Daaaaaali ! – de Quentin Dupieux – 2023
Dupieux donne parfois l’impression de se foutre un peu de la gueule du monde, comme s’il se contentait d’une idée forte pour bâtir ses films, en se contentant de cercles concentriques répétitifs autour de cette idée. Ce sentiment effleure, comme souvent, à la vision de Daaaaaali !. Et comme souvent, quelque chose de nettement plus ambitieux, et de plus fin, finit par effleurer, puis par s’imposer.
L’idée forte (et plus très neuve) : faire jouer Dali par six acteurs différents, parti-pris qui permet de régler des problèmes d’emploi du temps sur le tournage, et d’illustrer la multiplicité des facettes d’un personnage, voire sa schizophrénie. Avec un personnage comme Dali, on est servi. Même si, bien sûr aurais-je envie d’ajouter, ce n’est pas un biopic que signe Dupieux.
En tout cas pas d’un biopic traditionnel. Mais il est bel et bien question de Salvador Dali, du personnage qu’il s’est créé, et de son œuvre dont on ne voit pas grand-chose si ce n’est un piano d’où coule un large filet d’eau, et des modèles prenant une pose improbable dans le désert. Pourtant, Dupieux nous plonge constamment dans l’œuvre surréaliste de l’artiste.
Comme dans les tableaux de Dali, le film de Dupieux se joue du temps et de sa perception, des recommencements perpétuels, des boucles temporelles ou des paradoxes. Dali arpente un couloir d’hôtel dans un mouvement qui semble ne jamais finir, gag un peu facile réalisé par la seule grâce du montage. Une scène tournée à l’envers trouble la perception du spectateur. Dali voit apparaître son double nettement plus âgé…
Et toujours, les scènes qui se répètent avec de légères variations, un cauchemar dont on croit être sorti mais qui ne cesse de se terminer, encore et encore, des boucles démentes que n’aurait pas renié le David Lynch de Lost Highway. C’est assez fou et excessif, et pour tout dire un peu répétitif. Et comme pour le drôle de rêve que raconte le prêtre, on a finalement l’impression que ça ne s’arrêtera jamais…
D’où ce sentiment d’avoir vu un film généreux et audacieux, mais un peu bancal, qui doit finalement beaucoup à ses acteurs : Edouard Baer, Pio Marmaï, Gilles Lellouch et surtout Jonatan Coen en Dali, mais aussi Romain Duris, génial le temps de trois ou quatre scènes en producteur excessif dans la bienveillance comme dans la grossièreté, et Anaïs Demoustier.
C’est elle, finalement, le pivot du film, ex-pharmacienne devenue journaliste et bien décidée à consacrer un documentaire à Dali, cet artiste qui ne cesse de la rabrouer et face auquel, in fine, elle s’efface, pour ne laisser la place qu’à la plus belle (ou la pire?) des créations de Dali : Dali lui-même. Quel qu’il soit.
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