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Les Sentiers de la perdition (Road to Perdition) – de Sam Mendes – 2002

Classé dans : * Films de gangsters,2000-2009,MENDES Sam,NEWMAN Paul — 2 novembre, 2024 @ 8:00

Les Sentiers de la perdition

Trois ans après American Beauty, Sam Mendes change de registre et confirme son talent, en même temps que son goût pour les personnages troubles. Il nous plonge dans l’Amérique de la Prohibition, celle des gangsters de l’Illinois, avec l’ombre d’Al Capone qui règne, même si jamais il n’apparaît.

La période est particulièrement cinégénique, ce n’est pas nouveau, et a été au cœur de nombreux films, de Scarface à Il était une fois en Amérique. Mais le regard que porte Mendes réussit déjà ce petit miracle d’être neuf, avec une vision à la fois très réaliste et toute en épure, presque symbolique, de ce milieu des gangsters irlandais dont il est question.

Comme il le fera dix ans plus tard en réalisant son premier James Bond (Skyfall), la tragédie que met en scène Mendes ne peut qu’être shakespearienne, et familiale. Son film est intense, impressionnant même. Mais il est aussi et avant tout intime : l’histoire de liens pères-fils qui se croisent et se contrarient, jusqu’au point de non retour.

Tom Hanks est un mari et un père sans histoire. Un peu triste, et franchement austère, mais aimant et doux. Ce que son fils aîné ignore, et qu’il apprend en se glissant un soir dans le coffre de sa voiture, c’est que son père est un homme de main dévoué au service de la pègre, autrement dit un homme qui tue de sang froid et sans ciller. Ce qu’il voit de ses propres yeux, vous imaginez le choc…

Ce qu’il ignore aussi, c’est que le brave « old man » avec qui il aime tant passer du temps à jouer, et qui considère son père comme son propre fils, est le puissant patron de la pègre irlandaise. C’est Paul Newman, dont le charisme incroyable n’a en rien perdu de sa force, à l’approche du grand âge. Dans son dernier grand rôle, il est magnifique en père de cœur soumis au pire des choix.

Parce que le vieux Newman a un vrai fils de sang, héritier naturel mais indigne, joué par un Daniel Craig dans sa période pré-007, mais qui s’octroyait déjà le permis de tuer. En l’occurrence le fils gênant de Tom Hanks, témoin d’un meurtre qu’il n’aurait pas dû voir. Sauf que le rejeton indigne tue le mauvais gamin, et la mère avec.

Et voilà Tom Hanks forcé de prendre la fuite pour mettre son fils en sécurité, tout en cherchant à se venger de la famille de son mentor. Et voilà Paul Newman forcé de tourner le dos à celui qu’il aime comme un fils, pour ne pas abandonner ce vrai fils si indigne, conscient que la tragédie est en marche, et que rien désormais ne pourra l’arrêter.

Ajoutez à ça un tueur étrange, photographe fasciné par l’image de la mort (Jude Law), et quelques (rares) seconds rôles qui sont comme des stéréotypes résumant à eux seuls toutes les facettes d’une Amérique qui se débrouille comme elle peut de la Dépression… Les Sentiers de la perdition est un film fascinant, sur lequel plane constamment la mort et les regrets.

Visuellement, la reconstitution est très appliquée. Elle le serait même un peu trop s’il n’y avait cette pluie qui vient troubler le réalisme des situations, frôlant par moments l’abstraction comme dans le sommet esthétique du film : la grande séquence du règlement de comptes d’une beauté tragique assez hallucinante, face à face magnifique entre deux acteurs immenses, dont les regards hantent longtemps le spectateur.

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