussir à faire un choix.

Coppola filme bien un monde dangereux et violent, avec une poignée de séquences particulièrement cruelles (la mort de Nicolas Cage, petit frère de Dixie, petite frappe qui se prend pour un caïd). Mais c’est bien dans la légéreté et l’ironie qu’il fait mouche. Le plus beau ? Les scènes de retrouvailles : celle très émouvante de Gregory Hines et son frère au milieu d’un numéro. Et celle surtout du ponte de la mafia Owney Madden (Bob Hoskins) et de son gorille Frenchy (Fred Gwynne). Hilarante et génialement décalée.

Le Petit César (Little Caesar) – de Mervyn LeRoy – 1930

Posté : 30 juin, 2015 @ 2:06 dans * Films de gangsters, * Pre-code, 1930-1939, LeROY Mervyn | Pas de commentaires »

Le Petit César

Ce n’est ni le premier film de gangster, ni le premier film « social » de la Warner, ni même le premier dont le héros est un homme violent et antipathique. Mais Le Petit César marque tout de même une date dans l’histoire du genre. Pour l’intensité qu’y met Mervyn LeRoy, réalisateur au sommet de son talent durant cette décennie. Mais aussi pour le personnage extraordinaire de Rico, qui révèle une star aux antipodes de l’idée qu’on se fait d’une star : Edward G. Robinson, aka la tortue bougonne.

Le personnage qu’il y crée est absolument fascinant, à la fois tueur impitoyable et quasi sadique, et véritable enfant qui vit sa puissance naissante comme un caprice de gosse. Il faut voir sa lippe inimitable passer du sadisme le plus radical à l’émerveillement le plus « innocent », et même naïf lorsque, heureux comme un enfant de trois ans devant un sapin de Noël, il se retrouve héros du dîner du jour, immortalisé par un photographe de presse.

Parce que le moteur de Rico, le « petit César » qui part du ruisseau et gravit rapidement les échelons de la pègre grâce à sa poigne de fer, ce n’est pas l’argent. Et finalement pas le pouvoir en tant que tel non plus : c’est le besoin d’exister dans une société que la crise a transformé en machine à broyer les individus. Un thème qui sera également au centre de Je suis un évadé, autre film coup-de-poing de LeRoy, et qui est bel et bien central ici.

C’est un véritable film-référence qui impose d’emblée la richesse de ses thèmes. Ce mélange de film social et de film de gangsters, cette ascension fulgurante que l’on sait vouée à l’échec… Tout cela sera repris à de nombreuses reprises dans les années et les décennies à venir. Notamment par Walsh pour son sublime Les Fantastiques Années 20 dont la conclusion sera une sorte de réponse à celle du Petit César.

D’une richesse infinie dans ses thèmes, porté par un Robinson véritablement habité, Le Petit César est formellement plus contrasté. Parfois brillante lorsqu’elle illustre le danger et la violence dans des jeux d’ombre impressionnants (la réapparition tardive de Rico est formidable), la mise en scène est par moments un peu figée, notamment dans les séquences très dialoguées. Typique de ces premiers mois du cinéma parlant, où le langage cinématographique se réinventait.

Peaky Blinders (id.) – saison 1 – créée par Steven Knight – 2013

Posté : 26 mai, 2015 @ 4:51 dans * Films de gangsters, * Polars européens, 2010-2019, BATHURST Otto, HARPER Tom, KNIGHT Steven, TÉLÉVISION | Pas de commentaires »

Peaky Blinders saison 1

D’abord, il y a la beauté envoûtante des premières images, plongée dans les bas-fonds du Birmingham de 1919 qui se résume à quelques décors à la présence quasi-fantastique. Et puis il y a les premières notes du mythique « Red Right Hand » de Nick Cave, qui tiendra lieu de générique et qui plante l’atmosphère unique de cette série absolument géniale.

Peaky Blinders a été rapidement présenté comme une version british et télévisée du Gangs of New York de Scorsese. Mais la comparaison est un peu rapide, basée sur l’ampleur de la reconstitution historique, et sur le poids de la violence sur la construction d’une société. Mais Peaky Blinders est avant tout une sorte de tragédie familiale, finalement plus près du Parrain de Coppola, avec un héros revenu transformé de la guerre : cette bataille de la Somme dont on ne verra rien d’autre que de fugitives réminiscences, mais qui hante l’ensemble de cette première saison.

Il y a dans Peaky Blinders une immense ambition esthétique : pour le créateur Steven Knight et ses réalisateurs, chaque plan est construit comme un tableau aux couleurs chaudes. D’où quelques (rares) excès, en particulier dans les premiers épisodes : une propension aux ralentis pas toujours nécessaires. Mais la beauté des images reste constamment au service de l’atmosphère, soulignant le sentiment d’assister à une tragédie en marche, inéluctable.

Peaky Blinders est un show plein de fureurs et de violence. C’est aussi une série qui sait prendre son temps, et ose les longues pauses, pour mieux faire exister des personnages fascinants qui, tous, portent leur part d’ombre comme une croix. C’est évidemment le cas de Tommy Shelby, le « chef de gang » dangereux et touchant à la fois, incarné avec une puissance rare par Cillian Murphy. C’est aussi le cas de son double négatif, le superflic Campbell aux méthodes pas si éloignées de ceux qu’il traque (Sam Neill, magnifique revenant). Mais aussi de la belle Grace Burgess, superbe trait d’union entre les deux antagonistes.

Six épisodes seulement pour cette première saison, mais d’une intensité renversante, sans la moindre baisse de régime. Jamais complaisante dans sa manière d’aborder la violence, ne cédant jamais à une quelconque facilité scénaristique, Peaky Blinders est une merveille absolue, un chef d’oeuvre dont on attend avec une impatience rare la deuxième saison…

* Double blue ray indispensable édité chez Arte, qui rend parfaitement hommage à la beauté visuelle de la série (avec en bonus un beau making of de 15 minutes).

* Voir aussi la saison 2 et la saison 3.

Born reckless (id.) – de John Ford – 1930

Posté : 30 novembre, 2014 @ 5:00 dans * Films de gangsters, * Pre-code, 1930-1939, BOND Ward, FORD John | Pas de commentaires »

Born reckless

C’est l’un des premiers films parlants de Ford. Et comme beaucoup de ses films tournés à cette période, celui-ci est tombé dans un oubli quasi-total. La raison paraît évidente durant le premier quart d’heure : cette histoire de petits gangsters, d’amitié et de famille paraît bien mineure, au regard des grandes oeuvres passées ou à venir de Ford. Et puis techniquement, le film a les défauts de beaucoup des petites productions tournées à la va vite au début du parlant : un manque de rythme dans les dialogues qui sonne curieusement aujourd’hui, les personnages semblant constamment comprendre ce qui se passe avec un temps de retard…

Curieux mélange des genres, où le drame et la comédie ne sont jamais loin, comme dans beaucoup de Ford de cette époque d’entre-deux (entre ses sommets du muet et son âge d’or de la fin des années 30). Et puis il y a cette coupure brutale dans le film. Arrêté par la police pour un vol de bijoux, notre héros, joué par Edmund Lowe, échappe à la prison mais doit partir se battre sur le front de France à la place. Là, Ford semble plus à l’aise. Il fait des classes l’un de ces moments de camaraderie virile et presque burlesque que l’on retrouvera tout au long de sa carrière (avec des visages connus qui font de brèves apparitions : Ward Bond et Jack Pennick), et livre l’une des visions de la guerre les plus surprenantes de sa filmographie.

La guerre, dans Born reckless, se résume à deux plans qui se répondent : une colonne de cavaliers qui part vers le front, serpentant entre des épouses pleines d’espoirs dans une nuit brumeuse magnifiquement photographiée ; et cette même colonne que l’on voit traverser un champ de bataille, un chariot vide s’écrasant devant la caméra.

La guerre aura donc duré moins d’une minute à l’écran, mais le reste du film s’en ressentira profondément. Le petite film un peu maladroit révèle la profondeur de son sujet, tandis que notre voleur revient transformé par le champ de bataille. Il est question du poids de ses racines, et de la difficulté de rompre avec son passé. Edmund Lowe n’aspire qu’à être un homme bien, mais cette notion implique la fidélité avec ses anciens complices…

Pas d’issue propre possible, et pas de triomphalisme dans l’héroïsme. C’est à coups de feu que tout se règle, dans une série d’affrontements incroyablement secs et intenses. L’ombre d’Edmund Lowe se dessinant sur la porte derrière laquelle l’attend son ami d’enfance, tous deux conscients de ce qui ne peut être évité : une image du niveau de la porte qui se referme sur la silhouette de Wayne à la fin de La Prisonnière du désert.

Régénération (Regeneration) – de Raoul Walsh – 1915

Posté : 9 avril, 2012 @ 4:56 dans * Films de gangsters, 1895-1919, FILMS MUETS, WALSH Raoul | Pas de commentaires »

Regeneration

Bon sang, quel rythme ! On est en 1915, et Raoul Walsh est un jeune cinéaste qui n’a à son actif qu’une poignée de courts métrages (tous perdus), lorsqu’il signe ce petit miracle, considéré comme le premier film de gangster de long métrage. Régénératon peut en effet être vu comme la matrice de nombreux films du genre, qui se tourneront dans les décennies à venir (et dont Walsh sera d’ailleurs l’un des spécialistes, notamment avec James Cagney), et jusqu’à Il était une fois en Amérique.

Le film de Walsh, comme beaucoup plus tard celui de Leone, suit le destin d’un gangster de son enfance à sa vie d’adulte. Le héros est un orphelin qui grandit dans les bas-fonds, devient chef de gang, et trouve la rédemption grâce à sa rencontre avec une jeune femme de bonne famille qui consacre son temps et son argent pour aider les laissés-pour-compte.

C’est le premier long métrage de Walsh, mais son extraordinaire sens du rythme, qui sera sa marque tout au long de sa carrière, est déjà là. Le film est une espèce de chef-d’œuvre d’une modernité incroyable. Sans doute plus que n’importe quel autre cinéaste de son époque, Walsh maîtrise l’art de la mise en scène et le tourne tout entier vers le public.

L’utilisation du montage alterné met en valeur le contraste entre la haute société et la lie de l’humanité, et avec quelle efficacité ! Il sert aussi à accélérer toujours plus le rythme, jusqu’à une longue séquence finale d’une brutalité extrême, et d’une virtuosité totale.

Entre temps, on aura eu droit à quelques bagarres mémorables, à des voitures lancées à pleine vitesse, et surtout à l’incendie d’un bateau qui, près d’un siècle plus tard, reste l’un des plus impressionnants qu’on ait pu voir.

Les moments « en creux » sont tout aussi réussis, en partie grâce à l’acteur principal, l’incroyable Rockcliffe Fellowes, sorte de Brando avant l’heure dont le jeu détaché est lui aussi d’une troublante modernité. Autour de lui, quelques gueules improbables qui semblent avoir inspiré Chester Gould pour son « bestiaire » de Dick Tracy.

Cinéaste déjà maître d’un art dont il sera l’un des meilleurs représentants pendant un demi siècle, Walsh est aussi convaincant dans les séquences spectaculaires que dans la direction d’acteur ou dans les scènes de transition. Son utilisation de la caméra est merveilleuse. Le film contient notamment quelques travellings à montrer aujourd’hui encore dans les écoles de cinéma : la caméra qui s’approche d’un enfant, passant entre les gueules déformés d’un couple d’adultes qui se déchire ; ou encore ce travelling arrière qui part d’un groupe de musiciens pour dévoiler peu à peu l’effervescence qui règne au sein d’un music-hall mal fâmé…

Régénération, spectaculaire, humain et émouvant, est une suite presque ininterrompue de grands moments de cinéma. Un chef d’œuvre ? Oui. Et l’un des tout premiers, encore…

1234
 

Kiefer Sutherland Filmographie |
LE PIANO un film de Lévon ... |
Twilight, The vampire diari... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | CABINE OF THE DEAD
| film streaming
| inderalfr