L’Etrange histoire de Benjamin Button (The Curious Case of Benjamin Button) – de David Fincher – 2008
C’est l’histoire la plus folle qu’a filmée David Fincher, et c’est pourtant le film qui a entériné, avec Zodiac l’année précédente, son statut de grand cinéaste classique. Sans rejeter les fulgurances formelles qui ont marqué les premiers longs métrages de celui qui a fait ses armes en révolutionnant le clip musical, le style de Fincher se fait plus élégant, plus discret… avec une maîtrise sans doute plus affirmée.
Libre adaptation d’une nouvelle de Scott Fitzgerald, le film raconte l’histoire d’un homme né avec la morphologie d’un vieillard, et dont le corps ne cesse de rajeunir au fil de la vie. Une sorte de fable improbable dont Fincher relève tous les écueils potentiels. L’aspect fantastique du postulat n’étouffe jamais le récit, constamment humain et sensible : c’est l’histoire d’un homme forcé de vivre sa vie à rebours qui est racontée, un homme en marge de l’humanité, comme Fincher les aime depuis toujours.
Incarnant le rôle de l’enfance aux airs de vieillesse au grand âge juvénile, Brad Pitt (pour la troisième fois devant la caméra de Fincher, après Seven et Fight Club) trouve l’un de ses grands rôles, avec une intensité que ne gâchent pas des maquillages et effets spéciaux très convaincants. Une intensité toute en intériorité, sans grands effets lacrymaux, mais qui se révèle bouleversante quand il réalise le destin que sa biologie inversée lui réserve.
C’est le film le plus ample de Fincher, grande fresque qui commence en 1918 pour s’achever de nos jours. C’est aussi l’un de ses films les plus intimes, dont le cœur est cette histoire d’amour absolue qui unit Benjamin et Daisy (Cate Blanchett), amour contrarié qui ne peut s’exprimer qu’au carrefour où leurs deux vies inversées se croisent : à cet âge charnière entre jeunesse et vieillesse, où tous deux se retrouvent enfin.
A part dans sa filmographie, loin pour une fois des influences du cinéma de genre, Benjamin Button confirme le statut de cinéaste ambitieux et classique de David Fincher, l’un des réalisateurs les plus doués de sa génération, à la fois ancré dans son époque, et passeur d’un cinéma hollywoodien à l’ancienne, qui donne leurs lettres de noblesse à l’émotion et aux beaux sentiments.