Variétés (Varieté) – d’Ewald André Dupont – 1925
Dix ans avant le film de Nicolas Farkas (avec Jean Gabin), le même roman de Felix Hollaender était adapté en Allemagne (et en muet, bien sûr), par un cinéaste dont le nom m’avait jusqu’à présent totalement échappé… et c’est une splendeur.
Bien plus que son remake, ce Variétés là nous plonge dans l’univers du cirque et des voltigeurs, ces artistes de trapèze qui sont au cœur du film. Dupont, en alternant scènes intimes et séquences grouillantes de vie, donne du corps à cette vie nomade de saltimbanques constamment sur la route, constamment dans le mouvement.
La mise en scène est d’une inventivité folle, pour souligner le mouvement parfois frénétique, parfois pesant. La séquence d’ouverture est en cela impressionnante, avec cette lente marche d’un prisonnier dont on sent tout le poids de l’existence sur les épaules, sentiment décuplé par le décor, couloir interminable et bas qui semble écraser le personnage.
Ce prisonnier, c’est Emil Jannings, qui ne va pas tarder à raconter ce qui l’a amené en prison. Une histoire on ne peut plus banale : un bête triangle amoureux. Un couple, un troisième larron qui séduit la jeune femme, et un cocu d’autant plus abattu qu’il a quitté femme et enfant pour suivre sa belle. On ne peut plus classique, donc, à ceci près que ces trois-là forment un trio de trapézistes, et que le cocu est le porteur des deux autres…
Sur le papier, c’est cette menace potentielle qui est à peu près la seule originalité du récit. A l’écran, ce dilemme moral tient à peu près trois minutes, le temps d’un numéro de voltige assez oppressant. Pas plus, comme si Dupont, justement, se désintéressait de cette originalité dramatique. Le décor est spectaculaire, mais ce sont les détails, les petits accidents de la vie, qui l’intéressent vraiment.
La manière dont il filme Jannings jaugeant sa femme et sa future maîtresse, soumis à un dilemme autrement plus complexe. La mise en scène de Dupont est d’une précision et d’une intelligence remarquables. Suffisamment pour donner très envie d’en découvrir beaucoup plus de ce réalisateur tombé dans l’oubli, qui signe là ce qui ressemble bien à un chef d’œuvre. Passionnant, magnifique, et superbement restauré en 2015, ce qui ne gâche rien.
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