Play it again, Sam

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Archive pour octobre, 2023

20 000 lieues sous les mers (20.000 leagues under the sea) – de Richard Fleischer – 1954

Posté : 9 octobre, 2023 @ 8:00 dans 1950-1959, DOUGLAS Kirk, FLEISCHER Richard | Pas de commentaires »

20 000 lieues sous les mers

Il y a des classiques qui ne prennent pas une ride, même 70 ans après, et même chez Disney. Cette grosse production familiale reste même la plus enthousiasmante de toutes les adaptations de l’œuvre de Jules Verne. Et dans ces années 50, elles sont nombreuses.

Mes souvenirs du roman ne sont pas suffisamment frais pour trancher la question de la fidélité. Le fait est que Ned Lang a pour l’éternité le dynamisme insolent de Kirk Douglas, et le capitaine Nemo le flegme désabusé de James Mason. Et le Nautilus ce design-là, très inspiré des constructions d’Eiffel.

Revoir le film trente ans après a quelque chose de rare, parce que les scènes clés sont à la hauteur des souvenirs qui en étaient restés. Le combat avec le poulpe géant bien sûr, qui reste spectaculaire et admirablement tendu malgré le côté artisanal et carton-pâte (ou plutôt caoutchouc-pâte) des effets spéciaux. Ou encore le fameux « duo » chanté/dansé entre Kirk Douglas et sa compagne otarie, assez irrésistible.

Il fallait un réalisateur de l’envergure de Richard Fleischer pour transcender ce genre de morceaux de bravoure. Ou pour se sortir avec les honneurs de séquences aussi casse-gueule que l’île aux cannibales, ou la chasse sous-marine. Fleischer qui, après s’être imposé comme un grand maître du film noir (à budgets modestes), à l’instar d’Anthony Mann, prouvait qu’il était également à l’aise à la tête d’une production aussi prestigieuse.

Grand film d’aventure familial, 20 000 lieues sous les mers est aussi un film dans l’air du temps, qui porte les angoisses et les grandes questions liées à l’atome, dans une décennie ou l’ombre d’un conflit nucléaire plane sur une grande partie du cinéma américain. Je dois bien avouer que cette dimension m’avait totalement échappé enfant. Elle est pourtant centrale dans ce film qui passe du drame le plus sombre à la comédie la plus légère avec une belle aisance.

Toni – de Jean Renoir – 1935

Posté : 8 octobre, 2023 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1930-1939, RENOIR Jean | Pas de commentaires »

Toni

A l’origine de Toni, il y a un faits divers qui s’est déroulé dans le Sud de la France, dont un commissaire de la région souhaitait faire l’objet d’un roman. De ses recherches, Jean Renoir a fait un film, produit par Marcel Pagnol, dans la région et avec l’équipe de ce dernier. Pourtant, c’est bel et bien un film qui porte la marque de Renoir.

Fidèle à sa fibre humaniste, Renoir met en scène des immigrés qui rêvent d’une vie meilleure, des modestes qui se heurtent à la tyrannie de petits baronnets locaux. La séquence d’ouverture est particulièrement parlante. Un immigré présent en France depuis plusieurs années y apostrophe un néo-immigré, lui assénant les règles à respecter dans « son » pays. Tout Renoir est là, dans ce dialogue plutôt léger : sa vision d’un monde dont les frontières sont psychologiques avant tout.

Cela dit, Toni est aussi une espèce de matrice à la fois du film noir américain et du néo-réalisme italien. Ce qui n’est pas rien. L’histoire, inspirée d’un fait divers, est donc tragique, ce que l’on sent dès les premières minutes. Surtout, le décor (une colline du Sud, avec sa mine et ses garrigues) évoque à la fois Le Dernier Tournant (première adaptation du Facteur sonne toujours deux fois) et Lumière d’été, soit deux grands films français des années suivantes. Mais avec une fibre sociale, et le tournage en décors naturels qui annonce un cinéma du réel qui deviendra un genre en soi deux décennies plus tard.

Toni est donc un film précurseur à plus d’un titre. Et même sous le patronage de Pagnol, c’est aussi et surtout un vrai film (et un grand film) de Renoir, qui signe un drame marqué par le poids de la société comme sa filmographie en est remplie. Comme souvent à cette période, la technique est hésitante (on rêverait de voir Toni dirigé par Renoir avec des moyens techniques plus conséquents) : la qualité du son est très discutable, et rend la compréhension de l’accent marseillais assez compliqué, et les raccords sont parfois approximatifs.

Mais il y a la beauté des images, la manière dont Renoir capte l’atmosphère, et la profondeur des personnages qui, en quelques grands traits qui semblent à peine esquissés, dégagent une vérité folle et déchirante. Toni, grande réussite de Renoir, est aussi l’un de ses grands films picturaux, qui recèlent tout l’héritage familial du cinéaste. Ce n’est pas rien.

Uzak – de Nuri Bilge Ceylan – 2002

Posté : 7 octobre, 2023 @ 8:00 dans 2000-2009, CEYLAN Nuri Bilge | Pas de commentaires »

Uzak

C’est avec Uzak que le public français a découvert Nuri Bilge Ceylan. Grand Prix et double-prix d’interprétation masculine à Cannes, le film peut être considéré comme le troisième volet d’une trilogie informelle, qui a commencé avec Kasaba, le premier long métrage de Ceylan. Nuages de mai en était une sorte de making-of, dont Uzak ressemble à une suite qui ne dit pas son nom.

On y retrouve le personnage interprété par Mehmet Emin Toprak, cousin et complice incontournable de Ceylan dans ses premiers films, dont c’est l’ultime apparition puisqu’il meurt dans un accident de voiture avant même la projection à Cannes. Dans Nuages de mai, il était ce jeune homme paumé qui rêvait de partir pour Istambul. Dans Uzak, son nom a changé, mais on jurerait que c’est le même jeune homme paumé qui arrive à Istambul…

Il y est hébergé, le temps qu’il trouve un boulot, par un vague cousin, qui est surtout un ancien du même village, installé lui à Istambul depuis de nombreuses années. D’emblée, une sorte de malaise s’installe entre les deux hommes, entre le « rat de ville » et le « rat des champs », qui ont si peu à se dire. Le premier multiplie les gestes qui montre au second à quel point sa présence est importune.

Le Nuri Bilge Ceylan de ces années-là n’est guère bavard : le cinéaste a souvent dit qu’il se sentait alors peu adroit avec les dialogues. Ce qui changera radicalement et de façon spectaculaire dans ses grands chefs d’œuvre à venir. Uzak est ainsi un film franchement taiseux, et ce silence souvent pesant illustre parfaitement le rapport des deux hommes, reliés uniquement par un village lointain que tous deux ont cherché à fuir

Plusieurs moments mettent en scène l’exaspération de Mahmut (Muzaffer Özdemir, lui aussi présent dans les deux premiers films de Ceylan), dont la seule ambition semble être de retrouver son calme et de pouvoir se mater un porno tranquille. Cette exaspération, il la tait, mais il la fait sentir par des silences, des regards, une manière d’aller ostensiblement éteindre une lumière laissée allumée, ou fermer une porte laisser ouverte.

Si, côté dialogues, Ceylan est loin de son état de grâce à venir, côté visuel, le génie du cinéaste est déjà à son apogée. Pas une image anodine dans Uzak, dont on pourrait encadrer chacun des photogrammes. Ceylan filme les paysages enneigés et les visages en gros plans comme personne, enfermant ses personnages dans une tension grandissante, et dans une solitude abyssale.

Visuellement somptueux et d’une profondeur extrême, comme tous les films de Ceylan, Uzak est aussi une œuvre très personnelle pour le cinéaste, qui s’inspire de sa propre vie, filme des membres de sa famille, et tourne dans son propre appartement. Ou comment transformer de petits riens, des sensations plus que des sentiments, en des moments de très grand cinéma…

La Chute des héros (Time Limit) – de Karl Malden – 1957

Posté : 6 octobre, 2023 @ 8:00 dans 1950-1959, MALDEN Karl | Pas de commentaires »

La Chute des héros

La Chute des héros est l’unique réalisation de Karl Malden (ou presque : l’acteur a aussi remplacé Delmer Daves, malade, sur le tournage de La Colline des potences deux ans plus tard). Pourtant, c’est un autre acteur qui est à l’origine du film : Richard Widmark, qui a découvert la pièce originale sur scène, et a créé sa société de production pour pouvoir la porter à l’écran.

Avec une belle ambition : parce que l’essentiel de l’intrigue se déroule dans un unique bureau, où un officier enquêteur interroge un soldat accusé de trahison. Parce que la pièce originale est bavarde. Et parce qu’au-delà du suspense, réel et efficace, c’est la détresse psychologique des hommes soumis à la violence en temps de guerre qui est le vrai sujet.

En l’occurrence la guerre de Corée, qui inspire le cinéma américain à cette époque (Les Ailes de l’espérance et Côte 465, pour ne citer qu’eux, sont tournés la même année), souvent sur un ton moins héroïque que la seconde guerre mondiale. Qu’est-ce qu’être un héros ? Une vie irréprochable peut-elle être gâchée par un instant de faiblesse ? Des sujets du bac qui sont en fait au cœur du film.

Plutôt audacieux, donc. Et plutôt très convaincant. Malden n’est sans doute pas le plus grand cinéaste du monde, et il n’évite pas quelques petites longueurs, et quelques lourdeurs. Mais il est un acteur qui connaît les acteurs, et qui a visiblement envie d’en tirer le meilleur. Ce qu’il fait avec Widmark en enquêteur impliqué et souvent dépassé, ou avec Richard Basehart en faux traître hanté et buté. Le face à face entre les deux hommes est passionnant, mais les seconds rôles aussi sont formidables. A commencer par Martin Balsam, qui illumine et dynamise toutes ses scènes.

Quant au côté verbeux de la pièce, il est habilement gommé par les flash-backs, qui illustrent la rudesse de la guerre par le décor unique d’un camp de prisonniers, et pour lesquels Malden change radicalement de ton. Des images beaucoup plus sombres, des dialogues rares, des visages en gros plans… Avec une belle économie de moyens, Malden met en images la détresse de soldats emprisonnés loin de chez eux, confrontés à la mort et à la peur.

Stillwater (id.) – de Tom McCarthy – 2021

Posté : 5 octobre, 2023 @ 8:00 dans * Thrillers US (1980-…), 2020-2029, McCARTHY Tom | Pas de commentaires »

Stillwater

Un film américain dont l’action se passe à Marseille et qui ne met pas en scène le Vieux Port ne peut pas être foncièrement mauvais. Un peu comme un film américain qui se passerait à Paris et qui ne s’ouvrirait pas sur douze plans de la Tour Eiffel. Ou un film catastrophe dans lequel un chien périrait. Ou… Enfin vous voyez : sans doute le petit signe d’une volonté d’authenticité.

Et de ce côté à, Stillwater tient toutes les promesses de ses premières scènes. Marseille a rarement été filmé aussi longuement et avec un tel sentiment de vérité, en tout cas devant la caméra d’un Américain, que dans ce faux thriller dont le titre laissait penser, allez savoir pourquoi, à un film-enquête dans la lignée de Spotlight, le précédent opus de Tom McCarthy.

On n’y est pas du tout, même si Stillwater est également inspiré d’une histoire vraie : le destin d’une jeune Américaine condamnée à une lourde peine de prison pour le meurtre d’une Européenne. Une simple inspiration, en fait, tant McCarthy, qui portait le projet depuis des années, prend de larges libertés avec le fait divers authentique.

Son film se base avant tout sur le père de la jeune femme : un pur Américain dans ce qu’il a de plus moyen. Père célibataire, accent à couper au couteau, fervent catholique, ouvrier du pétrole et du bâtiment, défenseur du port des armes… Un pur produit de l’Amérique profonde, presque un cliché, à ceci près que ce genre de personnages est rare au cinéma, en tout cas dans un rôle de premier plan.

Là, il a les traits de Matt Damon, absolument formidable, qui rend bouleversant ce type un peu bas du front, brut de décoffrage, qui débarque dans une ville dont il ne connaît ni les coutumes, ni la langue. Un type qui est passé par tous les excès, qui a visiblement détruit à peu près tout ce qu’il avait, et qui essaye désespérément et avec l’habileté d’un bulldozer de faire ce qu’il faut pour sa fille. En l’occurrence la sortir de taule en prouvant son innocence.

Le côté thriller ne tient pas longtemps : dès qu’un vague suspense se met en place, McCarthy s’amuse à le torpiller pour se concentrer sur l’essentiel, la déroute de cet homme, et ce soudain espoir qui prend la forme d’une Française, « une sorte d’actrice », jouée par Camille Cottin, qui lui ouvre des horizons inattendus. Et beaucoup d’émotion, jusqu’à une dernière phrase, un dernier regard, magnifiques.

Mission Impossible : Dead Reckoning, part 1 (id.) – de Christophe McQuarrie – 2023

Posté : 4 octobre, 2023 @ 8:00 dans 2020-2029, ACTION US (1980-…), CRUISE Tom, McQUARRIE Christopher | Pas de commentaires »

Mission Impossible Dead Reckoning part 1

Le sentiment que me procure la saga Mission Impossible ne fait que se renforcer depuis que Christopher McQuarrie est devenu le yes-man de Tom Cruise : voilà bel et bien et définitivement les films d’action les plus ébouriffants et les plus enthousiasmants qui soient, mais quand Cruise redeviendra-t-il cet acteur qui savait surprendre et se mettre en danger ?

Ce sentiment est d’autant plus fort que cet épisode 7 (ou plutôt 7A, avant la sortie du 7B l’été prochain) a beau être jouissif comme aucun autre film d’action depuis Fallout, il donne pour la première fois l’impression de ronronner, en citant d’autres films de la saga : la tempête de sable de Ghost Protocole notamment, mais surtout le premier opus, dont on retrouve un personnage oublié depuis, celui de Kittridge (« Kittridge, you’ve never seen me very upset ! »).

On pourrait voir ça comme une manière de boucler la boucle, cette mission en deux films ayant été annoncée un temps comme un ultime baroud pour Ethan Hunt (mais Cruise semble être revenu depuis sur ses bonnes intentions… peut-être que le box-office en demi-teinte lui fera entendre raison après tout). Mais cela sonne surtout comme une incapacité à se réinventer, comme si, presque trente ans après, on avait fait le tour.

Il faut dire aussi que la saga n’avait pas été conçue comme la série cohérente qu’elle est devenue sous la houlette de JJ Abrams, puis McQuarrie, mais comme une sorte d’anthologie qui consisterait à confier chaque épisode à un cinéaste à la personnalité forte, chacun devant réinventer le personnage de Hunt, et la manière de filmer l’action. En cela, le très mal aimé épisode 2 signé John Woo reste sans doute le plus radical de tous les films de la série…

Avec McQuarrie, on est loin de ces audaces. Et Cruise s’enferme de plus en plus dans un processus de surenchère qui ne peut pas être sans fin. Comment pourrait-il aller plus haut que le Burj Khalifa ? Comment pourrait-il faire plus dangereux que s’accrocher à un avion cargo qui décolle ? Le plus beau, c’est qu’il y arrive encore, avec une poignée de séquences hallucinantes…

Deux d’entre elles, surtout, marquent les esprits. La plus immersive : celle où, à moto, il saute d’une falaise avant d’ouvrir son parachute, séquence filmée au plus près de l’acteur-cascadeur, assez incroyable. La plus inventive : celle où Hayley Atwell et lui traversent à la verticale les wagons d’un train accroché dans le vide, moment de suspens assez classique sur le papier, mais totalement réinventé à l’écran.

Mais même ces moments exceptionnels, si bluffants soient-ils, n’arrivent plus à totalement nous surprendre. Un peu sur le principe : oui, c’est dingue, mais on n’en attend pas moins… La saga continue à innover, à repousser les limites, mais une sorte d’habitude s’est installée, qui est le signe qu’il serait peut-être temps de passer à autre chose.

Un autre signe que Cruise s’installe dans une logique routinière très personnelle : on avait déjà remarqué qu’il ne mangeait jamais, mais voilà qu’il est désormais totalement désexué, franchissant encore une étape dans ce sens après Top Gun : Maverick. Ça n’a pas toujours été le cas : il y avait une certaine sensualité dans les rapports de son personnage avec Emmanuelle Béart ou Thandie Newton, dans les premiers films. Ici, pas le moindre trouble manifeste entre Hunt et le personnage joué par Hayley Atwell.

Personnage que l’on découvre ici, et qui prend d’emblée une importance centrale, repoussant au second plan celui autrement plus passionnant, et troublant, de Rebecca Ferguson, qui était pourtant le plus enthousiasmant des derniers épisodes. Comme si ce personnage dirigeait la saga vers des zones plus incertaines dont le duo Cruise/McQuarrie ne voulait pas.

La grande originalité du film, c’est sans doute la nature du grand méchant. Et ce grand méchant, ce n’est pas le personnage dangereux et (encore) mystérieux d’Essai Morales, sorte de nemesis de Hunt dont le prochain film nous dévoilera sans doute les secrets. Non, le grand méchant est… une intelligence artificielle, plongeant la saga dans une actualité qui, pour le coup, est assez troublante.

C’est sans doute la première fois que j’écris une chronique aussi négative sur un film qui, finalement, m’a procuré tant de plaisir. Voilà toute l’ambivalence de la carrière récente de Tom Cruise, acteur dont je ne me lasserai jamais de revoir les grands films, d’Eyes Wide Shut à Collateral, acteur dont j’attends chaque nouveau film d’action avec impatience (et Dead Reckoning Part 2 ne fera pas exception), mais acteur qui, à 60 ans bien tapé, pourrait peut-être enfin se réinventer ?

Des filles disparaissent (Lured) – de Douglas Sirk – 1947

Posté : 3 octobre, 2023 @ 8:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, SIRK Douglas | Pas de commentaires »

Des filles disparaissent

Une danseuse devient suppléante de la police pour tenter de démasquer le tueur en série qui s’en prend à des jeunes femmes comme elle depuis des semaines… Mais… Mais… Ne serait-ce pas l’histoire de Pièges, le film français de Robert Siodmak, que l’on retrouve dans ce polar signé Douglas Sirk. Mais si, mais si : Lured est bel et bien un remake, qui reprend les grandes lignes de l’intrigue pour la transposer à Londres.

Et le résultat est tout aussi passionnant que le film de Siodmak. Après un film anti-nazi (Hitler’s Madman), un drame sur les Russes blancs (L’Aveu) et une comédie policière en costumes (Scandale à Paris), le néo-américain Douglas Sirk prouve que, avant de devenir le grand spécialiste du mélodrame en technicolor, il était un touche-à-tout déjà très doué.

Un film d’atmosphère, pourrait-on dire, qui vaut à la fois pour l’intrigue elle-même, un whodunit diablement efficace, que pour sa galerie de personnages. La jeune danseuse notamment, interprétée par une Lucille Ball très à l’aise pour passer d’un registre sombre à une folie débridée, à l’image de la relation qu’elle forme avec son « ange gardien », un George Zucco patibulaire et paternaliste à la fois. Ces deux là offrent quelques-uns des moments les plus réjouissants du film.

Et puis Charles Coburn, toujours attachant. Et puis Joseph Calleia, dont on se méfie toujours. Et puis George Sanders, dans sa veine la plus charmante. Et puis Cedric Hardwicke, toujours entre dignité et rigidité. Et puis Boris Karloff, qui débarque avec l’aura horrifique de sa déjà longue carrière, et à qui revient le moment le plus étonnant et le plus flippant : un défilé de haute couture devant un « public » totalement figé (z’avez qu’à voir le film).

Plus qu’une simple curiosité dans le parcours de Sirk, Lured prouve que le cinéaste est aussi un grand réalisateur de films noirs. Il n’aura pas souvent l’occasion de le rappeler, mais il le confirmera avec l’excellent Jenny, femme marquée deux ans plus tard.

The Lost City of Z (id.) – de James Gray – 2016

Posté : 2 octobre, 2023 @ 8:00 dans 2010-2019, GRAY James | Pas de commentaires »

The Lost City of Z

En quittant la jungle urbaine qui était le décor de ses cinq premiers films, James Gray allait-il rester ce cinéaste passionnant que l’on aime tant ? Non, il fait mieux que ça : il se réinvente, et signe tout simplement son chef d’œuvre, ce film dont on se dit qu’il est le signe de tous les possibles. Gray peut s’emparer d’un univers qui a priori lui est étranger, et en faire une œuvre profondément personnelle, et d’une intensité folle. Bref, il peut tout faire : ses deux films à suivre (le SF Ad Astra et le très intime Armageddon Time) le confirmeront.

N’anticipons pas… The Lost City of Z est d’abord une histoire vraie : celle de Percy Fawcett, officier britannique du début du XXe siècle, qui est envoyé au cœur de l’Amazonie avec la mission d’établir une carte détaillée de ces contrées encore sauvages, alors que lui ne rêve que d’exploits héroïques pour effacer la tâche familiale que représente le comportement d’un père alcoolique et joueur.

La figure du père… Omniprésente depuis Little Odessa dans l’œuvre de Gray, elle est ici doublement centrale : d’abord dans ce poids que représente le souvenir du père disparu, puis dans les relations que fuit Fawcett avec son propre fils, dont la naissance correspond à son premier voyage, et qui finira par partir avec lui pour son ultime aventure amazonienne vingt ans plus tard.

Et ce n’est pas spoiler que d’évoquer « l’ultime » voyage : le poids du destin pèse constamment sur le film, la conscience que cette plongée dans une aventure qui tourne à l’obsession finira mal, et mystérieusement. L’obsession : le fil conducteur du film, qui donne le sentiment de creuser de plus en plus profondément le même sillon, au fil des voyages successifs.

Charlie Hunnam est exceptionnel dans ce rôle d’une intensité dingue, personnage douloureux et tourmenté, habité par une soif absolue de s’accomplir, et qui ne trouvera un semblant d’apaisement qu’en flirtant avec les limites de l’humanité. Et on notera aussi au passage la prestation d’un Robert Pattinson méconnaissable en compagnon de voyage, magnifique contrepoint au personnage de Fawcett.

On pense bien plus à Aguirre d’Herzog qu’aux Aventuriers de l’Arche perdue de Spielberg. Mais The Lost City of Z est sur un autre registre, plus intime, étrangement plus apaisé aussi. Un film qui, au fond, échappe à toute comparaison possible pour s’imposer comme un grand James Gray. Un film visuellement splendide, dont la beauté formelle nous plonge dans les méandres mentaux de son héros. Un chef d’œuvre.

Marlowe (id.) – de Neil Jordan – 2022

Posté : 1 octobre, 2023 @ 8:00 dans * Thrillers US (1980-…), 2020-2029, JORDAN Neil | Pas de commentaires »

Marlowe

Plutôt excitant de revoir le cinéma américain s’intéresser à Philip Marlowe, grande figure de la grande époque du film noir immortalisé par Dick Powell, Robert Montgomery et surtout Humphrey Bogart, et qu’on n’avait plus revu depuis le remake du Grand Sommeil avec Robert Mitchum.

Plutôt excitant, aussi, de savoir que c’est Liam Neeson qui enfile l’imper, rappelant qu’avant de se perdre dans des actioners interchangeables, le gars s’était illustré dans des tas de choses très différentes, et notamment dans le néonoir Faute de preuves, qui m’avait laissé un souvenir assez fort dans mon adolescence (pas revu depuis…).

Plutôt excitant encore de voir l’affiche du film, la revenante Jessica Lange dans un rôle trouble, et le pas manchot Neil Jordan aux manettes. S’il n’est pas le réalisateur le plus excitant de ces dernières décennies, Jordan a au moins un authentique savoir-faire, ne serait-ce que dans l’art de créer une atmosphère tendue. Ce qui pour un film noir est plutôt un bon signe.

Verdict ? Eh bien c’est tortueux à souhait, Neeson est très convainquant, Jessica Lange et Diane Kruger sont énigmatiques telles qu’on les attendait, la reconstitution du L.A. des années 30 est particulièrement soignée. Bref, cette adaptation d’un roman de John Banville (non, pas de Raymond Chandler) ne démérite pas.

Mais (on le sentait arriver ce « mais », non ?) tout ça reste très, trop propre. Jordan semble écraser par les grands maîtres dans les pas desquels il marche (dont Hawks, quand même), et son Marlowe reste un hommage plaisant, qui ne dépasse jamais le statut de pastiche soigné. Plaisant, quand même, c’est déjà pas mal…

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