Le Détour (Saturday Night) – de Cecil B. De Mille – 1922
Ah ! L’ironie de ce dernier plan ! Oui, non, pas question de spoiler bien sûr, et de dévoiler la conclusion de cette romance à quatre, qui évoque l’amour pour le moins complexe lorsqu’il tente d’effacer les barrières sociales…
Le Cecil B. De Mille de cette première période étudie décidément sous toutes les coutures les mystères des rapports entre les hommes et les femmes. Avec sa fidèle complice Jeanie Macpherson, sa scénariste depuis Forfaiture, il imagine non pas un, mais deux couples contre-nature sociale.
D’abord, deux couples qui semblent si naturels. L’un sans le sou, qui se croise et se toise de part et d’autre d’une palissade. L’autre richissime : un jeune millionnaire fiancé à une riche héritière. Mais cette dernière tombe amoureuse de son chauffeur, qui n’est autre que le gars de la palissade, tandis que le riche fiancé décide d’épouser la fille de ladite palissade.
Vous suivez ? Toute la question est de savoir si, oui ou non, ces deux couples qui défient l’ordre établi ont une chance. Ou pas. Et toute la réponse repose sur ce constat implacable : on est chez De Mille, pas chez Capra. Ce qui donne une idée assez précise de l’issue de l’histoire, et de l’ironie, donc, de ce dernier plan.
Un constat, aussi, qui rappelle que le film a été tourné il y a un siècle : quel que soit le choix des uns et des autres, quel que soit le niveau social et la richesse de celui ou celle dont on tombe amoureux(se), c’est le train de vie et le quotidien de l’homme que l’on va adopter. En d’autres termes : c’est à la femme de s’adapter.
D’où deux situations pathétiques ou comiques, c’est selon : une femme de peu dont les manières ne sont que gênes pour sa belle-famille, et une riche héritière incapable de se faire aux mœurs de son mari mal dégrossi. Dans les deux cas, pour faire simple : la femme fout la honte à son homme. Qui commence à trouver le temps à long et à s’interroger sur le bien fondé de son coup de foudre.
C’est un De Mille essentiellement tourné vers les personnages, qui semble très loin de ses grandes fresques à venir. Mais son sens de l’ampleur et de l’emphase apparaît régulièrement, dans les scènes de grandes soirées, grouillantes de vie. Et comme dans tous ses meilleurs films, cette ampleur ne vient jamais écraser le récit, lui donnant au contraire un socle solide.
C’est aussi un De Mille qui, mine de rien, s’oppose à l’angélisme hollywoodien déjà en vigueur. Pas dupe, mais naïf, il signe un double romance qui dit toute la limite de l’amour à tout prix, rappelant le poids écrasant des conventions, et ramenant à chacun à ses obligations. Ce qui peut se faire avec jubilation. Ou avec l’ironie si cruelle de cette dernière image.
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