J’ai été recalé, mais… (Rakudai wa shita keredo) – de Yasujiro Ozu – 1930
Si éloigné en apparence des grands films d’après-guerre d’Ozu, J’ai été recalé, mais… est en revanche typique d’une partie importante de sa filmographie des premières années : une comédie universitaire comme il en a déjà réalisé plusieurs, souvent avec bonheur.
Le titre évoque évidemment J’ai été diplômé, mais… dont il est une sorte de jumeau. On retrouve de fait dans ce film beaucoup d’éléments qu’Ozu a déjà filmé dans des contextes similaires : la camaraderie des étudiants, la triche aux examens, les premiers amours, ou encore les premiers pas difficiles dans la vie adulte.
Derrière la légèreté apparente, et en grande partie réelle, Ozu impose déjà quelque chose de la douce nostalgie qui ne cessera d’habiter son œuvre. Beaucoup de ses films, pour ne pas dire la plupart, sont basés sur un changement d’époque, la disparition d’une période d’insouciance, d’innocence…, qui mène les personnages vers une vie plus solitaire. C’est le cas déjà ici.
Ozu, qui n’a pas fait lui-même d’étude, filme ici la vie universitaire comme un paradis déjà perdu, ou presque. La dernière séquence, sans se départir d’une certaine légèreté, peut être vu comme une sorte de porte d’entrée vers son grand œuvre à venir : on y voit des amis diplômés, qui réalisent que les années d’étude qu’ils viennent d’achever étaient peut-être bien les plus belles qu’ils vivraient.
C’est la naissance de la nostalgie qu’il raconte alors. Et le fait que l’un des amis en question soit joué par Chishu Ryu, le grand interprète des chefs d’œuvre à venir, rajoute rétrospectivement à la force de l’image. Il tient ici un rôle assez secondaire : l’un des cinq étudiants qui vivent dans la même pension, inséparables, se préparant ensemble à leurs examens à venir.
Le personnage central est joué par Tatsuo Saito, complice incontournable d’Ozu ces années-là. Il est l’un des cinq « mousquetaires », le seul à rater son examen, qui passe de l’insouciance de cette vie de groupe symbolisée par les pas de danse très « burlesque américain » que la bande effectue à toutes occasions, à un sentiment brusque de rejet et de solitude. Tout en se consolant dans les bras de la belle Kinuyo Tanaka, et dans la légèreté renouvelée de l’université.
C’est une vraie comédie, souvent amusante, mais parfois grave aussi, que signe Ozu, qui au passage évoque une nouvelle fois la galère du monde du travail. Autre constante de ses films ces années-là. C’est mineur et prometteur, c’est joyeux et pas si léger. C’est en tout cas un vrai plaisir ozuphile.