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Archive pour la catégorie 'Genres'

A nous deux – de Claude Lelouch – 1979

Posté : 7 février, 2011 @ 2:06 dans * Polars/noirs France, 1970-1979, LELOUCH Claude | Pas de commentaires »

A nous deux - de Claude Lelouch - 1979 dans * Polars/noirs France a-nous-deux

Dès le générique, très beau comme toujours chez Lelouch, le réalisateur nous met de son côté : il a décidément un don presque infaillible pour nous faire glisser directement dans son univers si marqué, dès les toutes premières images, les toutes premières notes de ses films. Et ici, c’est encore le cas, surtout qu’on est en terrain connu : le prologue peut même nous faire croire qu’on est dans une sorte de suite de Le Bon et les Méchants, qu’il avait tourné, déjà avec Jacques Dutronc, en 1975. Même époque (l’après-guerre), mêmes personnages (deux gangsters, Dutronc et Villeret), même couleur sépia…

Mais le sépia laisse vite la place à la couleur, le passé (qui restera très présent tout au long de ce film inhabituellement nostalgique) au présent, et le grand gangster Dutronc à son fils, toujours joué par Dutronc, qui a suivi la même voie que son père, et qui s’apprête à purger une longue peine de prison. Les chats ne font pas des chiens, donc, et un fils de voleur, selon Lelouch, a toutes les chances de suivre la même voie. Je ne commenterai pas cette hypothèse sur ce blog purement cinématographique…

Il y a en tout cas une filiation évidente entre Le Bon et les Méchants et ce A nous deux, qui n’est pas un remake, mais au contraire une sorte de double négatif : après l’entrée difficile dans le banditisme, c’est l’entrée encore plus difficile dans l’honnêteté qui est le sujet principal du film. Parce que c’est ce chemin que suivront Simon (Drutronc) et Françoise (Catherine Deneuve), deux jeunes gens réunis dans une même cavale, tous deux victimes à leur manière de la société : lui par son hérédité, elle parce qu’elle a été violée alors qu’elle menait une vie bourgeoise.

Le poids du passé, le poids de l’hérédité, le poids des préjugés, son omniprésents. Et Lelouch dévoile une facette qu’il cache le plus souvent : un profond pessimisme. Pour ses deux compagnons de route, il n’y a pas de réhabilitation possible. Pas dans cette société en tout cas, pas dans ce pays, pas dans cet environnement qui est le leur. Pour avoir une chance, aussi infime soit-elle, de pouvoir vivre honnêtement, il leur faudra traverser l’Atlantique, et vivre leur rêve américain, dont on ne verra rien qu’une vue lointaine de New York, entourée d’un no man’s land franchement glauque.

Le film est aussi l’un des plus linéaires de Lelouch (et donc celui que je recommanderais en priorité à ses si nombreux et excessifs détracteurs), qui ne sort quasiment pas de son scénario. Peu de digressions, pas d’envolées lyriques… On est pourtant bel et bien dans l’univers du cinéaste, dont le style est bien là. Lelouch (dans un excellent entretien présenté en bonus du DVD) raconte lui-même que son film l’a frustré, que la rencontre entre Catherine Deneuve et Jacques Dutronc n’a pas été à la hauteur de ses attentes. « Il y avait trop de respects entre eux », explique-t-il, regrettant de ne pas avoir réussi à créer ces petits moments de magie « en marge » qui peuplent ses films.

Cher monsieur Lelouch, sachez que vous êtes bien sévère avec vous-même : votre film est un pur moment de cinéma, beau, triste, et en même temps plein d’espoir…

John McCabe (McCabe and Mrs Miller) – de Robert Altman – 1971

Posté : 7 février, 2011 @ 11:45 dans 1970-1979, ALTMAN Robert, WESTERNS | Pas de commentaires »

John McCabe

Un western signé Altman ? Je demandais à voir… Dès les premières images, on se rend compte que la mythologie de l’Ouest américain va en prendre un coup. Bon, pour être précis, il ne s’agit pas de l’Ouest sauvage, ici, puisqu’on est au nord-est de l’Amérique, qu’on est au début du XXème siècle, et qu’il n’y a pas trace d’Indien. Pourtant, on est bel et bien dans un western. Altman en respecte scrupuleusement tous les codes : l’étranger solitaire qui arrive en ville, les saloons poisseux, les putes, le whisky et le poker, les villes-champignons, et l’éternelle guerre entre les petits propriétaires et les grands industriels…

Tout est là, donc. Et pourtant, le film s’évertue à démystifier cette époque, lui enlevant toute trace d’héroïsme. Les glorieux pionniers que l’on voit depuis les premiers temps du cinéma sont ici des hommes et des femmes d’une banalité totale. Des bouseux, mais sans excès. Des grandes gueules, mais qui préfèrent s’occuper de leurs petites affaires plutôt que de chercher la bagarre.

Quant à l’étranger, il arrive précédé d’une réputation de tueur, mais il ne faut pas bien longtemps pour comprendre (comme le tueur qui sera envoyé plus tard dans le film pour l’abattre) qu’il n’a jamais eu à tirer sur un homme. Et s’il n’est pas un lâche, il est littéralement habité par la peur, ce qu’on voit quand même rarement dans un western… Warren Beatty, dans le rôle de cet étranger nommé John McCabe, est formidable : il apporte mine de rien beaucoup de nuances à son personnage, miné par sa frustration de ne pas être assez intelligent, et par son incapacité à déclarer son amour pour cette femme dont il est visiblement dingue.

Cette femme, c’est donc Julie Christie, alias Mrs Miller, pute de luxe venue dans cette petite ville perdue de mineurs proposer à McCabe de gérer pour lui un bordel. Femme dure, bute, mais heureuse de faire son métier. Leur partenariat va faire des étincelles, mais on est pas bête, on sait bien que ces deux-là s’aiment déjà. C’est par bravade, pour faire le beau, que McCabe refuse ‘‘l’offre qu’il ne pouvait pas refuser’’ que lui fait une grande compagnie aux méthodes expéditives pour acheter son établissement. Un refus qui lui vaudra d’être condamné à mort.

Ce qui est beau, dans ce film, c’est la manière dont Altman s’évertue à rendre son western réaliste. Mieux : à plonger le spectateur au cœur de cet environnement certes beau, mais hostile. La nature est palpable, comme le froid, la solitude, la puanteur des gens, et la peur qui s’installe. Et puis il y a les chansons de Leonard Cohen, sublimes et lancinantes, qui illustrent à merveille le film (ou est-ce le contraire ?), ponctuant l’histoire de bout en bout.

Il y a aussi cette magnifique déclaration d’amour d’un McCabe qui se sait condamné, et qui se décide enfin à parler à Mrs. Miller, tournant le dos à la belle (et à la caméra), et parvenant simplement à s’excuser…

A cette scène d’une infinie délicatesse succède un autre passage obligé du western : le duel dans les rues de la ville. C’est presque un film dans le film. Cette longue séquence dans la neige, sans la moindre note de musique, utilise parfaitement le très beau décor : chaque maison, chaque rue, chaque recoin est mis à profit pour cette partie de cache-cache mortel entre McCabe et les trois tueurs venus pour lui.

Altman souligne la solitude extrême dans laquelle se retrouve alors son héros, en rassemblant tout le reste de la population autour d’un autre problème : tous se mobilisent pour éteindre un incendie qui s’est déclenché dans l’église, à peine terminée, dans un grand élan de fraternité et d’enthousiasme. McCabe, lui, est à quelques mètres, défendant sa peau sans que personne ne le remarque. Julie Christie, elle, est déjà partie…

Le Tueur aveugle (The dark eyes of London / Human Monster) – de Walter Summers – 1939

Posté : 31 janvier, 2011 @ 1:01 dans 1930-1939, FANTASTIQUE/SF, SUMMERS Walter | Pas de commentaires »

Le Tueur aveugle

Un petit film anglais d’avant-guerre pour nous rappeler que le cinéma british de l’époque, pour l’essentiel, se limitait quand même à Alfred Hitchcock. Il n’est pas si mal, ce thriller légèrement horrifique, histoire d’un tueur en série qui sévit sur les bords de la Tamise. Mais il faut reconnaître que la direction d’acteur est assez approximative, que les cadrages sont purement fonctionnels, que l’intrigue n’a franchement pas le moindre intérêt, que les personnages sont pour le moins schématique, et que Bela Lugosi est un acteur calamiteux.

Il y a tout de même un petit charme qui se dégage de cette adaptation d’un roman d’Edgar Wallace (c’était un genre en soi pendant des années en Grande-Bretagne, Edgar Wallace étant une vraie star du roman policier outre Manche). Et puis l’idée d’avoir situé l’intrigue dans un établissement pour aveugles permet de créer une atmosphère plutôt inhabituelle.

Le film a été interdit aux moins de 12 ans à sa sortie, mais il faut bien dire qu’il ne fait plus peur à personne aujourd’hui : le personnage de Jake, géant mal-voyant au visage cruellement déformé, fait davantage rire qu’il n’effraie ou émeut (n’est pas la créature de Frankenstein qui veut). Les ficelles souvent énormes du scénario font souvent sourire, elles aussi.

Rien de bien consistant à se mettre sous la dent, donc, dans ce film taillé pour le marché international (on a même ajouté un personnage de flic américain qui n’a strictement aucun intérêt, juste pour toucher le public ricain), si ce n’est quelques petites scènes assez amusantes, les grimages kitschissimes de Lugosi (qui avait déjà bien entamé son sinistre déclin), et le petit charme de Greta Gynt.

L’Enfer est à lui (White heat) – de Raoul Walsh – 1949

Posté : 31 janvier, 2011 @ 11:30 dans * Films de gangsters, * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, CAGNEY James, WALSH Raoul | Pas de commentaires »

L'Enfer est à lui

Made it ma ! Top of the world !

« Made it, ma ! Top of the world ! » lance un James Cagney halluciné, définitivement tombé dans la folie la plus (auto)destructrice, les flammes de l’enfer se déchaînant autour de lui. Cette image inoubliable est entrée dans l’histoire comme l’une des plus fameuses de l’histoire des films de gangsters. Une image comme sortie de l’esprit torturé de Cody, peut-être le plus terrible de tous les personnages de Cagney (et il en a interprété quelques-uns, des sales types !), mais paradoxalement incapable de couper le cordon avec sa mère, possessive et acariâtre : Ma Dalton, à côté, c’est mamie Tartine…

White Heat, chef d’œuvre absolu de plus à mettre au crédit de Walsh, est à l’image de ce personnage si complexe : à la fois brut et brutal, et d’une profondeur inattendue. Ne comptez pas sur moi pour me lancer dans une psychanalyse sur les rapports entre Cagney et sa mère de cinéma, Margaret Wycherly. Mais cette union diabolique fait froid dans le dos : dérangeant de voir cette boule de fureur qui peut donner la mort sans une hésitation, débordant d’un amour exclusif pour sa mère. Lorsque ce cordon est finalement coupé donne lieu à l’une des scènes les plus puissantes du film : en prison, dans un silence quasi monacal, une chaîne humaine apporte la nouvelle de la mort de sa mère à Cody, qui l’accueille dans une explosion de douleur qui fait froid dans le dos.

La grande force du film, c’est d’allier une narration d’une fluidité et d’une efficacité  absolues, avec ce personnage hors du monde, pour qui tout ce qui se trouve en dehors de cette bulle minuscule qu’il forme avec sa mère, peut bien disparaître dans les flammes de l’enfer. Ce dingue absolu est pourtant marié avec Virginia Mayo. Et même si elle est prête à toutes les duplicités, elle est quand même rudement belle, Virginia…

Cody est un personnage hors du monde, mais c’est aussi un personnage hors du temps, totalement fermé aux évolutions de la société, et même de la police, qu’il considère comme des ploucs qui ne représentent pas la moindre menace. Malin, Walsh joue avec le long passé de gangster de Cagney (y compris sous sa propre direction dans Les Fantastiques années 20, dix ans plus tôt) : lui n’a guère changé, dans ses méthodes. Mais le monde a avancé, sans lui.

C’est un autre thème du film, inhabituel dans les films de gangsters : l’affrontement entre la tradition (celle du gangster né pendant la Prohibition) et la modernité. Walsh s’est visiblement passionné pour ce sujet, qu’il traite admirablement bien, sans jamais en rajouter, et sans que cela tombe dans la surenchère de gadgets. Cette police que Cagney et Mayo considèrent comme des ploucs est non seulement capable de se montrer plus maligne (avec l’excellent Edmond O’Brien, flic infiltré), mais elle utilise aussi des méthodes révolutionnaires pour l’époque : filatures à trois voitures, utilisation du radar, sans oublier les empreintes digitales dont l’utilisation a bien progressé… Sans s’en rendre compte, Cody Jarrett est un dinosaure, dont la disparition est inéluctable.

C’est d’ailleurs le dernier grand rôle de gangster de Cagney, qui effectuait là un retour très remarqué après quelques années de purgatoire. C’est aussi sans doute son rôle le plus marquant. Cagney est grand, et Walsh est immense.

Un faux mouvements (One false move) – de Carl Franklin – 1990

Posté : 24 janvier, 2011 @ 11:45 dans * Thrillers US (1980-…), 1990-1999, FRANKLIN Carl | Pas de commentaires »

Un faux mouvement

La violence, dans Un faux mouvement, éclate froidement et cliniquement dans la première séquence, tournée d’une manière presque documentaire, avec un réalisme inhabituel. Le film n’est commencé que depuis quelques minutes qu’on est pris aux tripes, saisi par la cruauté et le terrible sang-froid des deux tueurs : l’exécution des six victimes est filmée sans pathos, sans s’appesantir, presque sans y prendre gare. Et cette froideur extrême glace le sang, parce qu’elle nous fait partager l’absence totale de valeur morale de ces deux ordures absolues…

On s’attendait à voir un film noir de plus, une variation sur un thème qui n’en finit pas d’être remis au goût du jour, notamment, à cette époque, par les frères Coen (Sang pour Sang…). Mais c’est quelque chose d’un peu différent que propose Carl Franklin : un thriller purement psychologique. Parce qu’après cette première séquence morbide, la violence se fait très discrète jusqu’à la conclusion du film. Franklin, par contre, instaure un climat de trouille qui ne quitte plus le spectateur. Une vraie trouille comme on en ressent peu au cinéma : pas basée sur le suspense ou sur la surprise, mais sur l’attente, sur la certitude que les destins que l’on suit en parallèle à l’écran sont amenés à se rencontrer, et que le résultat va être tragique.

Ces destins parallèles, ce sont ceux des bons et des méchants. D’un côté, les deux tueurs, qui traversent plusieurs états avec le butin minable de leur crime (15 000 dollars et pas mal de coke) ; de l’autre, le flic bouseux d’une petite ville paumée où les criminels sont attendus. Trait d’union entre eux tous : la petite amie du criminel interprété par Billy Bob Thornton (également auteur du scénario), présentée comme un témoin passif par tous les protagonistes, mais d’une complexité rare : au bord de la nausée après le sextuple meurtre du début, c’est elle, pourtant, qui dessoudera un patrouilleur froidement, d’une balle dans la tête. Mère indigne, junkie, tueuse de flic… ce personnage inoubliable joliment interprété par Cynda Williams (qu’on n’a pas vraiment revue depuis, hélas) est aussi étrangement le plus attachant de toute cette histoire.

Quant au flic bouseux, c’est Bill Paxton, dans un rôle taillé pour lui, à la fois touchant et un peu ridicule, excité à l’idée d’affronter enfin de vrais méchants, et admirateur des deux super-flics qui arrivent de L.A., et qui se moquent gentiment de ce type sincère, passionné, mais franchement ringard.

Pendant la plus grande partie du film, l’affrontement entre les bons et les méchants se fait à distance. L’explosion de violence se fait attendre, et on se dit que ça va être quelque chose, forcément. Mais ce n’est pas ce qui intéresse Franklin, qui expédie cet affrontement en quelques secondes à peine, là encore sans en rajouter. Le résultat est une fois de plus glaçant, d’autant plus que le générique de fin arrive quand on ne l’attend pas, et laisse un sentiment de malaise persistant.

En un film, Carl Franklin faisait son entrée dans la cour des très grands auteurs de films noirs, où la psychologie et l’atmosphère comptent infiniment plus que l’action et les rebondissements. Ça bouscule, et c’est rudement bon…

Juste Cause (Just Cause) – de Arne Glimcher – 1994

Posté : 24 janvier, 2011 @ 11:18 dans * Thrillers US (1980-…), 1990-1999, GLIMCHER Arne | Pas de commentaires »

Juste Cause

Sean Connery, Larry Fishburne, Ed Harris, Kate Capshaw, et une toute jeunette Scarlett Johansson (elle n’a que 11 ans)… Plutôt séduisant, le casting de ce thriller que je n’avais pas revu depuis sa sortie en salles (à l’époque, bien sûr, la p’tite Scarlett n’avait retenu l’attention de personne). Mais une fois qu’on a parlé du casting, on a dit l’essentiel. Produit par Connery lui-même, Juste Cause est le film d’une star vieillissante qui peine à trouver un dernier souffle (on dira ce qu’on voudra, il n’aurait rien perdu à arrêter sa carrière une dizaine d’années plus tôt, Sean).

On comprend bien ce qui a attiré l’acteur-producteur dans cette histoire d’un ancien avocat reconverti en conférencier farouche opposant à la peine de mort, qui accepte de reprendre du service pour défendre un jeune noir sur le point d’être exécuté pour le meurtre sauvage d’une petite fille. Persuadé de l’innocence du condamné, l’avocat se heurte à l’hostilité de la population et des flics de cette petite bourgade un peu plouc de Floride, où le traumatisme de ce meurtre est toujours vivace.

Le scénario évoque les grands films à thèse des années 70, en tout cas au début du film. Tout y passe : le racisme de l’Amérique profonde, l’inhumanité de la peine de mort, la justice expéditive… Et pendant un temps, c’est assez efficace et plaisant, même si le scénario accumule les facilités, et que les dialogues sont purement fonctionnels. Oubliez la psychologie des personnages, c’est l’histoire qui prime.

C’est bien le problème, d’autant plus qu’à trop vouloir éviter d’appuyer sur le message anti-peine de mort et anti-raciste, Arne Glimcher (jamais entendu parler, depuis ce film) et ses scénaristes finissent par se mordre la queue. Non seulement le thème initial perd tout son sens, mais le film se transforme en un thriller grand-guignol assez percutant (suffisamment, en tout cas, pour ne pas s’ennuyer), mais guère différent des productions qu’on voyait à la pelle au milieu des années 90.

Mais bon, je me sens d’humeur généreuse : Juste Cause mérite d’être vu, ne serait-ce que pour le face-à-face réussi entre Sean Connery et Laurence Fishburne. Oubliez les autres acteurs (surtout Ed Harris, qui en fait des tonnes dans un rôle à la Hannibal Lecter), c’est grâce à eux deux, et à eux deux seulement, qu’on prend un certain plaisir à voir ce petit film…

Au-delà (Hereafter) – de Clint Eastwood- 2010

Posté : 20 janvier, 2011 @ 11:15 dans 2010-2019, EASTWOOD Clint (réal.), FANTASTIQUE/SF | 1 commentaire »

Au-delà

Clint Eastwood n’est pas seulement le plus grand cinéaste vivant. C’est aussi le plus délicat. Il le prouve encore avec ce film qui, sur le papier, faisait un peu peur. Depuis vingt ans, je n’ai pas raté un Clint au cinéma (le premier, c’était La Relève), attendant systématiquement le prochain avec une impatience et un enthousiasme qui ne se démentent pas. C’est d’ailleurs encore le cas avec le futur biopic sur Hoover, dont il doit commencer le tournage dans quelques jours. Mais là, pour la première fois, l’enthousiasme se faisait plus discret. L’histoire croisée de trois personnages qui se retrouvent autour de la mort (une Française qui côtoie la mort lors du tsunami, un Américain qui communique avec les morts, un enfant anglais qui perd son frère jumeau) ? Mouais, bof… C’est bien parce que c’est Clint…

Eh bien encore une fois, il remporte le morceau. Du mélo larmoyant qu’on nous promettait, Eastwood tire un film apaisé, dépassionné même, et anti-spectaculaire (passée la séquence époustouflante du tsunami, filmée exclusivement du point de vue de Marie, le personnage incarné par Cécile de France). Malgré le thème, c’est même le film le plus optimiste qu’il ait fait depuis dix ans. Le thème, justement, est hyper gonflé : il n’est pas vraiment question de deuil, ou de l’approche de la mort, mais du rapport que l’on entretient avec la mort qui nous guette tous.

Qu’y a-t-il après ? Faut-il en avoir peur ? A la première question, Clint Eastwood ne répond pas, bien sûr. Mais à la seconde, il dit clairement : « non », condition sine qua non pour réussir sa vie, et trouver enfin sa vraie place dans le monde des vivants. Et pour ça, une seule méthode : être en paix avec soi-même. Clint l’est visiblement. Et la manière qu’il a de montrer les choses sans les appuyer, de filmer les drames sans en rajouter, en est la démonstration évidente. Eastwood est le dernier des grands réalisateurs classiques ; c’est aussi, peut-être, le plus serein de tous.

Il manque peut-être un peu de passion, justement, à Hereafter. Mais il y a derrière cette triple-histoire une sincérité absolue, comme on sent que l’hommage, appuyé, à Dickens est totalement sincère : cet auteur que vénère George, et dont ce gosse anglais semble être un personnage transposé dans le XXIème siècle (on se souvient d’ailleurs que Eastwood a eu un temps le projet de porter à l’écran la vie de Dickens, qu’il aurait lui-même interprété). Il y a aussi dans le film un premier degré rafraîchissant : le « don » du médium George (Matt Damon), qui communique avec les morts, est montré comme une chose presque naturelle, même si le personnage vit ça comme une malédiction, et pas comme un don.

Quelques petites fautes de goût, aussi, si on veut être tatillon : la manière un peu appuyée de montrer comment Marie, journaliste réputée (de France Télévision) est rejetée de tous parce qu’elle parle de son expérience de mort imminente, est parfois lourdingue (elle comprend qu’elle a été remplacée lorsque les affiches sur lesquelles sont visage figurait dans Paris sont remplacées par d’autres). L’utilisation des attentats de Londres, comme un ressort dramatique à peine effleuré, est aussi un peu discutable.

Ces (petites) réserves mises à part, Hereafter est une belle réussite, que l’immense majorité des réalisateurs auraient transformé en piteuse mièvrerie. Pas Clint Eastwood, grâce en partie à des détails minuscules et parfaitement eastwoodiens, qui parsèment le film. Cécile de France filmée en gros plan dans l’obscurité d’un restaurant. Matt Damon buvant une bière dans la solitude de son appartement. Un accord de guitare qui résonne doucement. Il n’en faut pas plus à Clint pour faire naître l’émotion, poser sa touche, et faire vivre son univers.

Un univers qui, malgré la multiplicité des sujets qu’il aborde film après film, nous est si familier. C’est sans doute ça, la marque d’un véritable auteur…

Chantage (Blackmail) – de Alfred Hitchcock – 1929

Posté : 14 janvier, 2011 @ 11:15 dans * Polars européens, 1920-1929, HITCHCOCK Alfred | Pas de commentaires »

Chantage (Blackmail) - de Alfred Hitchcock - 1929 dans * Polars européens chantage

Hitchcock passe du muet au parlant de manière magistrale, dans ce petit chef d’œuvre (ben oui, encore) qui est la matrice presque définitive de la plupart des grands films à suivre du génial cinéaste.

Tout commence comme un film muet (le tournage a d’ailleurs réellement commencé comme un muet traditionnel, mais Hitchcock, qui s’attendait à ce qu’on lui demande de sonoriser son film, préparait cette transition dès l’origine du projet) : la première séquence, qui n’a rien à voir avec l’intrigue principale, présente l’inspecteur Frank Webber (John Longden) et son équipier, deux policiers de Scotland Yard, qui s’apprêtent à arrêter un homme recherché. Hitchcock se montre d’une précision absolue dans cette séquence : l’arrestation (filmée avec l’inventivité et l’efficacité qui lui sont déjà naturelles par le cinéaste), la mise en examen, la confrontation avec un témoin, la mise en cellule… Hitchcock n’oublie aucune étape pour ce qui se veut être une vision la plus réaliste possible du quotidien d’un policier. C’est passionnant, et brillant. Blackmail promet alors d’être le plus abouti des films muets du gros Hitch.

Sauf que la partie muette s’arrête là. Sitôt leur journée de travail finie, la véritable intrigue s’apprête à se mettre en place, et le film prend la parole. Gonflé, cynique, et bourré d’humour, Hitchcock fait son entrée dans le parlant avec un dialogue entre les deux flics d’un inintérêt total : durant quelques instants, alors qu’ils quittent les locaux de Scotland Yard, Frank et son équipier parlent de tailleur, de costumes, d’étoffe… un dialogue sans la moindre profondeur, sans le moindre second degré. Bref, sans le moindre intérêt. Si Hitchcock avait voulu se moquer de la passion grandissante pour le cinéma parlant, il ne s’y serait pas pris autrement.

Ce n’est pas pour autant qu’il prend à la légère les possibilités offertes par le son. Bien au contraire : il ne cesse d’en explorer toutes les possibilités, jusqu’à la fin du film.

Les quelques scènes qui suivent son un peu poussives, mais permettent de découvrir les autres personnages : la fiancée de Frank, Alice (la craquante Anny Ondra, déjà filmée par Hitch dans The Manxman, absolument magnifique dans tous les registres ; même si elle est doublée par Joan Barry pour cause d’accent tchèque imbitable, sa prestation est inoubliable) ; et un obscur artiste qui tente de séduire Alice, cette dernière se montrant d’ailleurs peu farouche, au point de le suivre jusque chez lui.

Et là, le film redevient génial. Utilisant la musique, la profondeur de champs, le champs-contre champs, le hors cadre… avec une inspiration de chaque plan, Hitchcock ne laisse plus jamais retomber la pression avant la fin du film. Dans une longue séquence d’une grande beauté (Anny Ondra y est bouleversante), Alice finit par poignarder à mort celui qui se voyait comme son amant, dans un final dont on ne voit rien, mais qui évoque avant l’heure la mort du Crime était presque parfait.

Bien sûr, c’est Frank qui est chargé de l’affaire, et il suffit d’un soudain travelling sur le visage du mort pour que le flic comprenne que sa fiancée était là, et qu’elle a fait le coup. C’est simple, d’une richesse visuelle folle, et d’une efficacité absolue.

out ce qui suit est aussi réussi. On a beaucoup parlé, évidemment, de cette scène où Alice est à table avec ses parents, et où une mégère parle sans jamais s’arrêter du crime, flot de paroles dont on finit par ne plus rien saisir si ce n’est le mot « knife » (couteau) qui revient sans cesse et par lequel Alice, rongée par la culpabilité, est obnubilée. De la même manière, alors qu’elle déambule dans les rues du Londres nocturne, des signes, des gestes, des images, lui rappellent son crime à chaque pas… Un procédé que Hitchcock reprendra notamment dans La Maison du docteur Edwardes.

On retrouve même le thème du faux coupable, omniprésent dans le cinéma hitchcockien, mais traité ici avec un cynisme total : le faux coupable est un maître chanteur qui a la preuve qu’Alice est coupable, et qui tente d’en tirer parti, est puni à la place de la vraie meurtrière, qui ne sera punie elle que par sa propre culpabilité. Une culpabilité qui ne semble même pas effleurer son compagnon policier, visiblement tout à fait prêt à vivre avec ce poids, et totalement inflexible lorsque le maître chanteur supplie (dans une scène particulièrement dure) le policier de le laisser partir. Blackmail est tout, sauf un film moral…

Même l’apparition traditionnelle d’Hitchcock est réjouissante : tout jeunôt, il apparaît dans une courte scène de métro, dans le rôle d’un passager martyrisé par un enfant très turbulent.

Meurtre (Murder !) – de Alfred Hitchcock – 1930

Posté : 12 janvier, 2011 @ 2:26 dans * Polars européens, 1930-1939, HITCHCOCK Alfred | Pas de commentaires »

Meurtre

Hitchcock a-t-il toujours été un génie ? Oui, oui, oui. Et le tout début du parlant est la période idéale pour en juger : alors que l’immense majorité des films sortis à cette époque semblaient oublier consciencieusement les richesses du langage cinématographique muet, Hitchcock, lui, s’amuse déjà à inventer de nouvelles formes, jouant à la fois sur les images (magnifiques, parfois proches de l’expressionnisme allemand, dont il s’est abreuvé à ses débuts, fréquentant notamment les plateaux de Murnau à Berlin) et sur le son. Non seulement il signe le meilleur film anglais de cette année-là (ce qu’il n’est pas une référence ultime, quand on connaît le niveau de la production ciné britannique de l’époque), mais il contribue aussi sérieusement à refaire du cinéma un art.

Le sujet, pourtant, n’était guère engageant. Mais c’est souvent le cas chez Hitch : une fois de plus, il s’empare d’une petite pièce populaire à succès, que d’autres filmeraient platement, se contentant de raconter l’histoire à grand renforts de dialogues explicatifs. Lui se sert de ce cadre un peu étriqué pour se lancer des défis de mise en scène (ce qu’il fera toute sa vie). Et ici, après un Blackmail déjà franchement pas mal, il se montre très, très inspiré.

Cette inspiration se sent dès la séquence d’ouverture : grâce à un lent travelling, Hitch présente le cadre de son intrigue, et quelques-uns des protagonistes, les habitants d’une petite rue étroite, travaillant pour la plupart dans un cabaret voisin, et où un meurtre est commis. Cette séquence est époustouflante et d’une complexité étonnante, mais totalement maîtrisée, avec ce petit grain de folie qui fait la différence.

Hitchcock enchaîne sur un tout autre registre, et on se dit qu’on va assister à une sorte de Douze hommes en colère avant l’heure : après le procès de la femme accusée du meurtre, les jurés se retrouvent entre eux. Pressés d’en finir, la plupart la désignent comme coupable, excepté un homme, qu’on devine être le héros, et qui est en fait un grand comédien. Lui pense que la jeune femme est innocente. Et on se dit qu’il va batailler ferme, et finir par convaincre un à un les autres jurés, comme Henry Fonda dans le film de Lumet. Et puis non. Par faiblesse, par fainéantise, par lâcheté, le comédien abandonne la partie, et laisse l’accusée être condamnée à mort… Plutôt gonflé, d’autant plus qu’on n’a plus guère de doute sur l’innocence de la jeune femme.

Suit une séquence devenue mythique : alors qu’il se rase devant sa glace en écoutant de la musique, le comédien (joué par un authentique homme de théâtre, Herbert Marshall, assez exceptionnel) s’interroge en voix off sur l’innocence de la jeune femme. C’est une scène d’une grande simplicité, réalisée en direct sur le tournage (un orchestre était présent sur le plateau, et la voix off de Marshall, enregistrée au préalable, était diffusée alors que la caméra filmait les réactions de l’acteur), mais d’une richesse et d’une efficacité extrêmes.

Ce qui suit est à l’avenant, Hitchcock déclinant tout au long du film des parallèles et des interactions entre la comédie et la vie réelle. Ça pourrait être lourdingue et imbuvable, mais c’est d’une immense finesse et d’une intelligence rare. Et cela donne quelques scènes d’une force ahurissante, comme la représentation finale du véritable assassin. A couper le souffle.

Méconnue par rapport à ses grands classiques américains, mais aussi par rapport à ses plus grands succès britanniques (Les 39 marches ou Une femme disparaît), Murder ! est encore un film de jeunesse, mais c’est l’œuvre d’un génie en devenir, qui a déjà l’étoffe d’un immense cinéaste.

Straight Shooting / Le Ranch Diavolo (Straight Shooting) – de John Ford (Jack Ford) – 1917

Posté : 12 janvier, 2011 @ 1:56 dans 1895-1919, FILMS MUETS, FORD John, WESTERNS | Pas de commentaires »

Straight Shooting

Deuxième long métrage de Ford, Straight Shooting est aussi le tout premier de ses films à nous être parvenus, et l’un des rares rescapés de sa production des premières années. Ford n’a que 22 ans, mais ce qui fera la richesse de son œuvre est déjà là, en germes. C’est même fascinant de voir à quel point Ford est resté fidèle jusqu’au bout à des obsessions que l’on trouve déjà dans ses premiers films.

Des amitiés viriles et alcoolisées, des familles recomposées par les hasards de la vie, le goût des grands espaces… On retrouve même une scène (capitale) sur la tombe d’un être cher, thème redondant dans l’œuvre de Ford (Judge Priest, Vers sa destinée, La Poursuite infernale… les exemples sont innombrables) : c’est même là que le sort de Cheyenne Harry se scelle au début du film.

Le futur du héros se décide plus tard, lorsque le calme est revenu dans la ferme où il a été accueilli à bras ouvert, et où, dans l’embrasure d’une porte, il réalise que sa place n’est plus là… Un plan qui évoque furieusement l’un des plus célèbres de la filmographie de Ford : le dernier de La Prisonnière du Désert. Straight Shooting contient d’ailleurs plusieurs plans très beaux filmés de l’intérieur de maison, avec en fond des portes ouvertes par lesquelles on voit, de loin, arriver des personnages.

On est en 1917, et Ford joue brillamment avec les profondeurs de champs (dès le premier plan), sur le montage alterné, sur les gros plans. C’est déjà un vrai cinéaste, qui signe un film qui, à défaut d’être un chef d’œuvre, est une œuvre passionnante, avec quelques séquences impressionnantes, en particulier le duel autour de la prison, d’une simplicité et d’une efficacité totales.

C’est aussi, bien sûr, l’exemple le plus ancien que l’on puisse voir de la riche collaboration entre Ford et Harry Carey, l’interprète de la très longue série des « Cheyenne Harry », dont Ford venait de reprendre la direction : il avait déjà dirigé deux courts et un long de la série (The Secret Man, aujourd’hui perdu), et dirigera encore, jusqu’en 1921, pas moins de vingt-et-un longs métrages avec Harry Carey, dont quatorze « Cheyenne Harry ». De cette production foisonnante, seuls trois films ont survécu : Straight Shooting, Hell Bent, et Bucking Broadway, qui n’a été découvert qu’au début des années 2000. C’est dire l’ampleur de la perte…

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