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Archive pour la catégorie 'Genres'

L’Insoumis – d’Alain Cavalier – 1964

Posté : 5 septembre, 2024 @ 8:31 dans * Polars/noirs France, 1960-1969, CAVALIER Alain | Pas de commentaires »

L'Insoumis

Alain Delon est mort. L’info ne vous a peut-être pas échappé. Moi, elle m’a secoué, bien plus que je ne l’aurai cru. Parce que, du haut de mes 48 ans, il m’est toujours apparu comme une figure du passé, qui appartenait déjà à une autre époque bien révolue quand j’ai commencé à fréquenter les salles de cinéma. Combien de dois l’y ai-je vu sur un grand écran ? Je me souviens d’1 chance sur 2, et du plus beau passage des Acteurs. Mais dans les deux cas, il se contentait de jouer avec sa légende.

Sa mort, pourtant, m’a marqué plus qu’aucun autre acteur français avant lui. Comme si, sans que j’en ai conscience, il avait toujours fait partie de mon panthéon. Pourquoi ? Humainement, il ne donnait pas franchement envie de partager des soirées. Artistiquement, il avait depuis bien longtemps abdiqué, se réfugiant derrière un passéisme complaisant. Politiquement, n’en parlons pas.

Ces derniers jours, j’ai donc revu pas mal de ses films (déjà chroniqués sur ce blog), histoire de comprendre d’où venait ce profond sentiment de grande perte. Plein Soleil, Le Samouraï et quelques autres ont apporté un début de réponse : cette présence hallucinante, cette douleur renfermée, et ce regard qui en dit tellement derrière un visage qui semble impassible. Delon est un acteur qui peut être formidable.

Découvrir L’Insoumis (c’était la plus longue intro depuis la création de ce blog) apporte un autre éclairage, plus éclairant encore, sans doute. Quand il tourne ce film du jeunot Alain Cavalier, Delon est déjà une star : Clément et Visconti lui ont offert de très grands rôles, Gabin l’a adoubé… Bref, il peut faire ce qu’il veut, et il en a conscience : il décide de produire ses propres films, et L’Insoumis est le premier qu’il porte à bout de bras.

Et quel rôle s’offre-t-il dans ce premier film produit par lui-même ? Celui d’un déserteur de la guerre d’Algérie. Pas un lâche, non : la première séquence montre que ce n’est pas le cas. Mais un soldat qui déserte parce qu’il ne croit pas en la cause pour laquelle il est censé se battre. Bien loin de l’image de réac de droite qu’il a toujours trimballée.

Non pas que cette image soit fausse d’ailleurs : lui-même ne s’en défendait pas, et se complaisait même à l’alimenter ad nauseum. Mais les idées de l’homme n’ont finalement jamais pesé sur les choix de l’acteur, et c’est peut-être ça qui est le plus beau chez Delon, capable de s’engager pour un film anti-peine de mort (Deux hommes dans la ville), lui qui était favorable, ou d’incarner sans retenue un homosexuel (Un amour de Swann), lui qui trouvait ça contre-nature.

Et je me rend bien compte que je parle bien peu de L’Insoumis, et c’est bien injuste. Parce que ce film, franchement méconnu dans la filmographie de Delon, est l’un de ses meilleurs, un beau film engagé qui prend les allures d’un film noir pour raconter la déroute d’un homme qui, au fond, refuse simplement de suivre les diktats de la société. Un homme qui choisit la liberté, en sachant que ce choix l’emmène dans une véritable impasse.

Delon est particulièrement touchant dans le rôle de cet anti-héros, qui semble condenser sa vie en quelques heures, dans une fuite en avant passionnante et amère. Ce grand rôle méconnu, dans un film qui l’est tout autant, pourrait bien être, paradoxalement, une belle porte d’entrée pour découvrir ou redécouvrir la carrière de l’acteur, au-delà des stéréotypes dans lesquels il s’est lui-même complu.

Le Club des trois (The Unholy Three) – de Tod Browning – 1925

Posté : 21 août, 2024 @ 8:00 dans * Films de gangsters, 1920-1929, BROWNING Tod, FILMS MUETS | Pas de commentaires »

Le Club des Trois

Tod Browning dans l’univers du cirque ? C’est avant L’Inconnu et Freaks, et c’est forcément très excitant, surtout que le cinéaste dirige une nouvelle fois son alter-ego du muet, le grand Lon Chaney. Le Club des trois, pourtant, m’a laissé sur ma faim, donnant le sentiment d’une petite chose pas désagréable, mais bien vaine à côté des deux chefs-d’œuvre à venir.

C’est un peu à l’image de Lon Chaney qui, s’il se déguise (ça devait être contractuel!) bien sous les traits d’une vieille dame très convenable qui sert de couverture à ses activités illégales, incarne un personnage pour une fois bien convenu : un ventriloque (dans un film muet, on ne peut que croire les cartons sur parole) qui se sert de son don pour monter une arnaque avec deux autres artistes du cirque, un colosse (Victor McLaglen, juste avant de commencer sa collaboration avec John Ford) et un nain aux traits juvéniles (Harry Earles, que l’on reverra dans Freaks).

Le personnage est assez classique. Le film l’est tout autant, Browning délaissant l’horreur au profit d’un récit policier assez simple. Ce n’est d’ailleurs que quand le cinéaste laisse allers ses penchants pour la bizarrerie que son film reprend du souffle, en particulier lorsque le nain aux allures de bébé tout mignon révèle sa cruauté.

Là, Le Club des trois dérange, bouscule et passionne. Pour l’essentiel, il se laisse voir avec un petit plaisir vaguement distrait. C’est bien, mais on attend tellement plus fort du cinéaste de West of Zanzibar.

Place Vendôme – de Nicole Garcia – 1998

Posté : 20 août, 2024 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1990-1999, GARCIA Nicole | Pas de commentaires »

Place Vendôme

J’aime bien le cinéma de Nicole Garcia, sa manière de dresser des portraits sensibles et complexes, et sa manière aussi de diriger les acteurs (et actrices), en tirant souvent quelques-unes de leurs meilleures prestations. Avec Catherine Deneuve, Jean-Pierre Bacri ou Jacques Dutronc devant sa caméra, autant dire qu’elle n’avait pas forcément à forcer son talent, pour en tirer le meilleur. Et pourtant, tous trois réussissent à surprendre, avec des personnages d’une belle complexité, et d’une belle évidence en même temps.

Deneuve surtout, est magnifique dans le rôle de cette veuve d’un grand joaillier, fragile psychologiquement, qui décide contre toute attente (et contre les intérêts de pas mal de gens) de reprendre les affaires de feu son mari, découvrant par la même occasion les libertés qu’il prenait avec les lois, ou la morale.

Parce que pour une fois, Nicole Garcia signe un film de genre : une sorte de polar à l’atmosphère très élégante, et à l’intrigue touffue et complexe. Un prétexte, d’ailleurs. Parce que même si cet aspect polar tient ses promesses, ce n’est visiblement pas ça qui intéresse la cinéaste et coscénariste (le film est écrit avec Jacques Fieschi, co-auteur de tous les films de Garcia), qui préfère décortiquer les relations elles aussi complexes entre les personnages.

Encore que « décortiquer » n’est pas le terme le plus adéquat, tant il se dégage un naturel et une vérité de ces rapports, parfois très inattendus, à l’image de cet étonnant flirt entre la sophistiquée et sublime Catherine Deneuve et un Jean-Pierre Bacri emprunté mais touchant, loin de son univers. Le contre-pied de cette ancienne idylle entre le personnage de Deneuve et celui de Dutronc, deux oiseaux de la même branche…

Les débuts de Nicole Garcia derrière la caméra avaient d’emblée étaient beaux (Un week-end sur deux, puis Le Fils préféré). Mais c’est avec ce troisième long métrage qu’elle gagnait ses galons de grande cinéaste. Depuis, elle n’a cessé de confirmer qu’elle fait partie des plus grands.

Elyas – de Florent-Emilio Siri – 2024

Posté : 11 août, 2024 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 2020-2029, SIRI Florent-Emilio | Pas de commentaires »

Elyas

Il y a un peu plus de vingt ans, Florent-Emilio Siri avait frappé fort avec un Nid de Guêpes jouissif et décomplexé, film d’action pur d’une efficacité redoutable, qui révélait le digne élève des grands noms du film de genre américain (et hong-kongais), sous influence de John Carpenter et John Woo notamment.

Depuis : une carrière hollywoodienne logique mais tuée dans l’œuf (Otage, échec au box-office), et un retour en France où il semble se chercher, entre réhabilitation historique ambitieuse (L’Ennemi intime), biopic musical (Cloclo) et comédie populaire (Pension complète). Et puis un silence de presque une décennie, qu’il rompt avec ce Elyas qui sonne comme un retour aux sources.

Vingt ans après, Siri est donc toujours sous influence du film de genre américain. Et cette fois, c’est dans la grande vague des films dont-le-héros-est-un-ancien-homme-d’action-retiré-des-affaires-mais-qu’un-événement-dramatique-oblige-à-sortir-de-sa-retraite-et-à-affronter-une-véritable-armée-à-lui-seul-dans-un-déluge-de-feu-et-de-sang qu’il trouve son inspiration. Oui, c’est un genre, qui n’a cessé de surenchérir entre Taken et la série des John Wick.

Côté surenchère, Siri n’y va pas avec le dos de la cuillère, en particulier dans le très long moment de bravoure, qui emprunte aussi bien du côté de John Wick que de Mission : Impossible, en mettant de côté toute notion de réalisme et même de crédibilité pour n’offrir qu’un condensé de pur cinéma d’action totalement décomplexé. Du strict point de vue de l’efficacité, c’est assez énorme, il faut le reconnaître.

C’est donc avec un certain plaisir que l’on découvre ce Elyas, dont on sent qu’il est taillé pour être le premier d’une série. Mais un plaisir coupable. Parce que Siri n’invente rien, se contentant d’enfiler les références plus ou moins glorieuses avec un savoir-faire imparable. Et parce que ce cinéma d’action décérébré et brut s’inscrit dans une histoire sombre aux thèmes plutôt sérieux : le traumatisme des anciens soldats, et surtout l’immigration, dont le scénario fait un ressors dramatique franchement douteux.

Horizon : une saga américaine, chapitre 1 (Horizon : An American Saga – Chapter 1) – de Kevin Costner – 2024

Posté : 10 août, 2024 @ 8:00 dans 2020-2029, COSTNER Kevin, COSTNER Kevin (réal.), WESTERNS | Pas de commentaires »

Horizon 1

Après avoir vu ce film, attendu depuis une quinzaine d’années par les amoureux de westerns et de Kevin Costner (dont je suis, bien sûr… après tout, Danse Avec Les Loups a changé ma vie), une question me taraude : et si Costner avait décidément une bonne fois pour toute de ne plus se soucier le moins du monde du public ? Et s’il ne réalisait ce film que pour lui-même ? Et si, en plus, cette idée-même en faisait l’un des films américains de ce calibre les plus radicaux de l’année ?

Bon, je m’égare sans doute un peu, mais le fait est là : avec ce premier long volet (trois heures) d’une saga qui doit en compter quatre si Dieu-Money le veut (le deuxième est déjà en boîte, le troisième vaguement commencé, le quatrième espéré), Costner ne fait rien pour obtenir les faveurs d’un public habitué à des blockbusters ampoulés qui font exploser l’univers entiers toutes les dix minutes…

Lui nous plonge une nouvelle fois dans le genre ringard par excellence (même la comédie musicale a plus le vent en poupe que le western), et joue le jeu de la longue distance, avec une action extrêmement lente, une multitude de personnages et d’enjeux, un récit dont on ne saisit pas encore bien vers où il nous mène, et un refus viscéral du manichéisme de rigueur.

Oh ! Les premières (dizaines de) minutes sont trompeuses : ça commence par le massacre d’innocentes familles de pionniers par de cruels Indiens assoiffés de sang et de scalps. De quoi faire penser que Costner, trente ans après le grand étendard humaniste qu’est Danse Avec Les Loups, est rentré dans le rang d’une Amérique réac et repliée sur elle-même. Mais non, bien sûr.

Aujourd’hui comme il y a trente ans, Costner refuse tout jugement, et tout parti-pris : les gentils et les méchants existent dans tous les peuples, dans toutes les familles. Et la frontière entre les deux n’est pas toujours bien facile à tracer. Une chose est sûr : la bonté, la bêtise, le courage et la lâcheté ne sont l’apanage d’aucun groupe. C’est aux individus que l’on reconnaît la grandeur d’un peuple.

Et c’est là, sans doute, que Kevin Costner est, et reste, le plus Américain des cinéastes américains. On retrouve dans ce Horizon chapitre 1 toutes les obsessions qui habitent son cinéma depuis si longtemps, et qui en font une terre à part, le seul héritier peut-être d’un certain cinéma américain, celui d’un King Vidor dont il adopte à la fois l’ambition et l’humanité.

Il y a donc beaucoup d’intrigues dans ce premier volet, et beaucoup de personnages. Costner lui-même n’apparaît d’ailleurs qu’au bout de (à vue de nez) pas loin d’une heure. Et s’il s’offre un rôle de justicier solitaire et courageux qui lui va comme un gant, il se met curieusement en retrait, par rapport à des personnages moins habituels du genre.

Il réserve ainsi une belle place aux femmes. Ce qui n’est pas totalement nouveau : Mary McDonnell dans Danse Avec Les Loups et Annette Benning dans Open Range avaient déjà de très beaux rôles. Mais Sienna Miller s’impose comme la véritable colonne vertébrale de ce premier chapitre, une mère douleur et courage dont la présence donne une furieuse envie de voir la suite.

Il y a d’ailleurs bien des raisons de l’attendre, cette suite, tant le film de Costner donne l’impression de vivre une expérience rare, un véritable voyage où l’action et l’émotion, quand ils surgissent sont d’autant plus fulgurants que le film n’évite pas les moments en creux. Costner rêvait de ce film depuis si longtemps… Il a visiblement bien l’intention de vivre ce rêve pleinement.

Mad Max (id.) – de George Miller – 1979

Posté : 5 août, 2024 @ 8:00 dans 1970-1979, FANTASTIQUE/SF, MILLER George | Pas de commentaires »

Mad Max

Après la claque Furiosa, une envie bien logique de replonger dans les origines du mythe. Il y a quarante-cinq ans, disons, lorsqu’un tout jeune George Miller dirigeait un encore tout jeune Mel Gibson dans une petite production sans moyen mais avec beaucoup d’idées, déjà assez dingue.

A l’origine, donc, il y a ce Mad Max de 1979. Loin, très loin du délire énorme et jouissif de Fury Road ou Furiosa. C’est la naissance du mythe, et tout est déjà là, mais tout est différent. Le chaos n’a pas encore totalement eu lieu : le monde que filme Miller est mal en point, en proie à une violence incontrôlée. Mais des bribes de société existent toujours : une police, des commerces, des familles…

Miller n’est pas du genre, dans cette saga, à aller trop loin dans l’explicité. De ce qui a amené le monde dans cette dérive, de ce que sont les rêves et les quotidiens des vrais gens, on ne saura donc pas grand-chose. Dès ce premier film, malgré toutes les différentes avec la suite du mythe, tout est bruit et fureur, devant la caméra de Miller.

Et même sans les moyens énormes qu’il aura quarante ans plus tard, Miller fait preuve d’une inventivité et d’un sens du rythme impressionnants avec ce film qui dilate l’action tout en condensant l’intensité et l’émotion contenue. Dès ce premier film, les courses poursuites prennent notamment une dimension mythique.

Techniquement, on est très loin de la perfection qu’il atteindra dans les années 2010 et 2020 : le montage est imparfait, la post-synchro carrément pourrie. Mais qu’importe : par sa rage, par son rythme, par sa violence même et par sa cruauté, Mad Max est un film fort, fondateur, profondément sombre. Fauché, bien foutu, culte.

Furiosa : une saga Mad Max (Furiosa : a Mad Max saga) – de George Miller – 2024

Posté : 19 juillet, 2024 @ 8:00 dans 2020-2029, ACTION US (1980-…), FANTASTIQUE/SF, MILLER George | Pas de commentaires »

Furiosa une saga Mad Max

Il y a neuf ans, Fury Road avait fait l’effet d’une bombe. George Miller ne se contentait pas de relancer, trente ans après, la saga qui l’a révélé au monde entier. Il ne se contentait pas non plus de dynamiter cette saga, renvoyant la trilogie originelle, certes culte, au statut de mythe fondateur, comme les vestiges attachants d’une époque révolue. Non : il réinventait le cinéma d’action d’une manière totalement radicale.

Bonne nouvelle : Furiosa, prequel très attendu, s’inscrit dans la même démarche jusqu’au boutiste d’un cinéma total. La manière de filmer l’action, les poursuites, la vitesse… Tout est immense et démesuré dans ce nouveau film qui, s’il ne surprend pas vraiment (il arrive après), enfonce le clou de la plus belle des manières.

On a donc droit, cette fois encore, à un paquet de séquences d’action proprement hallucinantes, dont une course-poursuite entre un camion citerne et des véhicules légers qui s’étend sur près de quinze minutes, avec une inventivité, une gourmandise et un mélange de fun et de brutalité qui ne connaît pas la moindre baisse de régime. Ce qu’on pourrait dire, d’ailleurs, des deux heures trente de ce film d’une densité sidérante.

C’est dense, et c’est pourtant presque aux antipodes de Fury Road : là où le précédent film condensait son intrigue sur une période extrêmement courte, Furiosa s’étend sur seize ans, découpés en cinq chapitres, pour évoquer la tragédie qui a poussé une fillette à devenir l’impératrice Furiosa, fascinant personnage incarné par Charlize Theron dans le précédent film, et par Anna Taylor-Joy ici (pour la partie « adulte »).

Les deux actrices sont certes très différentes, mais devant la caméra de Miller, elles deviennent en deux films les deux versants évidents d’un même personnage marqué par le destin. Ce qu’on peut dire aussi de la petite Alyla Browne qui joue Furiosa enfant… Je dois d’ailleurs avouer avoir remarqué tardivement le changement d’actrice au bout d’une heure de film, tant la transition est filmée avec évidence. Évidence placée sous le signe de la tragédie.

C’est la principale particularité de ce prequel par rapport au précédent film : la puissance déchirante du récit, le destin de cette fillette arrachée à une vie privilégiée, avec la plus grande violence. Miller, ici, prend le temps de filmer la cruauté de son univers, au-delà de sa violence extrême. Il s’autorise des pauses, et une vraie réflexion sur l’attachement, sur les obligations de la vie, sur la perte de l’innocence…

A vrai dire, Furiosa, au-delà de son côté furieusement réjouissant, peut être vu comme une somme de tout le cinéma de Miller. Il est en tout cas assurément la preuve qu’à près de 80 ans, il a une sacrée pêche, renvoyant 99 % du cinéma d’action international à la tiédeur désincarnée qui le caractérise. Lui ose, et maîtrise. Et plus il se défait des limites, plus il plonge dans une action décomplexée et inventive, plus il touche à un cinéma d’une pureté rarissime.

Et puis, réussir à transformer l’un des acteurs les plus transparents d’une génération riche en acteurs transparents, en une incarnation aussi hallucinante que celle qu’offre Chris Hemsworth… Voilà une prouesse qui suffirait à rendre Furiosa incontournable. Comme, en plus, on trouve ici un condensé de tout ce que le cinéma peut offrirUn film totalement dingue, simplement.

Music Box (id.) – de Costa-Gavras – 1989

Posté : 12 juillet, 2024 @ 8:00 dans * Thrillers US (1980-…), 1980-1989, COSTA-GAVRAS | Pas de commentaires »

Music Box

Il y a au moins une chose qu’on ne peut pas retirer à Costa-Gavras, c’est sa sincérité. On peut aussi y ajouter l’audace, la colère, et l’honnêteté, y compris dans un film comme ce Music Box, dont on sent qu’il est aux confluents de deux mondes.

Le générique de début porte déjà en lui quelque chose de détonnant : Costa-Gavras dans une production Carolco, studio alors en vogue qui sera le spécialise des grosses machines d’action des années qui suivront, c’est un peu comme Menahem Golan qui produisait le King Lear de Godard… Une rencontre hautement improbable.

Le résultat est bien un film de Costa-Gavras, pas de doute. Mais on sent constamment une envie de s’imposer sur le marché américain. C’est surtout flagrant dans le premier tiers, d’une maladresse confondante, avec des effets très appuyés sur une Jessica Lange qui surjoue le bonheur familial. Ou dans les dernières minutes, qui évacuent dans un final nerveux (et efficace) un doute qui eût été autrement plus troublant s’il n’avait pas été clarifié.

Mais entre deux, Costa-Gavras réussit haut la main son film de procès américain, donnant à cette longue partie centrale une grande tension, et une vraie force d’évocation, dans une mise en scène au cordeau. Là, Jessica Lange redevient une excellente actrice, dans le rôle de cette avocate qui défend son père (Armin Mueller-Stahl, parfait comme toujours) accusé d’être un ancien criminel de guerre.

L’émergence du doute, la confrontation avec les récits d’horreur des témoins, les mystères de l’âme humaine, l’incapacité de connaître vraiment ces aînés dont on n’a pas vécu la jeunesse, mais qu’on croit connaître mieux que quiconque… Sans aucun flash-back, sans images d’horreur, avec la seule force de la parole (et du montage cinématographique), Costa-Gavras signe un film intense, qui interroge plus qu’il ne dénonce. En tout cas, il bouscule.

L’Assassin a peur la nuit – de Jean Delannoy – 1942

Posté : 8 juillet, 2024 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1940-1949, DELANNOY Jean | Pas de commentaires »

L'Assassin a peur la nuit

Il s’en passe des choses, dans ce film qui oscille entre le noir, la romance et l’aventure… Quelque part entre Lumière d’été pour les paysages brûlants et poussiéreux et les illusions perdues, Le Dernier Tournant pour l’anti-héros marqué par le destin, les films anglais genre Jeune et innocent pour les allers-retours constants et l’utilisation du vieux moulin, et L’Assassin habite au 21.

Les premières images, surtout, ressemblent en tout point à celles du film de Clouzot, sorti peu avant. De là à imaginer que Delannoy surfe sur le succès dudit, il n’y a qu’un pas que je franchis allégrement : dans l’entrée en scène des personnages, la manière de filmer les policiers arpentant la ville la nuit, l’humour des dialogues et l’utilisation des ombres sur les murs, l’influence est plus que manifeste. Et explique ce curieux titre qui ne correspond pas vraiment au film.

La comparaison avec le chef d’œuvre de Clouzot s’arrête là, d’ailleurs. Après cette introduction, le film prend d’autres directions. Plusieurs autres directions. Avec un vrai sens de l’image et de la narration : Delannoy réussit des tas de belles scènes, bien ficelées (celle du cambriolage, pleine d’entrain et d’inventivité, jusque dans les dialogues assez marrants), voire très fortes : l’arrivée dans la mine, le final dans le moulin…

Mais Delannoy, dans cette adaptation d’un roman de Pierre Véry (très en vogue sous l’occupation, avec des films adaptés de son œuvre comme L’Assassinat du Père Noël ou Goupi Mains Rouges), donne le sentiment d’enchaîner les scènes en oubliant de leur donner du liant, une ligne directrice, un rythme cohérent. C’est généreux, souvent plaisant, mais on peine à s’attacher aux personnages, à croire au soudain traumatisme du personnage principal (Jean Chevrier) ou au repentir de la vamp (Mireille Balin, très bien).

Mais il y a dans ce film référencé, généreux, et maladroit suffisamment de bons moments pour ne pas faire la fine bouche.

Nope (id.) – de Jordan Peele – 2022

Posté : 6 juillet, 2024 @ 8:00 dans 2020-2029, FANTASTIQUE/SF, PEELE Jordan | Pas de commentaires »

Nope

Jordan Peele est-il un petit génie ou un réalisateur malin, doué mais vain ? Me v’là pas plus avancé après avoir vu ce Nope, dont on peut dire avec certitude :

1) qu’il est fort bien réalisé, filmé avec un mélange de classicisme assez classe, et une inventivité assez folle ;

2) qu’il est pour le moins intriguant et au suspense dense ;

3) qu’il confirme le talent de Peele pour sortir d’on ne sait où un paquet d’images saisissantes, comme cette clé incrustée dans la croupe d’un cheval ;

4) qu’il distille ses effets au compte-goutte, quitte à donner le sentiment de tourner en rond et d’étirer inutilement son récit ;

5) qu’il a du mal à canaliser cette imagination et à faire des choix, et que son film gagnerait à être resserré à la manière des séries B de Carpenter auxquelles on pense inévitablement.

Tout ça pour dire : on oscille entre l’excitation de la surprise et la sensation d’être pris pour des gogos dans ce drôle (ce n’est pas le bon terme : ce n’est pas drôle) de film d’extraterrestre, un peu comme si on assistait au show westernien plein de promesses non tenues que l’on voit dans une scène clé du film.

L’esprit n’est pas si loin de Get Out. Là aussi, Peele fait surgir le fantastique d’un contexte réaliste et quotidien, basant son film sur des images fortes dont on met du temps à comprendre l’impact. A ceci près que la révélation apparaît ici nettement plus tôt, menant vers un final spectaculaire et frappant, mais finalement assez classique qui donne un coup de boost au genre plus qu’il ne le révolutionne.

Comme dans ses précédents films, Peele base sa vision de l’horreur sur un fond social fort : le racisme et les clivages sociaux là, l’omniprésence des images ici, fil rouge assez excitant dans son ambition, mais qui laisse un sentiment d’inabouti au final.

De l’ancêtre du cinéma (dont on apprend qu’il doit beaucoup à un cavalier noir) aux influenceurs des réseaux sociaux (avec un personnage dénué de visages) en passant par l’âge d’or de la télévision (avec un chimpanzé tueur dont je continue à me demander ce qu’il apporte à part des images très saisissantes)… L’image enregistrée est omniprésente dans le récit, avec une conclusion qui porte au moins à réflexion : et si le salut reposait sur la capacité de chacun à fermer les yeux ?

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