Play it again, Sam

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Archive pour juin, 2024

Monika / Un été avec Monika (Sommaren med Monika) – d’Ingmar Bergman – 1953

Posté : 20 juin, 2024 @ 8:00 dans 1950-1959, BERGMAN Ingmar | Pas de commentaires »

Monika

Monika (Harriet Andersson) est dans un club avec ancien amant. Le fond s’estompe et vire au noir. Elle tourne son visage vers la caméra, l’air détachée, comme écœurée d’elle-même… Ce plan est le plus triste de l’histoire du cinéma, disait Jean-Luc Godard, qui vénérait Bergman, ce qui faisait de lui un homme de goût.

C’est vrai qu’il est déchirant, ce plan, écho cruel à un autre plan similaire, plus tôt dans le film. Il apparaît comme une rupture, comme l’aveu d’impuissance d’une très jeune femme qui renonce à suivre le chemin de l’âge adulte, abdiquant, tournant le dos à ses rêves de vie bourgeoise, et en même temps à l’innocence à laquelle elle s’est désespérément raccrochée tout un été…

C’est drôle : j’avais gardé de Monika le souvenir d’un film solaire et lumineux. A le revoir, c’est l’amertume qui domine. Et ces moments de liberté d’un été qu’un jeune couple passe au cœur de la nature suédoise est moins une transition qu’une manière de garder à distance un avenir inéluctable incertain et effrayant.

Avec ce film, magnifique et poignant, Bergman fait le choix de la simplicité et dépouillement. Un jeune homme un peu effacé rencontre une jeune femme pleine de vie. Ils s’aiment, quittent tout pour partir ensemble, passant un été d’insouciance… ou presque, avant un retour à la réalité qui, forcément, bouscule tout.

La sensualité d’Harriet Andersson, son regard d’enfant perdu, la beauté des paysages, la brutalité du monde du travail (donc des adultes)… Monika est l’un des plus beaux films de la première partie de carrière de Bergman.

L’Attente des femmes (Kvinnors väntan) – d’Ingmar Bergman – 1952

Posté : 19 juin, 2024 @ 8:00 dans 1950-1959, BERGMAN Ingmar | Pas de commentaires »

L'Attente des femmes

Bergman peut être léger. La preuve avec ce film, le premier dont on puisse dire qu’il se rapproche de la comédie, même s’il y a un fond assez cruel, finalement, derrière le récit que font trois épouses alors qu’elles attendent le retour de leurs maris.

La toute première scène donne le ton. Dans une grande propriété en bordure de fjord, au cœur d’une nature grandiose et désertique, ces femmes s’inquiètent de l’absence de leurs enfants, et évoquent leurs retrouvailles prochaines avec leurs maris, avec une sorte d’ironie désabusée.

Derrière la comédie, derrière la narration pleine de vie, Bergman nous confronte à la réalité de ces femmes, dont la société a fait des faire-valoir de leurs hommes, les condamnant à vivre intensément à leurs côtés (pour les plus veinardes)… et à attendre en leur absence.

Dans ces visages que Bergman filme au plus près se lisent tous les rêves envolés, l’amertume, la solitude… Cette solitude que ces quelques femmes ont rompue tardivement en se racontant les plus intimes de leurs souvenirs.

Trois récits se succèdent ainsi, aux rythmes et aux styles visuels très différents, épousant les points de vue des trois femmes. D’abord Rakel (Anita Björk), qui raconte son infidélité passagère avec son amour de jeunesse, et la peur panique de son ami quand il découvre la vérité, drame tragi-comique à l’ironie mordante.

Puis Marta (Maj-Britt Nilsson), qui se souvient de son histoire d’amour avec le jeune Martin à Paris, et de son départ alors qu’elle venait de découvrir qu’elle était enceinte… Superbe segment fait d’allers-retours temporels et tout en jeux de lumière : cette main qui sort de la nuit, ces ombres chinoises qui nous entraînent au cœur d’un cabaret un brin vulgaire…

Enfin, Karin (Eva Dahlbeck), lumineuse et insolente, qui profite d’une panne d’ascenseur pour raviver la flamme avec son austère mari (Gunnar Björnstrand), dans la partie la plus légère et la plus drôle du film.

Féministe et délicat, Bergman filme du point de vue de ces femmes amoureuses, mais sacrifiées, et conclut son film par un bel appel à l’émancipation. Sans toutefois se faire trop d’illusions : ces jeunes avides de s’échapper des conventions… ils finiront bien par revenir.

LIVRE : Mémoires / Mes 400 coups (My wicked, wicked ways) – d’Errol Flynn – 1959

Posté : 18 juin, 2024 @ 8:00 dans LIVRES | Pas de commentaires »

LIVRE Mémoires d'Errol Flynn

Beaucoup d’acteurs se sont évertués à s’inventer une mythologie. Ce n’est visiblement pas le cas d’Errol Flynn, dont la vie a réellement été une suite d’aventures, parfois incroyables. Petit délinquant, planteur, trafiquantFlynn n’a cessé de courir le monde, éternellement en quête de liberté, si ce n’est de frisson. Y compris après être devenu une star, alors qu’il se précipite au cœur de la guerre d’Espagne.

Est-ce le goût de l’aventure, est-ce le dégoût d’Hollywood, cette Babylone trop policée pour un homme plus attiré par la vérité des bas-fonds que par les strass de la vie de star ? Les deux, sans doute. Une chose est sûre : Flynn ne fait rien pour se rendre sympathique dans cette autobiographie écrite dans ce qu’il ne savait pas être les derniers mois de sa vie.

Flynn y fait montre d’au moins deux qualités. D’abord, un vrai talent d’écrivain, qui fait de cette lecture un plaisir (souvent dérangeant, j’y reviens) de chaque instant. Et puis et surtout, une honnêteté assez incroyable : Flynn ne se donne pas le beau rôle, assume ses échecs et ses erreurs, ne gomme pas les aspects les plus sombres de sa personnalité.

C’est là aussi que la lecture dérange à de multiples reprises : dans le rapport pour le moins problématique de Flynn avec les femmes. Sans doute ces rapports sont effectivement complexes. Et à le lire, il semble effectivement qu’il en ait fait les frais plus d’une fois. Mais que penser quand même d’un homme qui attire dans son lit une jeune autochtone à peine pubère, en bon colonialiste qu’il était. Ou du même pour qui un viol n’existe que si l’homme a fracassé la femme avec une chaise avant d’en faire ce qu’il voulait

Il semble que la réponse ait été moins claire en 1959 qu’elle ne l’est aujourd’hui, bien sûr. En creux, ce récit passionnant dit aussi beaucoup de l’évolution de la société, et de la condition des femmes, ces dernières décennies.

Difficile donc de dire que le portrait que dresse Flynn de lui-même est attachant. Mais les innombrables rebondissements de sa vie en font une lecture passionnante, jusque dans sa manière de raconter ses années de disgrâce et son vieillissement prématuré, et les secrets qu’il révèle de sa vie à Hollywood, souvent édifiante.

Un exemple : après la mort de John Barrymore, avec qui Flynn entretenait une amitié de longue date, leurs amis communs (dont Raoul Walsh) ont eu l’idée d’une blague de fort bon goût. « Empruntant » le corps de Barrymore, ces derniers l’ont amené discrètement dans la villa de Flynn où tant de fêtes ont eu lieu, et l’ont disposé sur un fauteuil face à la porte, jusqu’à ce que l’acteur entre chez lui. Il paraît que sa réaction a été extrême…

Saints & Sinners (In the land of Saints and Sinners) – de Robert Lorenz – 2023

Posté : 17 juin, 2024 @ 8:00 dans * Polars européens, 2020-2029, LORENZ Robert | Pas de commentaires »

Saints & Sinners

Liam Neeson est un excellent acteur. Il y a quelques années, ce constat allait de soi. Mais après quinze ans de coups de tatanes vengeresses, cela fait du bien de se le remettre en tête. Non pas que Saints & Sinners soit un chef d’œuvre impérissable qui révolutionnerait quoi que ce soit. Mais le film de Robert Lorenz, ancien compagnon fidèle de Clint Eastwood, qu’il a dirigé dans son premier film (Trouble with the Curve), a pour le moins le mérite de lui donner un vrai rôle.

Celui d’un tueur de l’IRA, dans l’Irlande du Nord tourmentée de 1974. Côté géopolitique, on gardera quelques réserves. Côte folklore nord-irlandais, on se régale… Grandes étendues à la beauté austère, pubs plein de vie, personnages truculents… Lorenz ne fait pas dans l’originalité, mais il crée une atmosphère que le passionné de pubs et de grands espaces tourbeux que je suis ne peux qu’aimer.

Et puis ces paysages si fascinants et si hostiles à la fois correspondent bien au personnage de Neeson, à ses fantômes et à la quête d’une nouvelle chance, d’un nouveau départ.

Et, donc, le septuagénaire qu’il est ne triche pas avec son âge, en rigolant même avec son pote Ciaran Hinds, très beau second rôle. Il triche d’autant moins que l’incontournable love-interest est une sexagénaire qui porte elle aussi son âge, ce qui fait un bien fou dans le jeunisme inévitable imposé (notamment) par Hollywood.

Les quelques facilités et incohérences du scénario n’ont pas une grande importance. Le film séduit par son classicisme, son humanité, et sa sincérité.

Milliardaire pour un jour (Pocketful of Miracles) – de Frank Capra – 1961

Posté : 16 juin, 2024 @ 8:00 dans 1960-1969, CAPRA Frank | Pas de commentaires »

Milliardaire pour un jour

Comme Fritz Lang l’année précédente, Frank Capra referme sa très riche filmographie en renouant avec un univers qui lui avait bien réussi en 1933 : le Docteur Mabuse pour Lang, Grande Dame d’un jour pour Capra, qui en signe un remake haut en couleurs, dans tous les sens du terme.

D’abord parce ce que les couleurs sont chaudes et éclatantes. Ensuite parce que les rebondissements et le rythme général sont d’une générosité assez folle, qui flirte avec l’univers d’un Lubitsch. Lubitsch et Lang : des références loin d’être évidentes quand on évoque Capra.

Bon : le point commun avec Lang repose à peu près exclusivement sur le hasard du remake ou de la suite tardif(ve). Mais l’ombre de Lubitsch semble bel et bien planer sur cette comédie de la haute société, dont l’effervescence et la rapidité ne ressemblent pas totalement à du Capra classique.

Ce petit décalage tient à un choix narratif, qui est aussi la plus grande limite du film : Capra opte pour le point de vue du personnage de Glenn Ford, sympathique bootleger à la croisée des chemins après la fin de la Prohibition, alors que celui qui importe vraiment est celui de Bette Davis, clodo qui se fait passer pour une dame de la haute société pour sa fille, qu’elle n’a pas vue depuis des années.

Le problème de Milliardaire d’un jour aurait été celui de Certains l’aiment chaud, si Wilder avait fait de George Raft un personnage central en reléguant Marylin à l’arrière plan. Bref, Capra donne souvent le sentiment de se tromper de film en passant à côté de l’essentiel, et c’est fort dommage.

Parce que les scènes avec Bette Davis sont magiques, dignes de ce que Capra a fait de mieux dans sa carrière. Un exemple : une scène, celle où Apple Annie (le personnage de clocharde joué par Davis) désespère de récupérer la lettre de sa fille, et dont la lecture lui procurera un choc immense… Cette scène, faussement légère, est d’une beauté saisissante, et remarquablement filmée par un cinéaste dont l’inspiration semble alors au sommet.

Il y a comme ça une demi-douzaine de très beaux moments dans Milliardaire pour un jour, tous tournant autour d’une Bette Davis habitée, et sobre. En retrait, même, presque reléguée à un rôle de faire valoir pour un Glenn Ford très impliqué, et très bien. Irréprochable, donc. D’ailleurs, j’aime bien Glenn Ford, capable de tout jouer, dans tous les genres et dans tous les registres, avec la même vérité.

Mais il a beau être très bien, son personnage et les enjeux dramatiques qu’il trimballe sont loin d’être aussi passionnants et profonds que ceux de Bette Davis. Et puis Capra échoue à donner une cohérence, un rythme commun, aux drames qui s’entremêlent. Son film, dont chaque scène est superbement mise en scène (dès l’ouverture, brillante), n’a pas l’unité et la fluidité de ses chefs d’œuvre. Le plaisir qu’on y prend est réel, et grand. Mais il est épisodique.

La Lumière verte (Green Light) – de Frank Borzage – 1937

Posté : 15 juin, 2024 @ 8:00 dans 1930-1939, BORZAGE Frank | Pas de commentaires »

La Lumière Verte

Après la mort d’une patiente, un chirurgien décide de garder pour lui l’erreur fatale commise par son confrère, et endosse la responsabilité. Mais quand il rencontre la fille de la défunte, c’est le coup de foudre… jusqu’à ce qu’elle découvre qui il est.

Le drame médical n’est pas un genre qui m’enthousiasme particulièrement habituellement, ni dans la littérature, ni au cinéma. Mais celui-ci étant signé Borzage, difficile de passer à côté. Et ç’eut été dommage : Green Light est un bien joli film, dans lequel on retrouve cette petite musique si familière et si envoûtante, propre à tous les bons Borzage.

Le scénario, pourtant, est lourdement pesant. Il y a ce beau sacrifice d’abord, puis l’histoire d’amour impossible, et encore l’exil, vers une région touchée depuis des décennies par une épidémie de fièvre mortelle véhiculée par des tiques, qui a coûté la vie à des tas de scientifiqueset que notre bon docteur va tout faire pour éradiquer, quitte à tester ses trouvailles sur son propre corps.

L’histoire ne nous épargne rien des rebondissements dramatiques inhérents à ce genre. Mais il y a le regard si délicat de Borzage, et l’interprétation assez fine d’Errol Flynn, remarquable dans ce rôle très éloigné de ses habituels exploits d’escrimeur… encore que son personnage a clairement un côté très chevaleresque. Son unique collaboration avec Borzage est une belle expérience.

A l’assaut du Fort Clark (War Arrow) – de George Sherman – 1954

Posté : 14 juin, 2024 @ 8:00 dans 1950-1959, O'HARA Maureen, SHERMAN George, WESTERNS | Pas de commentaires »

A l'assaut du Fort Clark

J’aime bien George Sherman, sa manière gourmande d’appréhender la série B et, souvent, d’invoquer la grande histoire pour ses (innombrables) westerns. Avec un bémol, outre le constat évident qu’il n’est pas, loin s’en faut, de la trempe d’un Ford, d’un Hawks, ni même d’un Dwan ou d’un Boetticher : Sherman est généralement nettement moins inspiré pour ses westerns « indiens » que pour ses westerns « urbains ».

War Arrow, ça n’étonnera personne (en tout cas pas ceux qui savent traduire « arrow »), est un western indien. D’où une certaine appréhension initiale, qui s’efface assez vite devant l’originalité de la situation : dans un territoire ravagé par les attaques incessants des Kiowas, un officier décide de faire appel à une autre tribu, qui fut un peuple de guerriers avant d’être éparpillés par l’armée, les Seminoles.

Des soldats blancs qui se font aider d’Indiens pour combattre d’autres Indiens… L’idée est belle, même si historiquement complètement fausse. Elle apporte en tout cas un éclairage différent sur les Indiens, encore trop souvent cantonnés au seul rôle d’ennemis assoiffés de sang dans le western américain de cette époque, malgré quelques avancées notables, dont La Flèche brisée bien sûr.

Dans le film de Delmer Daves, le personnage de Cochise était interprété par Jeff Chandler, acteur toujours impeccable à défaut d’être enthousiasmant. Ici, il joue le rôle principal, celui de l’officier qui fait appel aux Seminoles, et qui s’oppose au commandant du Fort construit au cœur de ce territoire troublé (et bâti au pied d’une colline… l’architecte a sans doute privilégié la beauté des perspectives à l’efficacité de la défense), et que joue l’excellent John McIntire.

L’autre surprise du scénario vient du fait que l’opposition des deux officiers doit moins à l’utilisation des Seminoles qu’à une simple jalousie autour d’une belle veuve, interprétée par une Maureen O’Hara très souriante pour une veuve. Souriante, mais pas très attachante finalement, laissant planer le doute sur ses véritables sentiments : est-elle sous le charme de Chandler, ou le manipule-t-elle pour gagner son billet de retour vers Washington et la civilisation ?

Son personnage n’est au final pas si différent de la fille du chef Seminole, que joue Suzan Ball, étoile filante dont le début de carrière prometteur (on l’a vue chez Walsh et Boetticher) s’est fracassé contre un cancer qui l’a emportée à 22 ans seulement… Face à l’habituellement incandescente Maureen O’Hara, c’est elle qui apporte de la vie et de l’audace au film.

Cela dit, les personnages ne sont guère convaincants, et c’est dans sa manière de filmer les acteurs dans les vastes paysages, et les scènes d’action, que Sherman convainc surtout. Là, son savoir-faire, sa manière de soigner ses cadres et de mêler une certaine légèreté à la gravité des situations, touchent leur cible.

Numéro Zéro – de Jean Eustache – 1971

Posté : 13 juin, 2024 @ 8:00 dans 1970-1979, DOCUMENTAIRE, EUSTACHE Jean | Pas de commentaires »

Numéro Zéro

Un dispositif on ne peut plus simple : autour d’une table de cuisine, Jean Eustache recueille les souvenirs de sa grand-mère maternelle, Odette Robert. Pendant près de deux heures, elle raconte sa jeunesse, sa vie de femme, au gré de ses souvenirs.

La « séance » dure le temps du film, et c’est en continu qu’Odette raconte le fil de sa vie, s’interrompant lorsqu’il faut changer les bobines de l’une des deux caméras, lorsque son petit-fils lui ressert un whisky ou lui allume une cigarette, ou lorsqu’ils sont interrompus par un appel téléphonique de la télévision hollandaise qui veut acheter Le Père Noël a les yeux bleus.

De ce parti-pris de simplicité extrême se dégage une grande vérité, et même une étonnante familiarité, donnant le sentiment d’être directement le destinataire des confessions de cette femme racontant sans misérabilisme une existence qui lui a réservé bien des malheurs : sa mère morte quand elle n’est qu’une enfant, une belle-mère haineuse qui lui mène la vie dure, un mari qui ne cesse de la tromper, plusieurs enfants qui meurent en bas âge…

Sans même parler de ces yeux sensibles et douloureux qui lui interdisent tout véritable repos. Elle est belle cette Odette, dans sa manière d’évoquer ses drames sans s’apitoyer, racontant sans embellir et sans se plaindre (« il y a toujours plus malheureux »), évoquant la méchanceté de cette marâtre qui lui a gâché son enfance en ponctuant d’un « pauvre femme »

Face à elle, Eustache ne dit rien, ou si peu. Le dos tourné à la caméra, il se contente de recueillir la parole de sa grand-mère (et de resservir les whiskys), sa seule présence suffisant à relancer Odette, dont la mémoire semble ne pas avoir de limite, pas plus que son envie de raconter, des choses graves comme de petites anecdotes.

A travers elle, à travers son existence ponctuée de drames, de souffrances et d’humiliations, c’est la condition de nombreuses femmes du début du siècle dernier qui se dessine. La simplicité du procédé, avec un montage qui se contente d’alterner entre les deux caméras qui filment en continu, l’une en gros plans, l’autre en plans plus larges, donne une belle vérité à ce film qu’Eustache ne tourne que pour le montrer à quelques amis.

Numéro Zéro n’est en effet pas sorti en salles en 1971, ni dans les années qui suivent. Il faudra attendre 1980 pour qu’Eustache accepte d’en monter une version courte et de la diffuser à la télévision. On en reparlera…

La Petite Marchande d’allumettes, postface – de Jean Eustache – 1969

Posté : 11 juin, 2024 @ 8:00 dans COURTS MÉTRAGES, DOCUMENTAIRE, EUSTACHE Jean, TÉLÉVISION | Pas de commentaires »

La Petit Marchande d'allumettes postface

Après la « postface » du Dernier des Hommes de Murnau, c’est à La Petite Marchande d’allumettes de Jean Renoir, autre grand film muet, que Jean Eustache offre un « bonus ». Avec un procédé différent cette fois : plutôt qu’un dialogue entre spécialistes cinéphiles, c’est Renoir lui-même qu’Eustache filme en gros plans, dans ce théâtre du Vieux Colombier où il a tourné son film (à mon humble avis le meilleur de sa période muette quarante ans plus tôt) quarante ans plus tôt.

Renoir semble fatigué et en bout de course : c’est l’époque où il tourne son ultime film, son triste Petit Théâtre…Mais il a toujours cette faconde et ce verbe qui n’appartiennent qu’à lui, qui en font un parleur hors pair, qui passe d’une anecdote à l’autre avec un grand sens du détail et de la précision et beaucoup d’à propos, et avec la simplicité d’un type qui ne la ramène pas, sans pour autant surjouer la fausse modestie.

Renoir a eu des idées géniales pour ce bijou muet ? Oui, mais c’est avec un naturel confondant qu’il explique comment il a filmé la course à cheval dans les nuages, ou comment il a utilisé décors et jouets dans ce théâtre utilisé pour une seule raison : parce qu’il n’avait ni les moyens ni la possibilité de tourner dans un vrai studio…

Ce document n’apporte rien à la gloire de Jean Eustache, dont l’apport semble très limité, la caméra ne quittant guère le visage de Renoir tourné vers son intervieweur (qui n’est pas Eustache). Mais il réjouit par sa dimension de bonus de luxe, grâce à un Renoir passionnant, gourmand, et touchant.

Le Dernier des Hommes, postface – de Jean Eustache – 1968

Posté : 10 juin, 2024 @ 8:00 dans 1960-1969, COURTS MÉTRAGES, DOCUMENTAIRE, EUSTACHE Jean, TÉLÉVISION | Pas de commentaires »

Le dernier des hommes Postface

Suivre le fil de la filmographie de Jean Eustache promet d’être un chemin très sinueux, qui nous fait emprunter des voies inattendues. Après le moyen métrage dans la mouvance de la Nouvelle Vague, après le documentaire à la gloire d’une particularité de sa ville d’origine, voilà qu’Eustache filme ce qui serait aujourd’hui un bonus de DVD…

En l’occurrence : une conversation à trois cinéphiles (André S. Labarthe, le réalisateur Marc’O et Jean Domarchi qui accapare constamment la parole, coupant inlassablement ses deux comparses) autour du Dernier des Hommes. Et si cette petite demi-heure donne une furieuse envie de revoir le chef d’œuvre de Murnau, non seulement pour ce qui en est dit, mais aussi pour l’utilisation des extraits du film insérés dans la discussion, c’est ailleurs que se situe l’intérêt de ce document filmé.

Comme dans La Rosière de Pessac, Eustache, avec une mise en scène minimaliste (une caméra le plus souvent fixe, qui suit en gros plans les trois débatteurs assis autour d’une table) capte quelque chose de son époque : un certain verbe, une manière de cloper, une cinéphilie d’avant la VHS, une vision du monde aussi, où on n’hésite pas à décrire les Allemands comme un peuple glouton parce qu’inquietUne autre époque…

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