La Nuit américaine – de François Truffaut – 1973
C’est assez fascinant de voir d’où vient ce film : d’une discussion de Truffaut avec Alfred Hitchcock, dans le cadre de leurs fameux entretiens. Cet échange précis ne figure pas dans le livre, mais on peut l’entendre dans les enregistrements qui ont été conservés (et qu’on peut entendre grâce aux podcasts de France Culture). Hitchcock imaginait une histoire qui se déroulerait dans les coulisses d’un tournage de film, avançant que Truffaut pourrait mener à bien un tel projet.
Bien sûr, Hitchcock avait sans doute en tête un film bien différent de La Nuit américaine : une histoire criminelle qui aurait pour protagonistes les hommes de l’ombre du cinéma. Mais l’idée a fait son chemin, et Truffaut en a fait l’un de ses plus grands films, l’un de ses plus personnels, et en tout cas l’un de ses plus emblématiques.
Il y a dans ce film une approche que Hitchcock aurait sans doute refusée : une absence d’intrigue forte, une vision collégiale de ce microcosme, dont Truffaut cherche avant tout à capter le mouvement, et la vie qui s’y crée. Les personnages le disent avec une lucidité non dénuée d’amertume : les liens si forts qui se créent sur le tournage d’un film n’existent que le temps de ce tournage.
C’est donc une sorte de vie condensée en quelques semaines que filme Truffaut, avec ses minuscules et ses grands drames, ses incidents et ses rencontres, et tous ces petits riens d’où émerge la vie, et les sentiments. Truffaut, qui se met lui-même en scène dans le rôle du réalisateur de ce film en train de se faire dans les mythiques studios de la Victorine.
Si le film est si beau, et si passionnant, c’est surtout pour l’amour qu’y met Truffaut pour le cinéma et pour les gens qui le font. Des films sur les coulisses du cinéma, il y en a eu des tonnes, et parfois même très réussis. Mais La Nuit américaine a quelque chose d’unique, peut-être parce qu’il n’est au fond rien d’autre qu’une déclaration d’amour au cinéma. Une déclaration magnifique, faite par un cinéaste en état de grâce.