Jour de fête – de Jacques Tati – 1949
Jacques Tati a de la constance. Jour de fête, son premier long métrage, il semble l’avoir préparé depuis plus de dix ans, depuis Soigne ta gauche, court métrage dans lequel apparaissait déjà le personnage du facteur (qu’il n’interprétait pas lui-même). Après la guerre, c’est avec L’Ecole des facteurs qu’il renoue avec le cinéma. Cet autre court étant une ébauche de Jour de fête, qu’il tourne l’année suivante.
On retrouve même des scènes entières de ce court métrage dans Jour de fête, plusieurs gags parfois littéralement copiés-collés, comme ce haillon arrière d’un camion transformé en bureau mobile pour un Tati facteur pressé.
Il a de la constance, donc, et un univers qui ne ressemble à aucun autre. Dépassant l’influence de Chaplin, qui marquait ses débuts, il s’impose dès ce premier long en observateur fin et précis, qui sait comme personne capter les petits travers de tout un chacun, en l’occurrence les habitants d’un petit village très rural du centre de la France.
Sainte-Sévère, village qui semble oublié par le temps, où Tati s’est réfugié pendant la guerre, et dont il transforme les habitants en acteurs de son film, renforçant ainsi le sentiment que l’on a d’être entraîné dans une vraie fête de village, avec toute sa vie, et toute sa simplicité.
François, le facteur joué par Tati, fait figure de fil rouge dans ce film sans enjeu dramatique sérieux, mais qui porte un regard tendre et parfois grinçant sur ses personnages, à l’image de cette vieille villageoise qui observe et commente tout ce qui se passe.
Pas d’enjeu dramatique, si ce n’est l’arrivée de la modernité dans ce village d’un autre temps. Ou plutôt, l’évocation de l’arrivée de la modernité, à travers la projection d’un film présentant les nouvelles méthodes des facteurs américains, qui poussent François à forcer l’allure pour être à la hauteur, avec un résultat spectaculaire… et discutable.
Irrésistible, en tout cas, Tati joue de son allure dégingandée, s’amuse avec le son (des dialogues parfois marmonnés, une rencontre soulignée par les voix sortant d’un western projeté…), filme les gags sur la longueur…
Même vu dans sa version en noir et blanc (Tati voulait le film en couleurs, mais le procédé utilisé s’est révélé inutilisable, en tout cas jusqu’en 1995), Jour de fête est une merveille, qui réussit l’exploit d’être d’une grande finesse, absurde, inventive. Un vrai classique.
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