Une belle fille comme moi – de François Truffaut – 1972
Voilà un film auquel il faut laisser le temps d’infuser. Une comédie acide, flirtant avec le burlesque, où tout semble constamment exagéré, ouvertement comique. Une sorte de contre-pied assumé aux Deux Anglaises et le continent, le précédent film Truffaut particulièrement mal accueilli à sa sortie.
Il faut lui laisser le temps à ce film, ne serait-ce que parce que la dernière séquence libère une sensation qui était jusqu’alors diffuse, et qui contredisait les déclarations d’intention de Truffaut lui-même, qui affirmait n’avoir aucune autre intention que faire rire avec ce film. Or, avec cette ultime séquence, c’est un malaise pesant qui finit par dominer, et les ultimes velléités de prendre ça à la rigolade sont teintées d’un profond malaise.
Oui, Une belle fille comme moi est la première vraie comédie de Truffaut, cinéaste qui n’a cessé de se remettre en cause et de changer de ton d’un film à l’autre. La rupture avec son film précédent est certes assez radicale. Mais il y a une patte commune à tous ces films : une liberté de ton, une cruauté dans les rapports femmes/hommes, son goût pour les femmes décidées à ne pas se laisser brider par la morale…
Le personnage de Camille, cette « belle fille » qui se débarrasse constamment des mâles à la langue pendante devant sa sensualité, est un rôle que personne d’autre que Bernadette Lafont n’aurait pu interpréter. En tout cas pas comme ça : pas avec cette fraîcheur et cette liberté si insolentes et enthousiasmantes. Bernadette Lafont, qui retrouve Lafont quinze après leur premier film à tous les deux (le court métrage Les Mistons), et dont le moindre sourire fait passer les danses les plus lascives de Bardot pour une gymnastique austère…
Autour d’elle, tous les hommes semblent grotesques et presque fous, avides d’elle. Et quelle galerie : Charles Denner, hilarant en dératiseur extrêmement droit, Guy Marchand en chanteur de charme évidemment pas charmant, Philippe Léotard en pathétique fils à maman, Claude Brasseur en avocat queutard, et André Dussolier en doctorant fou de désir pour son sujet de thèse, qui fait ses premiers pas au cinéma devant la caméra de Truffaut.
La comédie n’est pas légère, elle est même ouvertement excessive. Et sur ce registre, Truffaut est moins aimable que dans l’émotion pure. Mais d’un genre à l’autre, d’un ton à l’autre, il creuse un sillon cohérent et enthousiasmant. Même en mode mineur, c’est assez passionnant.
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