Non ma fille, tu n’iras pas danser – de Christophe Honoré – 2009
Ah ! La famille ! Celle que filme Christophe Honoré dans Non ma fille, tu n’iras pas danser a de la gueule : une vraie ouverture d’esprit, une grande culture (de gauche), une grande maison à la campagne, des rites bien ancrés, une facilité de communiquer… Bref, la famille idéale : les parents septuagénaires sont même restés actifs sexuellement, alors…
Pourtant, derrière ce bel équilibre apparent, il ne faut pas longtemps pour ressentir le malaise. Pire, même : le sentiment d’étouffement que ressent l’aînée, Léna. La jeune femme avait tout pour être épanouie, elle aussi : un mari, deux enfants, un chouette métier. Mais elle a quitté le premier, qui la trompait, et abandonné le dernier. Quant à son rôle de mère, elle s’y accroche avec le désespoir de celle qui perd pied.
Elle, c’est Chiara Mastroianni. Évidemment, aurait-on envie d’ajouter, tant l’actrice est devenue l’incarnation idéale du cinéma d’Honoré. Celui-ci est son premier premier rôle devant la caméra du cinéaste. Et l’un de ses plus beaux rôles, celui d’une femme qui perd pied et que les bonnes volontés qui l’entourent enfoncent plus qu’elles ne l’aident.
Il y a pourtant de l’amour, autour d’elle. Mais il y a aussi cette place que l’on réserve aux femmes, et aux filles, cette violence plus ou moins ordinaire dont elle cherche simplement à se détacher, quitte à rater, ou à abandonner, tout ce qu’on attend naturellement d’elle : soit belle, soit souriante, soit aimable, aimante, dévouée…
Le film est à la fois chaleureux et extrêmement cruel, et d’une justesse totale. Grand directeur d’acteur, Christophe Honoré est aussi est un cinéaste d’une immense sensibilité. Et audacieux, sur tous les plans. Sur le fond d’abord, il s’attaque à un sujet fort et pas si rare (les violences sexistes ordinaires, donc), mais dans un milieu intellectuel de gauche qui a toujours été le sien, tournant même pour une fois dans sa Bretagne d’origine.
Et sur la forme aussi, Honoré est un cinéaste audacieux, d’une grande maîtrise et d’une grande liberté en même temps, s’autorisant des pas de côtés étonnants : un monologue face caméra qui marque une pause inattendue ou, plus surprenant encore, une histoire racontée par un enfant qui prend forme à l’écran durant de longues minutes…
Ce pourrait être totalement accessoire, mais cette liberté contribue à construire cette atmosphère immersive du film, qui va bien au-delà du seul personnage de Chiara Mastroinanni. Car en creux, c’est le portrait de toute une famille que dresse Honoré, sans jamais abdiquer sur la complexité des êtres, mais avec une vérité absolue, où les sentiments les plus contradictoires cohabitent constamment.
C’est beau, c’est rude, c’est bouleversant, et ça donne une envie folle de se replonger dans le cinéma d’Honoré, que j’avais tant aimé à ses débuts, et que j’avais abandonné depuis des années. La preuve : c’est avec ce film qu’il fait, très tardivement, son entrée sur ce blog. Il était temps…
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