Stillwater (id.) – de Tom McCarthy – 2021
Un film américain dont l’action se passe à Marseille et qui ne met pas en scène le Vieux Port ne peut pas être foncièrement mauvais. Un peu comme un film américain qui se passerait à Paris et qui ne s’ouvrirait pas sur douze plans de la Tour Eiffel. Ou un film catastrophe dans lequel un chien périrait. Ou… Enfin vous voyez : sans doute le petit signe d’une volonté d’authenticité.
Et de ce côté à, Stillwater tient toutes les promesses de ses premières scènes. Marseille a rarement été filmé aussi longuement et avec un tel sentiment de vérité, en tout cas devant la caméra d’un Américain, que dans ce faux thriller dont le titre laissait penser, allez savoir pourquoi, à un film-enquête dans la lignée de Spotlight, le précédent opus de Tom McCarthy.
On n’y est pas du tout, même si Stillwater est également inspiré d’une histoire vraie : le destin d’une jeune Américaine condamnée à une lourde peine de prison pour le meurtre d’une Européenne. Une simple inspiration, en fait, tant McCarthy, qui portait le projet depuis des années, prend de larges libertés avec le fait divers authentique.
Son film se base avant tout sur le père de la jeune femme : un pur Américain dans ce qu’il a de plus moyen. Père célibataire, accent à couper au couteau, fervent catholique, ouvrier du pétrole et du bâtiment, défenseur du port des armes… Un pur produit de l’Amérique profonde, presque un cliché, à ceci près que ce genre de personnages est rare au cinéma, en tout cas dans un rôle de premier plan.
Là, il a les traits de Matt Damon, absolument formidable, qui rend bouleversant ce type un peu bas du front, brut de décoffrage, qui débarque dans une ville dont il ne connaît ni les coutumes, ni la langue. Un type qui est passé par tous les excès, qui a visiblement détruit à peu près tout ce qu’il avait, et qui essaye désespérément et avec l’habileté d’un bulldozer de faire ce qu’il faut pour sa fille. En l’occurrence la sortir de taule en prouvant son innocence.
Le côté thriller ne tient pas longtemps : dès qu’un vague suspense se met en place, McCarthy s’amuse à le torpiller pour se concentrer sur l’essentiel, la déroute de cet homme, et ce soudain espoir qui prend la forme d’une Française, « une sorte d’actrice », jouée par Camille Cottin, qui lui ouvre des horizons inattendus. Et beaucoup d’émotion, jusqu’à une dernière phrase, un dernier regard, magnifiques.
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