Un amour désespéré (Carrie) – de William Wyler – 1952
Rien à voir avec la Carrie de Stephen King et Brian De Palma… Celle-ci est une jeune fille de la campagne qui quitte le cocon familial pour aller tenter sa chance dans la grande ville, Chicago en l’occurrence, où elle rejoint sa grande sœur qui a eu la chance d’épouser un ouvrier. Pour elle, l’aventure s’avère plus difficile. Un petit boulot qu’elle perd, et la voici paumée, sans le sou, forcée d’accepter l’épaule bienveillante d’un bon gars un peu lourdaud qu’elle avait croisé dans le train.
Mais il y a le directeur du beau restaurant où le bon gars l’emmène, un homme élégant vivant dans le luxe avec femme et grands enfants, plus vieux qu’elle et bien installé… Et ces deux-là tombent désespérément amoureux. Fin de la première partie. La seconde sera une longue descente aux enfers, dans le genre gros mélo hollywoodien bien plombant, remarquablement lénifiant, dont on sort abattu et sans même l’envie de pleurer.
Malgré tout le savoir-faire de William Wyler, malgré la qualité de la production, la beauté des images et des décors, l’interprétation impeccable de Jennifer Jones et Laurence Olivier, cette seconde moitié désespérante a quelque chose d’assez convenu, et même un peu agaçante. Parce qu’elle transforme en simple mélodrame à gros effets une histoire qui s’annonçait bien plus profonde et audacieuse.
Tout ça pour revenir à la première moitié du film, passionnante et pour le coup beaucoup plus troublante. On y assiste donc à la naissance d’une histoire d’amour dont on se demande constamment s’il ne s’agirait pas plutôt d’une histoire de désespoir… Elle, vivant à la bonne et dans le déshonneur (on est au début du XXe siècle) avec un homme certes gentil, mais avec qui elle n’est pas mariée, et aspirant à tout autre chose. Lui, homme mal marié qui étouffe avec une épouse qu’il n’aime pas, et des enfants suffisamment grands pour ne plus avoir besoin de lui…
Ce sont deux êtres qui n’en peuvent plus de leurs carcans que filme Wyler, avec l’intensité du désespoir. Deux êtres qui semblent se raccrocher l’un à l’autre comme on se raccroche à une ultime branche avant de sombrer. Et mine de rien, c’est une critique assez radicale des conventions et de la bien-pensance que signe Wyler, à travers ce couple naissant au destin de tragédie.