Boudu sauvé des eaux – de Jean Renoir – 1932

Jean Renoir et la lutte des classes, épisode… Combien, déjà ? Le cinéaste est encore à ses débuts, pas tout à fait encore dans son âge d’or, même s’il a déjà tourné La Chienne avec Michel Simon, mais il a déjà des obsessions bien ancrées. En tête desquelles cette manie de faire se côtoyer des hommes et des femmes de milieux sociaux radicalement différents, et de voir ce qui se passe.
Au fond, c’est même le sujet principal, voire unique de ce Boudu sauvé des eaux, adaptation d’une pièce de Pierre Fauchois créée plus de dix ans plus tôt, mais très renoirienne sur le fond. Sur la forme, Renoir continue à prouver qu’il est à l’aise dans tous les registres. Ici, il n’est ni dans la fantaisie pure à la On purge bébé, ni dans la noirceur de La Chienne, mais dans une sorte d’entre-deux.
Le film a quelque chose de la satire, même si Renoir se montre bienveillant avec tous ses personnages, jusque dans leurs défauts, leurs mesquineries et leurs petites tromperies. Entre Boudu le clochard mal dégrossi, et Lestingois le libraire menant une vie de grand bourgeois (Charles Granval) qui le sauve de la noyade, Renoir ne choisit pas. L’un et l’autre sont attachants. L’un et l’autre sont aussi sont bourrés de défauts assez impardonnables : une brutalité pleine d’ironie pour le premier (sans parler de sa propension à tripoter les femmes qu’il croise), une hypocrisie dans la crise pour le second.
Comme dans La Chienne, Renoir brouille les limites trop bien définies de la morale. Le résultat est toutefois radicalement différent ici, plein de légèreté et nimbé d’un humour non dénué de cynisme. La légèreté plutôt que l’intensité… Le parti-pris est souvent gagnant : le film séduit par sa liberté de ton, qu’il doit pour beaucoup à l’interprétation (l’incarnation, plutôt) de Michel Simon, déjà au cœur des deux films déjà cités (On purge… et La Chienne). Acteur génial qui trouve en Boudu ce qui pourrait bien être le rôle le plus marquant de sa carrière.
Renoir réduit quelque peu les femmes au rôle d’objets de désirs, qui se contentent de subir et de s’éblouir. C’est un peu peu. Mais en creux, cette place annexe révèle les aspects les plus sombres des deux personnages principaux, les hommes. Est-ce volontaire ou non de la part de Renoir ? Ça, c’est une autre histoire…
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