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Archive pour novembre, 2023

Maman Colibri – de Julien Duvivier – 1929

Posté : 20 novembre, 2023 @ 8:00 dans 1920-1929, DUVIVIER Julien, FILMS MUETS | Pas de commentaires »

Maman Colibri

Sur le papier, Maman Colibri semble bien moins ambitieux que Le Tourbillon de Paris, La Divine Croisière ou Au bonheur des Dames, pour ne citer que quelques-uns des joyaux muets de Duvivier : un simple mélo, énième variation autour du thème de la femme martyr.

A l’écran, c’est tout le génie et la sensibilité du cinéaste qui apparaissent, éclatantes. L’utilisation des gros plans, des silences (oui, même dans le muet, il y a des silences qui en disent long), du montage… Tout dans ce film est une apologie de la puissance inégalable du langage cinématographique.

Devant la caméra de Duvivier, cette mère de famille interprétée par Maria Jacobini (37 ans au moment du tournage, sans doute un peu jeune pour le rôle, mais elle est magnifique) devient une sorte de symbole féministe, ou plutôt de l’injustice institutionnalisée dont sont victimes les femmes.

Elle, entre deux âge, étouffée entre un mari raide et autoritaire, un fils aîné dédaigneux, et une folle envie de vivre, un besoin que le corps exulte. Alors elle « se laisse tomber amoureuse » d’un jeune homme, un ami de son fils, qui lui-même n’a jamais connu l’amour. Ils s’aiment, ils partent ensemble. Mais tout ça n’aura qu’un temps…

Le sujet, en fait, est d’une grande force : cette femme qui cherche à vivre cette jeunesse dont, sans doute, elle a été privée, et qui s’observe longuement dans le miroir, guettant les premières rides, ou les signes encore présents de sa jeunesse. C’est bouleversant.

Cette femme, condamnée à vivre à travers le regard des hommes. Celui, glaçant, de son mari. Celui, d’abord tendre puis fuyant de son amant, qui l’emmène en Algérie, dans un décor de rêve où tout finit par se déliter.

Duvivier, bien sûr, tourne en décors naturels, et le contraste est fort entre la grisaille parisienne et le soleil éclatant d’Algérie, dont il capte l’atmosphère, presque le parfum. On lui pardonne une poignée de plans kaléiodoscopiques (tout en se demandant à quoi ils peuvent bien servir), pour s’extasier sur les travellings, les mouvements de grue, les alternances de gros plans et de plans larges.

La manière, aussi, dont il joue avec les décors naturels et les décors de studios. Aux grandes étendues lumineuses des extérieurs algériens, succèdent des plans d’intérieurs, où les éléments de décors (comme le piano) semblent enfermer la triste héroïne, pas dupe de l’isolement dans lequel elle est poussée.

C’est beau, c’est brillant, et la conclusion est d’une intensité renversante, tout en évitant la surenchère qui, trop souvent, plonge les mélos. Ce n’est pas le cas chez Duvivier, qui a bien compris que le destin de cette femme, son voyage désabusé des derniers feux de la jeunesse à l’âge mûr, est suffisamment poignant pour ne pas en rajouter.

Les Ensorcelés (The Bad and the Beautiful) – de Vincente Minnelli – 1952

Posté : 19 novembre, 2023 @ 8:00 dans 1950-1959, DOUGLAS Kirk, MINNELLI Vincente | Pas de commentaires »

Les Ensorcelés

Un passage, dans The Bad and the Beautiful (à tout prendre, le titre original est quand même plus beau et mystérieux que sa traduction française), a toujours été pour moi une sorte de symbole de la cruauté, du cynisme et du chacun pour soi. Celle où le producteur joué par Kirk Douglas sort d’une réunion avec les décideurs du studio en affichant un large sourire soulagé, expliquant à son ami réalisateur (Barry Sullivan) qu’il a obtenu les fonds pour tourner le film dont ce dernier rêvait depuis longtemps (sourire enthousiaste du réalisateur), que la grande star du moment acceptait le rôle (re-sourire enthousiaste)… tout comme un grand réalisateur habitué des grosses productions (sourire figé).

Ce passage cruel et bouleversant marque un tournant dans le récit : celui où la passion de ses hommes et femmes qui fabriquent le rêve hollywoodien se teinte irrémédiablement de cruauté. Et ce personnage de Douglas, le producteur Jonathan Shields, est sans doute l’incarnation la plus troublante et authentique de ce qu’incarne Hollywood, ou plutôt de ce qu’il incarnait dans son âge d’or : une sorte d’île entièrement tournée vers le cinéma, où l’argent coule à flots, mais où la soif créatrice reste le centre de tout.

C’est toute la force et toute la beauté du film de Minnelli, qui dresse le portrait amoureux d’un homme odieux et souvent inhumain. Filmer Hollywood dans ce qu’elle a de plus rude, et en faire un chant d’amour au cinéma américain… Equation impossible qui fait de The Bad and the Beautiful le plus beau film consacré à Hollywood, le plus complexe, le plus audacieux, le plus romanesque, le plus enthousiaste et le plus critique. Tout ça dans le même mouvement.

Jonathan Shiels/Kirk Douglas, producteur ambitieux et mégalo, passionné et impitoyable, est aussi et avant tout un grand amoureux du cinéma, totalement habité par son art. Une sorte de synthèse des grands producteurs de l’époque (comme Selznick) qui n’hésite jamais vraiment à écraser ceux qui l’entourent pour le bien d’un film. Un homme monstrueux et d’une sincérité totale qui finit par se retrouver isolé.

Le film commence d’ailleurs comme ça : le réalisateur susmentionné (Barry Sullivan), un scénariste joué par Dick Powell, et une star interprétée par Lana Turner, tous d’anciens proches de Shields, refusent catégoriquement d’entendre même parler d’un projet porté par leur ancien ami. Et puis tous se retrouvent devant le seul à être resté fidèle au producteur (Walter Pidgeon), chacun racontant l’un après l’autre ce qui l’a amené à détester Shields…

La narration en longs flash-backs successifs n’est pas nouvelle bien sûr : Citizen Kane en est l’exemple le plus célèbre), et elle est particulièrement à la mode à cette époque (Mankiewicz s’en fera une spécialité, notamment avec La Comtesse aux pieds nus, autre très grand film, beau et cruel, sur Hollywood). Elle trouve quand même ici une sorte de perfection, une manière de relancer constamment le récit, et de complexifier les personnages, inoubliables.

Kirk Douglas trouve là l’un de ses plus grands rôles (il les enchaîne, c’est vrai, ces années-là), devenant l’incarnation idéale de la fièvre créatrice, dans une scène où le mégalo inspiré de Selznick cède la place à l’inventif visiblement inspiré de Val Lewton, précieux producteur de quelques classiques fauchés de l’épouvante comme La Féline, film auquel Minnelli fait un clin d’œil réjouissant.

Grand film sur Hollywood, grand film tout court… The Bad and the Beautiful fait partie de ces classiques qui semblent se bonifier avec l’âge, et qui interdit tout jugement définitif sur Hollywood, machine à rêver ou machine à briser. Quand le film et son sujet ne font plus qu’un… Un chef d’œuvre, pour l’éternité, qu’on aurait envie de montrer aux producteurs hollywoodiens actuels. C’est une idée, ça, tiens : et si on leur imposait un permis avec maîtrise obligatoire de Minnelli ?

Le Plaisir – de Max Ophüls – 1952

Posté : 18 novembre, 2023 @ 8:00 dans 1950-1959, DARRIEUX Danielle, GABIN Jean, OPHÜLS Max | Pas de commentaires »

Le Plaisir

Après La Ronde, Ophüls signe une autre variation autour du film à sketchs, et nous plonge cette fois dans l’univers de Maupassant, avec la même réussite exceptionnelle. Le Plaisir, ensemble de trois histoires aux atmosphères et aux durées très différentes (une bonne heure pour le segment central, une quinzaine de minutes pour les deux autres), est une merveille esthétique, et porte en lui toute la beauté, la nuance et la fragilité de l’être humain. Rien que ça.

Formellement, cette adaptation de Maupassant porte indéniablement la marque d’Ophüls. Une marque flagrante avant même la première image, avec cette voix off omniprésente (celle de Jean Servais prêtant son timbre à l’écrivain lui-même) qui commente et assure les transitions en s’adressant directement au spectateur, avant de prendre corps dans le dernier segment.

Surtout, la virtuosité du cinéaste est éclatante, aussi frappante dans un extraordinaire plan-séquence endiablé au cœur d’un bal parisien, que dans les allées d’une église rurale célébrant une première communion… Ophüls, à grand renfort de mouvements d’appareils fluides et virevoltants, capte l’atmosphère et l’énergie des lieux.

Mais avant tout, il en capte les sentiments, les émotions : cette émotion qui prend les pensionnaires d’une « maison » confrontées soudainement à la pureté d’une jeune fille de la campagne et de chants religieux. Ou celle à fleur de peau d’une vieille épouse délaissée prenant soin de son mari, ancien séducteur qui se perd chaque soir dans des parodies de jeunesse retrouvée.

Il y a dans Le Plaisir quelques-unes des plus belles images du cinéma d’Ophüls. D’abord, l’irruption de ce danseur au visage figé, dansant comme un pantin mystérieux dans ce bal plein de vie, dans le premier segment Le Masque. Puis ces fameuses pensionnaires d’une maison de plaisir qui s’arrêtent pour cueillir des fleurs dans un champs aux herbes hautes, sous le regard d’un Jean Gabin au cœur gros dans la deuxième histoire, La Maison Tellier.

La troisième, Le Modèle, est sans doute plus anecdotique, au moins visuellement. Plus cruelle que vraiment émouvante en tout cas. Mais elle complète plutôt bien la vision finalement assez cynique qu’offrent Maupassant et Ophüls de ce « plaisir » qui donne son titre au film : un plaisir basé sur des faux-semblants, des regrets ou des erreurs… Un homme qui court après sa jeunesse perdue. Un autre qui tente de retenir une parenthèse enchantée. Un dernier qui se ment sur ses propres sentiments…

Le film est bouillonnant de vie. Il n’en est pas moins grave et profond. Et la distribution, comme dans La Ronde, est impressionnante. On retrouve d’ailleurs une partie des mêmes : Simone Simon, Daniel Gélin, et surtout Danielle Darrieux (qu’Ophüls retrouvera une dernière fois pour un autre chef d’œuvre, Madame de…). Et puis Madeleine Renaud, Ginette Leclerc, Louis Seigner ou Pierre Brasseur. Et puis Gabin, en bon rustaud campagnard gentiment lourdaud, et très émouvant. Cette même année, Darrieux et lui se retrouvent pour un autre film important : La Vérité sur Bébé Donge.

LIVRE : Pierre-Auguste Renoir, mon père – de Jean Renoir – 1962

Posté : 17 novembre, 2023 @ 8:00 dans LIVRES, RENOIR Jean | Pas de commentaires »

LIVRE Pierre-Auguste Renoir mon père

C’est la première fois qu’un livre consacré à un peintre a droit à une chronique sur ce blog entièrement dédié au cinéma. Et il y a une bonne raison à cela : cette biographie de Renoir est signée par son fils Jean, l’un de nos plus grands cinéastes, et aussi un écrivain à la plume personnelle et enthousiasmante.

Ses mémoires personnelles (Ma vie et mes films), lues il y a bien des années, m’avaient déjà laissé un fort souvenir. Ce livre qu’il consacré à son père, plus de quarante ans après sa mort, témoigne des mêmes qualités : acuité, précision, sens du détail… et de la digression. Parce que Jean Renoir est un homme chez qui on devine un esprit foisonnant.

Son livre est ainsi fait d’allers et retours constants. Une idée en entraîne une autre, sans la chasser. Ce récit d’une vie de peinture n’est au fond que digressions passionnantes, comme lente promenade qui laisserait constamment la place au hasard des découvertes, à la curiosité, et au temps long.

Jean Renoir fait aussi partie de ces cinéastes qui ont une voix. Au sens propre, comme d’autres passionnés comme Bertrand Tavernier. Comme lui, lire Renoir éveille instantanément le souvenir de sa voix et de son phrasé si particulier, de cet accent populaire dont il ne s’est jamais défait, et qui colle merveilleusement avec le portrait qu’il dresse de son père.

Au-delà du peintre, immense, Pierre-Auguste se révèle comme un homme droit, attaché à la simplicité et à la vérité des êtres et des choses. On le découvre avec le regard chargé d’amour d’un fils qui témoigne de ses propres souvenirs, et de ceux qu’il a récoltés directement auprès de l’intéressé, alors que lui était démobilisé suite à une blessure sur le front de la Grande Guerre, et que son père était diminué par la maladie.

Si ce livre a droit à une chronique sur ce blog dédié au 7e Art, ce n’est pas seulement parce qu’il écrit par un cinéaste, mais aussi parce que, au fond, il dit presque autant de Jean que de Pierre-Auguste. On y apprend beaucoup de détails passionnantes sur la vie de ce dernier, ses rencontres (avec Gounod notamment), ses amitiés (avec Monet surtout)… On y découvre aussi en creux les années fondatrices du premier, qui ne deviendra réalisateur qu’après la mort de son père.

C’est beau, et c’est plein de vie.

La Crise est finie – de Robert Siodmak – 1934

Posté : 16 novembre, 2023 @ 8:00 dans 1930-1939, DARRIEUX Danielle, SIODMAK Robert | Pas de commentaires »

La Crise est finie

La filmographie de Robert Siodmak est un coffre aux trésors qui ne cesse de surprendre. Le futur réalisateur des Tueurs et d’autres chefs d’œuvre du film noir hollywoodien a eu plusieurs vies, et l’une d’elles l’a amenée en France, où il a signé une poignée de films très recommandables, voire formidables (Mollenard, une merveille). La Crise est finie, l’un des premiers qu’il tourne chez nous, n’est pas le plus connu. Il est peut-être le plus surprenant.

Une opérette : voilà ce que Siodmak, dont le nom évoque plutôt des atmosphères très sombres, et très pessimistes, réalise avec ce film, adapté d’une nouvelle de son frère Curt. Une opérette comme on en tourne à la douzaine à cette époque en France, et avec des habitués du genre : Danielle Darrieux et Albert Préjean.

C’est surtout pour la première que je me suis lancé dans cette Crise… joyeuse. Mais le film est tout à la gloire du second, Préjean, sans surprise mais plein de vie. Il est presque de toutes les scènes, et surtout de tous les morceaux de bravoure, c’est à dire les moments chantés qui rythment le film. Joyeux, surtout quand il chante « la crise est fini-e » (le e prononcé est important), avec une conviction contagieuse.

Darrieux, elle, se contente de promener son joli minois, sans avoir grand-chose à jouer tant son personnage (comme tous les autres personnages d’ailleurs) est monobloc et sans aspérité. Le scénario, d’ailleurs, ressemble à tant d’autres, vagues prétextes pour des bluettes musicales, romantiques et chantantes sans grands enjeux.

La Crise est finie est clairement dans ce registre. On y prend pourtant un grand plaisir, grâce au rythme et à l’ambition de la mise en scène, ample et généreuse. Et grâce à l’émotion, assez inattendue, qu’insuffle Siodmak, notamment avec le personnage quasi-muet de la mère de Darrieux, dont les apparitions sont comme des rappels de la simplicité et de la profondeur de la vraie vie.

Ce qui frappe aussi dans le film, c’est la beauté de la photo, contrastée et tout en ombres et en clairs obscurs. La Crise est finie est peut-être la comédie la plus innocente de Siodmak. Le film annonce pourtant, esthétiquement, la grandeur de son œuvre noire à venir.

Variétés (Varieté) – d’Ewald André Dupont – 1925

Posté : 15 novembre, 2023 @ 8:00 dans 1920-1929, DUPONT Ewald André, FILMS MUETS | Pas de commentaires »

Variétés 1925

Dix ans avant le film de Nicolas Farkas (avec Jean Gabin), le même roman de Felix Hollaender était adapté en Allemagne (et en muet, bien sûr), par un cinéaste dont le nom m’avait jusqu’à présent totalement échappé… et c’est une splendeur.

Bien plus que son remake, ce Variétés là nous plonge dans l’univers du cirque et des voltigeurs, ces artistes de trapèze qui sont au cœur du film. Dupont, en alternant scènes intimes et séquences grouillantes de vie, donne du corps à cette vie nomade de saltimbanques constamment sur la route, constamment dans le mouvement.

La mise en scène est d’une inventivité folle, pour souligner le mouvement parfois frénétique, parfois pesant. La séquence d’ouverture est en cela impressionnante, avec cette lente marche d’un prisonnier dont on sent tout le poids de l’existence sur les épaules, sentiment décuplé par le décor, couloir interminable et bas qui semble écraser le personnage.

Ce prisonnier, c’est Emil Jannings, qui ne va pas tarder à raconter ce qui l’a amené en prison. Une histoire on ne peut plus banale : un bête triangle amoureux. Un couple, un troisième larron qui séduit la jeune femme, et un cocu d’autant plus abattu qu’il a quitté femme et enfant pour suivre sa belle. On ne peut plus classique, donc, à ceci près que ces trois-là forment un trio de trapézistes, et que le cocu est le porteur des deux autres…

Sur le papier, c’est cette menace potentielle qui est à peu près la seule originalité du récit. A l’écran, ce dilemme moral tient à peu près trois minutes, le temps d’un numéro de voltige assez oppressant. Pas plus, comme si Dupont, justement, se désintéressait de cette originalité dramatique. Le décor est spectaculaire, mais ce sont les détails, les petits accidents de la vie, qui l’intéressent vraiment.

La manière dont il filme Jannings jaugeant sa femme et sa future maîtresse, soumis à un dilemme autrement plus complexe. La mise en scène de Dupont est d’une précision et d’une intelligence remarquables. Suffisamment pour donner très envie d’en découvrir beaucoup plus de ce réalisateur tombé dans l’oubli, qui signe là ce qui ressemble bien à un chef d’œuvre. Passionnant, magnifique, et superbement restauré en 2015, ce qui ne gâche rien.

13 Washington Square (id.) – de Melville W. Brown – 1927

Posté : 14 novembre, 2023 @ 8:00 dans 1920-1929, BROWN Melville W., FILMS MUETS | Pas de commentaires »

13 Washington Square

Pas de quoi se relever la nuit, mais elle est plutôt marrante, cette comédie signée par un réalisateur qui n’a pas laissé une trace inoubliable dans l’histoire du cinéma : un certain Melville W. Brown, dont je n’avais encore jamais entendu parler, mais dont la vivacité de la mise en scène donne envie d’en connaître plus.

La grande faiblesse de ce film, c’est sans doute la légèreté de son enjeu dramatique, qui ne dépasse pas le stade du petit potin mondain. En gros : une femme du grand monde renonce au voyage qu’elle s’apprêtait à faire en Europe lorsqu’elle apprend le projet de son fils de se marier avec une femme d’un niveau social bien plus bas. Elle se fait alors passer pour une bonne et retourne en toute discrétion dans sa maison pour contrecarrer les projets de son fils.

La grande force, c’est justement la vivacité de la mise en scène, la manière dont Brown filme ce vaudeville bon enfant en reprenant les codes visuels du thriller, voire du film d’épouvante dans une maison hantée. Toute la seconde partie du film se concentre en effet dans cette grande maison, au 13, Washington Square, où les différents protagonistes se croisent ou s’évitent, bougies à la main, affrontant l’obscurité et l’incertitude de ce qu’ils vont trouver derrière chaque porte.

Le spectateur, lui, est constamment dans la connivence : tout est légèreté et dérision, et le danger que les personnages pressentent n’est que faux-semblant. On sent bien que le faux diacre et vrai escroc joué par Jean Hersholt a un grand cœur. Et que la froide Mrs De Peyster (Alice Joye) finira par s’assouplir. Pas de vrai suspense donc, juste le plaisir de voir cette demi-douzaine de personnages jouer à se faire peur.

Dans ce va-et-vient incessant et sans conséquence, ZaSu Pitts tire particulièrement son épingle du jeu. Dans son éternel personnage de bonne un peu écervelée, et facilement effrayée, elle est assez irrésistible, avec cette manie qu’elle a d’utiliser des mots à mauvais escient. Petit effet comique assuré, même par l’intermédiaire d’intertitres (le film est muet). Le plaisir qu’on prend devant cette petite chose doit beaucoup à sa présence.

Le Village du péché / Les joyeuses commères de Riazan (Baby rjasanskije) – d’Olga Preobrajenskaïa et Ivan Pravov – 1927

Posté : 13 novembre, 2023 @ 8:00 dans 1920-1929, FILMS MUETS, PRAVOV Ivan, PREOBRAJENSKAÏA Olga | Pas de commentaires »

Le Village du péché

Tourné dix ans après la révolution russe, on ne peut pas dire que ce film mette vraiment en valeur le monde paysan, souvent magnifié dans les films soviétiques des premiers temps. C’est même à se demander comment Le Village du péché a pu surmonter l’écueil de la censure, tant il donne une image archaïque et patriarcale de cette Russie rurale.

Bien sûr, l’histoire commence en 1914, avant la révolution donc, pour se terminer quatre ans plus tard. Mais de cette révolution, on ne verra rien, si ce n’est ce château réapproprié pour être transformé en orphelinat par le personnage le plus fort du film. Pas l’héroïne, mais sa belle-sœur. Mais rembobinons un peu…

L’histoire commence donc en 1914, dans une famille de fermiers très traditionnels. Il y a le père, homme vieillissant et austère, qui mène son petit monde avec autorité, bien décidé, notamment, à choisir avec qui se marieront ses enfants. Bonne nouvelle pour le fils Ivan : le choix se porte sur celle dont il est tombé amoureux au détour d’une promenade.

La fille Wassilisa a moins de chance : le père refuse catégoriquement qu’elle épouse le forgeron dont elle est amoureuse. Trop pauvre, pas assez comme il faut. Alors elle se rebelle, et part s’installer avec son forgeron, qui promet de l’aimer comme s’ils étaient mariés. Pas suffisamment, au regard de la société locale si bien pensante.

Pendant ce temps, Ivan et sa femme Anna profitent de leur bonheur. Mais août 1914 arrive. La déclaration de guerre, Ivan est appelé à combattre. Le temps passe, le jeune homme ne donne plus de nouvelles. Le père, qui n’est pas seulement autoritaire, mais aussi alcoolique et dénué de scrupule, viole sa belle-fille, qui donne naissance à un enfant. Et qui c’est qui revient ? Ivan bien sûr…

C’est un mélo tragique que signent les deux réalisateurs. C’est surtout un film d’un féminisme désespéré, une charge violente et forte contre le patriarcat et le sort réservé aux femmes, qui représentent à la fois la victime de cette société qui conduit dans l’impasse (le personnage d’Anna, très dans la tradition) et son seul espoir (celui de Wallilisa, plus libre et plus lumineux).

Beau film, bouleversant, qui dresse aussi une peinture passionnante de ce monde rural disparu, avec de longues scènes consacrées au folklore local et aux gestes quotidiens des femmes qui lavent le linge ou confectionnent des tissus. Scènes d’un réalisme confondant, tournées dans les décors réels de l’histoire.

On notera enfin la belle partition musicale du film restauré par Lobster, qui comprend des chants de femmes enregistrés vers 1950 à Riazan, la ville où se déroule l’histoire, et qui soulignent joliment les scènes de folklore, renforçant le sentiment d’immersion dans ce monde en pleine mutation.

On ne vit que deux fois (You only live twice) – de Lewis Gilbert – 1967

Posté : 12 novembre, 2023 @ 8:00 dans * Espionnage, 1960-1969, GILBERT Lewis, James Bond | Pas de commentaires »

On ne vit que deux fois

James Bond, épisode 5. Et pour la première fois, on sent que Sean Connery a le sentiment d’avoir fait le tour du personnage. Après quatre premiers films qui sont parmi les meilleurs de la saga, celui-ci marque un net recul, peut-être par son incapacité à vraiment se renouveler. D’ailleurs, Connery cédera son double-zéro à George Lazenby après ça… avant de s’y recoller pour une sixième et (presque) dernière mission.

Il y a quand même une particularité à ce film : la place qu’il réserve au Japon, avec un James Bond qui doit même tenter de se faire passer physiquement pour un Asiatique. Bon… Sans vouloir contrarier les efforts de Connery et des maquilleurs, le résultat n’est pas totalement convainquant. Pour rester courtois.

Mais c’est à la culture nippone que l’on doit les meilleurs moments d’On ne vit que deux fois, avec des images traditionnelles qu’on voit peu dans le cinéma d’action, comme ce combat de sumo ou ce défilé d’épouses dont la misogynie sied parfaitement au personnage, qui enchaîne évidemment les conquêtes avec une facilité déconcertante… surtout que, c’est bien connu, les Japonaises sont fascinées par les poils !

Oui, le cliché n’est jamais bien loin, dans cette vision très occidentale du Japon, avec de longues scènes fascinées consacrées au ninja, dont la popularité est alors en plein essor.

Très en deçà des précédents, On ne vit que deux fois reste pourtant un Bond plaisant, voire réjouissant par moments, mais uniquement pour ses fondamentaux : les apparitions de M, Q et Moneypenny, l’apparition de Blofeld (Donald Pleasance en roue libre), la base des méchants dans un volcan, et l’attaque finale totalement démesurée.

Notre-Dame brûle – de Jean-Jacques Annaud – 2022

Posté : 11 novembre, 2023 @ 8:00 dans 2020-2029, ANNAUD Jean-Jacques | Pas de commentaires »

Notre-Dame brûle

Trois images. D’abord, celle d’une larme coulant sur le visage de pierre d’une statue de la Vierge. Puis, le regard d’un jeune immigré dont c’était le premier jour de gardiennage dans la cathédrale. Enfin, l’eau d’une lance à incendie qui s’écrase au ralenti sur une cloche immobile.

Ces trois images sont de brefs et beaux moments de cinéma. Emouvante mais éculée pour la première. Sensible et troublante pour la deuxième. Belle et frôlant l’abstraction pour la troisième, la plus réussie, celle où Jean-Jacques Annaud touche du doigt la force du langage cinématographique.

J’aurais quand même une double réserve sur ce film : ces trois images durent au total pas plus d’une minute ou deux (c’est peu sur 106 minutes), et le reste est à peu près totalement dénué de toute ambition artistique (c’est long, 106 minutes). A peine deux ans après l’incendie qui a ravagé Notre-Dame, Annaud se laisse emporter par sa propre émotion, et se focalise entièrement sur la reconstitution des événements.

Qui est spectaculaire et convaincante, reconnaissons-le. Mais qui n’apporte finalement pas grand-chose aux images qu’on a vu durant l’incendie et dans les jours qui ont suivi. Ce pourrait être immersif, mais ça ne l’est que superficiellement. La faute à une forme batarde sans doute, Annaud semblant être incapable de faire des choix cohérents.

Alors il hésite entre faux documentaire et film à suspense, hésitations qui pèsent sur le rythme et se voient à l’écran, comme s’il changeait de chef op toutes les trois secondes. Pour coller au plus près des événements, il utilise des décors, des comédiens et des effets spéciaux. Mais aussi des images de télévision, de smartphones, et même du Ministère de l’Intérieur (un énorme logo en atteste). Il fait aussi appel brièvement à des personnes réellement impliquées, dont la maire de Paris herself, dans une courte scène un peu gênante. Il s’essaye même sans qu’on sache vraiment ce que ça apporte au split-screen…

Annaud effleure beaucoup de thèmes qui pourraient être prometteurs : les erreurs à répétition, l’absurde course à travers Paris du gardien des clés, l’impact du drame sur le pauvre agent de sécurité, ou même la présence gênante des politiques, Macron en tête. Avec un tel matériau, Annaud aurait pu faire une demi-douzaine de films intéressants, sans doute. A condition d’avoir une vision, et un scénario.

Hélas, Notre-Dame brûle est un film qu’on sent produit à la va-vite, dans l’émotion mais sans regard. Alors oui, c’est assez impressionnant, la reconstitution est assez parfaite, l’hommage aux soldats du feu est vibrant (en tout cas dans la dernière partie). Mais c’est n’a, quand même, pas un grand intérêt.

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