Madame Bovary – de Claude Chabrol – 1991
Relu avec enthousiasme cet été, sur les routes des Pyrénées, le chef d’œuvre de Flaubert m’a donné envie de prolonger le plaisir avec l’une de ses adaptations. Celle de Renoir étant très décevante, le moment était parfait pour découvrir celle de Chabrol, sortie à une époque où l’idée de voir l’adaptation d’un classique aussi daté me paraissait bien peu attirante.
Chabrol a-t-il su porter à l’écran cet univers si éloigné du sien ? Réponse en deux temps. D’abord, cet univers n’est pas si éloigné du sien. Le roman de Flaubert est même souvent très proche des obsessions du cinéaste : on y trouve une vision acerbe de la bourgeoisie de province, et des femmes étouffées par leurs maris et par les conventions de leur condition. Bref, Madame Bovary est un film très chabrolien.
C’est aussi un film très fidèle, parfois à la lettre, de l’œuvre de Flaubert, dont la voix off très présente (celle, toute en suavité, de François Périer) reprend des extraits entiers. Et Isabelle Huppert livre une grande incarnation d’Emma, soulignant à la fois sa fragilité, sa détermination et sa douleur. Face à elle, Jean Yann est savoureux en pharmacien fat, mais Jean-François Balmer plombe son interprétation du mari médiocre par sa propension à en faire beaucoup, et à le faire d’une manière très maladroite.
Surtout, voir le film aussitôt après avoir vu le roman n’est pas une bonne idée, parce qu’il condamne l’adaptation à une comparaison inévitable. Et cruelle. Aussi fidèle et aussi sincère le film soit-il, il échoue à nous plonger dans les tourments d’Emma, et donne le sentiment d’assister à une illustration du roman, belle et honnête, mais sans le verbe de Flaubert.
Et sans la fièvre et le trouble d’Emma, cette voix intérieure ardente et constamment changeante, qui fait la beauté du roman.