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Archive pour le 10 décembre, 2024

La Maman et la Putain – de Jean Eustache – 1973

Posté : 10 décembre, 2024 @ 8:00 dans 1970-1979, EUSTACHE Jean | Pas de commentaires »

La Maman et la Putain

Faut avouer, l’idée de se lancer dans un film de 3h40 essentiellement basé sur des réflexions plus ou moins existentielles autour d’un triangle amoureux, en 16 mm et en noir et blanc… a priori, ça n’est pas ce qu’il y a de plus excitant pour se délasser après une longue journée de boulot. Mais bon, c’est Eustache, c’est son premier (très) long métrage de fiction, il y Jean-Pierre Léaud et Bernadette Lafont, et la réputation de dingue que traîne depuis des décennies ce film qui fut longtemps très difficile à trouver.

Ma découverte du cinéma d’Eustache étant chronologique, La Maman et la Putain était de toute façon la prochaine étape. Alors lançons-nous… Eh bien il faut à peu près 3 minutes 30 pour être emporté par les déambulations et les réflexions d’Alexandre, cet oisif revendiquant son refus de se plier aux codes sociaux, son dégoût du travail et des couples bien installés. Jean-Pierre Léaud, plus fascinant que jamais, plus juste et profond, aussi.

Son phrasé si particulier est pourtant poussé à l’extrême, déroutant même durant ces premières 3 minutes 30, comme si Eustache l’avait incité à surjouer cette manière languide et récitante de parler. Cette impression semble d’ailleurs confirmer par les seconds rôles, eux aussi extrêmes dans cette manière si Nouvelle Vague de dire son texte. Texte paraît-il très écrit par un Eustache, auteur total de son film.

C’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles La Maman et la Putain est un film si fascinant. Il donne le sentiment d’être un autoportrait de Jean Eustache lui-même, de ses anecdotes de vie et de ses réflexions sur le monde, les rapports humains, le mouvement de libération des femmes, la lumière dans les restaurants, la température idéale de la nourriture, le mariage et le cinéma… Comme si, dans ce film très bavard, très écrit et très maîtrisé, il avait voulu donner une forme aux pérégrinations de son esprit.

Le résultat est fascinant, bouillonnant, euphorisant ou agaçant, mais toujours passionnant. La durée du film faisait peur ? C’est cette durée même qui donne son poids à ce film qui à la temps de nous emporter loin, très loin dans la complexité de l’âme et des rapports humains, avec ces trois personnages si différents, et si étonnants, proposition cinématographique presque inédite par sa durée, sorte de fresque mentale intimiste d’une profondeur et d’une justesse absolues.

Léaud, qu’Eustache avait déjà dirigé dans son moyen métrage Le Père Noël a les yeux bleus, est exceptionnel dans le rôle d’Alexandre, tête à claque et beau parleur, dont la liberté revendiquée a un côté jusqu’au-boutiste presque désespéré. Le couple qu’il forme avec Bernadette Lafont, autre grande figure des débuts de la Nouvelle Vague, a une gueule folle. Dans le rôle de Marie, cette trentenaire dont l’apparence hyper sexuée cache une sensibilité à fleur de peau, elle est magnifique, troublante et touchante comme c’est pas possible.

Et il y a Veronika, la blonde faussement renfermée, dont la liberté de ton est comme une grenade dégoupillée : le rôle d’une vie pour Françoise Lebrun, à qui reviennent les dialogues les plus crus, et le monologue le plus mémorable, à la fin du film : long soliloque qui sonne comme un cri de désespoir, et dont la crudité même souligne avec cruauté le besoin de tendresse. Ce moment nous laisse, comme Alexandre et Marie, sidérés.

Le film est extrêmement dialogué. A propos de ce film, Jean Eustache disait qu’il préférait « filmer le récit de l’action que l’action elle-même ». Pourtant, La Maman et la Putain n’est pas que récit, n’est pas que dialogues. Il y a aussi beaucoup de regards, beaucoup de gros plans sur des visages. Et une importance paradoxale de la musique, dans un film dénué de tout accompagnement sonore autre que les sons produits devant la caméra.

Il faut dire que les personnages passent beaucoup de disques. De la musique populaires, toujours, de Mozart à Edith Piaf, que les trois héros écoutent assis sur un lit, le regard dans le vide, la musique habillant leur spleen dans de longs plans fixes, qui sont parmi les plus beaux du film. Des moments de pure grâce, que l’on doit à un cinéaste en état de grâce. On sent que j’ai aimé ?

 

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