Adieu les cons – d’Albert Dupontel – 2020
Après le triomphe d’Au-revoir là-haut, Adieu les cons pouvait ressembler à un pas en arrière pour Albert Dupontel, qui retrouvait un univers et un esprit assez classique pour lui. Et c’est vrai qu’on le retrouve tel qu’on le connaît depuis ses premiers films : acide, déjanté, méchant, naïf, et prompt à insuffler un humour volontiers régressif.
Les premières minutes du film ne poussent d’ailleurs guère à l’euphorie. Le face-à-face de Virginie Efira avec un médecin qui met (très maladroitement) les formes pour ne pas lui dire clairement qu’elle est condamnée. Celui de Dupontel lui-même avec un supérieur qui met les mêmes formes pour ne pas lui dire clairement qu’il n’a pas la promotion qui lui était promise… Deux situations jumelles, que le gag un peu poussif du nom constamment déformé ne tire pas vers le haut.
Cette première partie fait la part belle aux excès du cinéaste Dupontel, son goût pour l’absurde et l’explosif, pour la violence burlesque. Sans vraiment convaincre. Et puis la rencontre des deux personnages principaux apporte une dimension supplémentaire qui sied particulièrement bien au réalisateur : une tendresse, profonde et belle, parce que sans avenir. Ce n’est pas parce qu’il penche vers les beaux sentiments qu’il va verser dans l’optimisme béat.
Le sujet est rude : une femme qui sait qu’elle n’a plus longtemps à vivre cherche à retrouver l’enfant qu’elle a eu quand elle avait 15 ans et qui lui a été enlevé, avec l’aide d’un génie de l’informatique qui passe pour un terroriste ou pour un forcené depuis qu’il a blessé un collègue en ratant son suicide…
Dupontel a un univers, fort et inventif, qu’il décline de film en film. Une manière de faire le lien entre ses deux maîtres, Chaplin (pour sa capacité à faire rire avec des sujets graves) et Terry Gilliam (pour sa folie et son inventivité). Gilliam qui, comme souvent, fait une apparition devant la caméra de Dupontel. Cet univers trouve une sorte d’apogée dans la scène de l’immeuble contrôlé à distance, délire visuel et sommet d’émotion à la fois.
Surtout, Dupontel laisse éclater sa profonde bienveillance derrière le regard acide et volontiers méchant, regard sans concession sur une société qu’il condamne assez largement, et sans grande nuance. Le regard : celui si triste de Virginie Efira, et celui soudain apaisé de l’acteur Dupontel, bouleversante rencontre. Contrebalancée par la partition joyeusement décalée du troisième larron, l’incontournable Nicolas Marié en aveugle hanté par les violences policières. On ne se refait pas.