Le Cercle des Poètes disparus (Dead Poets Society) – de Peter Weir – 1989
« Émouvant, drôle, triste… Un de mes cinq films préférés », écrivais-je à la sortie du film, alors que je tenais déjà un blog cinéma. Oui, début 1990, il y avait déjà des blogs, mais ils étaient en papier, on appelait ça des cahiers, et ça ne sortait pas de ma chambre de jeune ado de 13 ans. Je me souviens aussi que c’est dans un magnifique cinéma de province à l’ancienne que j’ai vu ce film, comme beaucoup d’autres à l’époque : une immense salle avec balcon et rideau, et un vaste hall plein de photos et affiches de cinéma…
Toute nostalgie mise à part, cette intro pour dire que la cinéphilie a énormément changé depuis la sortie triomphale du film de Peter Weir. Le Cercle des Poètes disparus marquerait-il autant la jeunesse s’il sortait aujourd’hui, à l’heure des multiplexes et du streaming ? Pas sûr. Et pourtant, le montrer à mes enfants ados est une expérience particulièrement réconfortante : parce qu’ils en sont tous les trois (12 à 19 ans) sortis, chacun à leur manière, marqués par la puissance émotionnelle du film.
Qui reste intacte, trente-cinq ans après, confirmant que Peter Weir est bien un cinéaste majeur de cette époque, dont le classicisme discret empêche souvent de prendre toute l’ampleur de son talent : une mise en scène élégante et sans la moindre esbroufe, totalement au service de l’histoire, du rythme et de l’émotion. Ici, la réussite du film repose sur un parti pris fort : montrer l’âpreté d’une société rigide et liberticide par le seul regard des élèves d’une « prépa » d’élite.
Du Cercle des Poètes disparus, on retient surtout la belle prestation toute en retenue de Robin Williams, dans l’un de ses plus beaux rôles : celui d’un enseignant qui apprend à ses élèves à penser par eux-mêmes, dans un collège dont les vertus principales reposent sur la discipline et l’obéissance. Il est certes formidable, mais reste constamment ou presque dans une position d’observateur. Les personnages principaux, ce sont les élèves, groupe hétérogène de personnalités bien marquées.
L’intello, le timide, le rebelle, le flamboyant… On serait presque dans une étude de cas, qui résumerait en un petit microcosme la richesse de l’humanité et la singularité de l’être humain, et particulièrement des jeunes dans une société patriarcale où le libre arbitre n’existe pas. Le sujet du film reste d’ailleurs totalement d’actualité. Son message aussi. Et bien plus que le « Carpe diem » qu’on retient souvent, il est question de libre-arbitre, comme le résume le prof Keating/Williams dans une scène simple et belle, lorsqu’il invite ses élèves à marcher dans la cour.
Le film a aussi révélé quelques jeunes talents très prometteurs, dont Ethan Hawke, dont la timidité et la flamme étouffée m’avaient alors fait l’effet d’un révélateur. Comme John Keating reste le professeur qui m’a le plus marqué… Bref, peut-être Le Cercle des Poètes disparus est-il plein de défauts, mais il y a des films qu’on est simplement incapable de regarder avec un regard neuf, quel que soit le moment où on le revoit.