Monika / Un été avec Monika (Sommaren med Monika) – d’Ingmar Bergman – 1953
Monika (Harriet Andersson) est dans un club avec ancien amant. Le fond s’estompe et vire au noir. Elle tourne son visage vers la caméra, l’air détachée, comme écœurée d’elle-même… Ce plan est le plus triste de l’histoire du cinéma, disait Jean-Luc Godard, qui vénérait Bergman, ce qui faisait de lui un homme de goût.
C’est vrai qu’il est déchirant, ce plan, écho cruel à un autre plan similaire, plus tôt dans le film. Il apparaît comme une rupture, comme l’aveu d’impuissance d’une très jeune femme qui renonce à suivre le chemin de l’âge adulte, abdiquant, tournant le dos à ses rêves de vie bourgeoise, et en même temps à l’innocence à laquelle elle s’est désespérément raccrochée tout un été…
C’est drôle : j’avais gardé de Monika le souvenir d’un film solaire et lumineux. A le revoir, c’est l’amertume qui domine. Et ces moments de liberté d’un été qu’un jeune couple passe au cœur de la nature suédoise est moins une transition qu’une manière de garder à distance un avenir inéluctable incertain et effrayant.
Avec ce film, magnifique et poignant, Bergman fait le choix de la simplicité et dépouillement. Un jeune homme un peu effacé rencontre une jeune femme pleine de vie. Ils s’aiment, quittent tout pour partir ensemble, passant un été d’insouciance… ou presque, avant un retour à la réalité qui, forcément, bouscule tout.
La sensualité d’Harriet Andersson, son regard d’enfant perdu, la beauté des paysages, la brutalité du monde du travail (donc des adultes)… Monika est l’un des plus beaux films de la première partie de carrière de Bergman.