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Merci pour le chocolat – de Claude Chabrol – 2000

Classé dans : * Polars/noirs France,2000-2009,CHABROL Claude — 25 octobre, 2024 @ 8:00

Merci pour le chocolat

Titre ironique, pour un Chabrol très grand cru. Dans pure veine hitchcockienne, le cinéaste-cinéphile cite tout à la fois Soupçons et Le Secret derrière la porte (un Lang lui-même très hitchcockien), ne filmant rien d’autre que ça : le soupçon et le secret, dans les alcôves d’une grande maison bourgeoise en apparence si parfaite.

Il faut dire qu’on est en Suisse, ce qui n’est pas si anodin : « Qui veux-tu qu’il te vole en Suisse ? », interroge l’un des personnages dans les premières minutes du film. Ben oui : dans ce décor-là, où tout a l’air si beau et si vrai, tout ne peut qu’être beau et vrai. Comme le mariage qui unit l’héritière d’une entreprise de chocolat et un grand pianiste.

La première faille apparaît très tôt, lorsqu’on apprend que ces deux mariés, Isabelle Huppert et Jacques Dutronc, s’étaient déjà mariés bien des années plus tôt, avant que le pianiste ne refasse sa vie avec la meilleure amie de la première, avec qui il a un enfant. Seconde épouse qui est morte prématurément, et mystérieusement.

Si on ajoute à cette découverte le lait que monte chaque soir la première (et troisième) épouse dans la chambre de son beau-fils, et si on a déjà vu Soupçons, on ne peut pas ne pas imaginer des choses…

L’intrigue se complique encore avec une jeune femme née le même jour que le fils du pianiste, avec qui elle aurait pu être échangée à la naissance… et qui s’avère être elle-même une jeune pianiste du talent. De quoi renforcer le malaise, recentrer l’intérêt, et pimenter les rapports familiaux.

Pas un cri, pas un mot qui dépasse. Une gentillesse et une bienveillance affichée à chaque moment. Mais de subtils mouvements de caméra qui viennent troubler l’élégance classique de la mise en scène : un plan légèrement désaxé, presque imperceptible, et c’est un sentiment de trouble et d’angoisse qui perce.

Merci pour le chocolat est un grand Chabrol, l’œuvre d’un cinéaste cette fois très inspiré et très attentif aux détails. Parce que c’est là, dans les détails, que naît l’intranquillité du film, son atmosphère si pesante qui tranche avec la quiétude des images.

Isabelle Huppert, décidément immense, y livre l’une de ses interprétations les plus dérangeantes, troublante et touchante jusqu’à l’abject. L’ultime plan sur elle est d’une richesse, d’une complexité et d’une puissance extraordinaires. Oui, décidément, grand Chabrol.

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