La Mariée était en noir – de François Truffaut – 1968
La Mariée était en noir fait partie de ces Truffaut qui m’ont toujours laissé dubitatif. Comme pour Fahrenheit 451, il me donnait le sentiment qu’en s’emparant de genres très américains (le film noir ici, la science-fiction là), il transformait une histoire fascinante en quelque chose de très artificiel à travers un regard très français, et très littéraire.
Revoir cette adaptation du roman de William Irish m’oblige à revoir assez radicalement cette impression que m’avaient laissé mes premiers visionnages, il y a fort longtemps. La Mariée était en noir est effectivement très loin de ce qu’auraient pu en tirer un Robert Siodmak vingt ans plus tôt (comparaison pas innocente, puisque Siodmak a adapté Irish avec Phantom Lady). C’est aussi un Truffaut enthousiasmant, chaînon indispensable d’une espèce de trilogie noire informelle, après Tirez sur le pianiste et avant La Sirène du Mississipi.
C’est aussi, mine de rien, un film assez radical sur un canevas que Truffaut a utilisé plusieurs fois : le parcours d’un personnage qui en rencontre d’autres successivement, comme autant d’épisodes narratifs. Mais là où l’humour, la dérision, voire une grande légèreté seront au cœur d’Une belle fille comme moi ou de L’Homme qui aimait les femmes, il n’y a strictement aucune place pour l’humour dans La Mariée était en noir.
Jeanne Moreau, visage fermé, incarne une femme vengeresse dont on découvre les motivations par une série de courts flash-backs. Elle est une héroïne très sombre, victime de l’inconséquence et du pouvoir des hommes. Le regard de Truffaut est rarement tendre avec les hommes. Avec cette histoire particulièrement cruelle, il n’épargne pas non plus cette héroïne jusqu’au-boutiste, dont la vengeance prend des atours de plus en plus radicaux.
Elle finit même par provoquer le malaise en utilisant l’enfant du père de famille dominateur aussi pathétique qu’odieux joué par Michael Lonsdale. Et à perdre elle-même son humanité face à un Charles Denner qui lui laisse entrevoir une possible rédemption. Glacial et radical, La Mariée était en noir ne fait pas grand-chose pour séduire. C’est sans doute ce qui fait sa force.