La Double Enigme (The Dark Mirror) – de Robert Siodmak – 1946
Il y a eu un meurtre, et le flic joué par le bonhomme Thomas Mitchell en est persuadé : il a été commis par la jolie Olivia De Havilland. L’affaire est pliée ? Ben non, elle ne fait que commencer : parce que dans la douce Melanie d’Autant en emporte le vent, après avoir claqué la porte de la Warner, est en quête de reconnaissance et de rôles dramatiques forts, et que cette quête passe par un rôle double.
En clair : Olivia incarne deux sœurs jumelles. Et non seulement le bon Thomas ne sait pas laquelle des deux est le tueur, mais il a la plupart du temps un doute sur l’identité de la sœur qu’il a face à lui, conscient d’être le jouet de leurs tromperies assumées. Siodmak s’en amuse et multiplie les fausses pistes. Et plus les deux semblent interchangeables, plus leurs personnalités respectives se renforcent, paradoxalement.
C’est malin, et assez vertigineux, mais l’exercice a ses limites. Techniquement, c’est assez bluffant, pas loin d’être parfait. Mais lorsqu’il s’agit de différencier les deux sœurs, Siodmak utilise des petits trucs tout discrets qui font un peu bondir : un bon gros collier avec le nom de ladite sœur par exemple, ce qui, même à une époque où on ne peut vraiment pas compter sur les effets spéciaux numériques, a tendance à nous tirer un sourire crispé.
Le film flirte aussi avec l’image du psychanalyste qui tombe amoureux de la suspecte qui est aussi un sujet d’étude, comme le Spellbound d’Hitchcock sorti l’année précédente. Sur ce point là au moins, The Dark Mirror est quand même très loin de son modèle, avec un Lew Ayres assez peu crédible en psy aux méthodes étonnantes (la faute au scénar, pas à l’acteur).
Mineur, donc, mais c’est, donc, Robert Siodmak derrière la caméra, alors au sommet de sa carrière hollywoodienne (il vient de tourner Les Tueurs). Dès la séquence d’ouverture, où l’on découvre le corps de la victime, le savoir-faire du cinéaste est là, et sa capacité à créer une atmosphère. Mineur, oui, mais prenant. Et amusant.