Rêves de femmes (Kvinnodröm) – d’Ingmar Bergman – 1955
Tourné entre La Nuit des forains et Le Septième Sceau, Rêves de femmes peut sembler bien mineur dans la filmographie de Bergman. Et il l’est, en quelque sorte : une sorte de bluette sans grande conséquence, qui ne raconte rien d’autre, au fond, que des rêves étouffés dans l’œuf…
Au cœur du film : deux femmes du monde de la mode, une jeune mannequin (Harriet Andersson) et sa patronne plus âgée (Eva Dehlbeck). La première vit une romance tumultueuse avec un jeune homme aussi immature qu’elle. La seconde se languit de l’amant avec qui elle a vécu une aventure passionnée quelques mois plus tôt.
Un court voyage à Göteborg va les confronter toutes les deux à leurs rêves d’une vie plus excitante, avant un retour aux réalités qui sera vécu bien différemment par la toute jeune femme et par son aînée, dont le regard résigné résume à lui seul l’esprit du film.
Derrière ces aspects très légers, proches de la comédie, Bergman offre en fait une vision qui ressemble fort à du cynisme. Ses deux héroïnes sont belles, fortes à leurs manières, et pleines de vie. Elles se montrent aussi étonnamment dépendantes, faisant reposer sur les hommes leurs rêves d’un avenir meilleur.
Cette vision d’un féminisme étouffé dit beaucoup d’une société encore très patriarcale, symbolisée par l’énorme et libidineux commanditaire des collections de mode, dont la seule présence dans la scène inaugurale fait ressentir le sentiment d’étouffement des personnages féminins.
Et cela prend la forme, pour la jeune Harriet Andersson d’un vieil homme fortuné joué par l’incontournable Gunnar Björnstrand, et pour la belle et mure Eva Dahlbeck d’un homme entre deux âges sans charme et sans caractère.
Les hommes n’ont clairement pas le beau rôle devant la caméra de Bergman, plus que jamais cinéaste féministe, captant par de gros plans magnifiques et des scènes d’une grande tension (la scène du train, qui donne la sensation d’une cocotte sur le point d’exploser), qui parsèment cette fausse comédie, finalement pas si mineure dans l’œuvre du cinéaste.