La Dame et le Barbu /La Femme et les favoris / La Dame et les barbes (Shukujo to hige) – de Yasujiro Ozu – 1931
Il y a des perles dans la période muette d’Ozu. La Dame et le Barbu est, disons, une curiosité : une pure comédie à peine teintée de quelques touches mélancoliques, qui revendique une vraie légèreté, plutôt rare dans la filmographie du cinéaste.
Parti pris amusant : la plupart des gags tournent autour du corps humains. Les mains sur lesquels tape le bâton de kendo, les orteils que le héros sans chaussettes tente de dissimuler, le ridicule de certains personnages qui passe par leur dentition… et bien sûr la barbe du héros, joué par une grande star de l’époque, Tokihiko Tokada.
Doit-il ou garder cette barbe d’un noir profond ? C’est tout l’enjeu du film, et le grand dilemme de cet homme dont on ne sait s’il est plus séduisant avec ou sans. On n’est certes pas dans la veine la plus profonde d’Ozu. Pourtant, le bien nommé La Dame et le Barbu s’inscrit parfaitement dans sa filmographie.
On y retrouve à la fois la légèreté se heurtant à une rude réalité de ses comédies d’étudiants, mais aussi quelques thèmes chers à Ozu : le choix de se marier ou non, la confrontation de la tradition et de la modernité (symbolisée par les différents personnages féminins), ou l’influence de la culture américaine qui, ironiquement, prend la forme d’une grande affiche du Chant du Bandit, film avec Laurel et Hardy « all talking » (alors que Ozu repoussera jusqu’en 1933 son passage au parlant).
Ozu s’amuse (et nous avec), et pose surtout les bases d’un cinéma plus personnel. Quelques scènes sont déjà mémorables. Avec des trouvailles formelles, comme ce superbe jeu de lumières balayées sur l’intérieur d’une voiture dans la nuit. Et des plans magnifiques sur le visage de la « mauvaise fille », qui se prend à rêver d’une autre vie. Même dans la pure comédie, une douce mélancolie, déjà.
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