The Bikeriders (id.) – de Jeff Nichols – 2024
Je ne suis pas un grand connaisseur du cinéma de Jeff Nichols. Mais douze ans après Mud, la petite musique qui se dégage de ce Bikeriders me semble déjà bien familière. Il y a dans son cinéma une nostalgie pas naïve, une vision d’une certaine Amérique qui touche au mythe, et une manière d’évoquer la perte d’une innocence toute relative.
The Bikeriders, chronique douce-amère du quotidien d’un club de motards, invoque l’image la plus mythique du sujet : le Marlon Brando de L’Equipée sauvage, référence revendiquée du fondateur de ce club, joué par un Tom Hardy étonnant. Très impliqué, comme toujours, il en fait beaucoup. Mais comme souvent aussi, il glisse derrière la rudesse de son personnage une sorte de fragilité presque enfantine, qui s’avère déchirante dans une scène clé et toute en sobriété, sur les marches d’un perron de maison.
Mais le « héros » autour duquel tourne cette chronique, c’est Austin Butler, visage angélique, incarnation très westernienne d’une certaine Amérique : celle de la liberté. Celle du Kirk Douglas de L’Homme qui n’a pas d’étoile ou Seuls sont les indomptés, confronté à la fin de son époque. C’est clairement le cas dans The Bikeriders, où les membres historiques du club de motards, sont confrontés à une sorte de « grand remplacement » : celle des buveurs de bière par les fumeurs de joints.
Il y a de la violence dans cet univers. Et le très beau personnage joué par Jodie Comer en petite amie confrontée aux liens très intimes des motards (un face-à-face entre Hardy et Butler filmé comme un coup de foudre amoureux) et à la soif absolu et jusqu’au boutiste de liberté de celui qu’elle aime, dont la vie prend une tournure inattendue dans ce bar où elle arrive par hasard. « J’ai été respectable », rappelle-t-elle sans grand regret à celui qui l’interviewe.
Car le film, adapté du roman écrit par un étudiant qui a suivi le club de motards pendant plusieurs années, est construit comme une enquête au fil du temps, avec flash-backs et reconstitution live des photos prises par ledit étudiant. Si le procédé n’est pas nouveau, la manière dont l’utilise Nichols est belle, et donne à ce récit où le spectaculaire n’arrive que par bribes, un ton, une atmosphère, particulièrement touchants.