Dune (id.) – de David Lynch – 1984
Si Dune n’avait pas été un tel fiasco à sa sortie, sans doute Lynch aurait-il réalisé la suite. Et peut-être n’aurait-il pas tourné Blue Velvet. Et sans Blue Velvet, y aurait-il eu Twin Peaks. Et sans Twin Peaks, y aurait-il eu Lost Highway ? Puis Mulholland Drive ? Rien que pour ça, il faut apprécier ce Dune tel qu’il est.
Et il se trouve qu’il est une excellente surprise, alors que je le découvre après la mort de Lynch, et après à peu près trente-cinq passés à l’éviter consciencieusement. Il faut dire qu’il a vraiment mauvaise réputation, ce Dune. Il faut aussi ajouter que l’heroic fantasy, ou ce type de SF, n’est pas un genre qui me transporte. Et que déjà à la fin des années 80, ce qu’on en voyait avait un aspect très vieillot.
C’est vrai que les effets spéciaux ont vieilli, et qu’il y a un petit côté kitsch dans certaines scènes du film. Mais Dune, sans doute produit pour surfer sur le succès récent de Star Wars (dont Lynch a refusé de tourner le troisième film), est aussi, au fond, un vrai film lynchien, au moins visuellement. Lynch, qui semble à ce stade de son parcours devoir passer d’un genre à l’autre sans fil conducteur (après Eraserhead et Elephant Man, difficile de faire plus différent), glisse en fait des motifs qui lui sont propres.
L’importance du rêve, la figure du monstre, la présence cosmique… Dune a dû pas mal déconcerter les producteurs, qui attendaient sans doute un ersatz de l’univers de George Lucas. Contraint par une durée limitée à un peu plus de deux heures (c’est peu pour adapter l’œuvre de Frank Herbert), Lynch coupe… dans les morceaux de bravoure, remplaçant la plupart des batailles par une simple phrase en voix off, osant des ellipses de dingue pour se concentrer sur les personnages. Ce qui en a déconcerté plus d’un.
L’histoire est franchement obscure, mais ça n’a pas grande importance. C’est le plaisir de chaque scène qui importe, les images parfois saisissantes, et la découverte d’un certain Kyle McLachlan (et de quelques autres futurs visages de Twin Peaks), belle incarnation d’un idéal masculin teintée d’une grande noirceur. Déjà l’alter ego idéal de Lynch.