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tout le cinéma que j’aime

Archive pour septembre, 2023

La Découverte d’un secret (Schloss Vogelöd) – de Friedrich Wilhelm Murnau – 1921

Posté : 7 septembre, 2023 @ 8:00 dans * Polars européens, 1920-1929, FILMS MUETS, MURNAU Friedrich W. | Pas de commentaires »

La Découverte d'un secret

C’est le Murnau d’avant les grands films : il tournerait Nosferatu l’année suivante. Un Murnau un rien moins ambitieux dans ses thèmes. Mais c’est un Murnau déjà atypique, dont on fait plus que deviner la grandeur à venir.

Dans une scène de rêve qui n’apporte rien à l’histoire ni au projet, si ce n’est d’offrir une vision horrifique idéale pour offrir de belles images à diffuser dans les journaux de l’époque pour le spectateur amateur de sensations offertes, l’esthétique de la première grande adaptation du roman de Bram Stocker transparaît déjà avec une puissance visuelle frappante.

Plus tard, c’est une scène d’aveu dans un bref flash-back qui marque par la rigueur et la radicalité de sa mise en scène, mélange de grandiose et de simplicité tout en symbolique. La Découverte d’un secret, qui joue avec le goût prononcé à l’époque pour les grands châteaux pleins de mystères (vogue qui trouverait une sorte d’apogée en 1922 avec The Cat and the Canary), est comme ça parsemé de visions marquantes.

Ce sont ces visions, pour la plupart très éphémères voire cinglantes, qui font la réussite du film, basé sur une histoire de mystère dont on pressent très vite le dénouement. Un lieu clos (balayé par la pluie et le vent), des personnages aux caractères très forts qui représentent tous les pans de la culture populaire (du tragique au comique), un vieux meurtre et une mystérieuse disparition…

Ce sont des ressors simples qui sont à la base du film. Et tout en ayant bien conscience d’être devant un Murnau bien mineur, au regard du sommet que représentera L’Aurore six ans et quelques milliers de kilomètres plus tard, eh bien on prend un vrai plaisir devant ce petit serial à huis clos parfaitement maîtrisé.

Sa construction en cinq actes renforce le sentiment de vitesse qui domine, comme si les rebondissements s’enchaînaient à un rythme dingue. Pourtant, le film est avant tout basé sur des temps longs et des attentes. Peu d’action finalement, à l’image de cette grande scène de chasse dont on ne voit que le départ et le retour quinze minutes plus tard sous une pluie battante, ellipse ironique qui semble confirmer au spectateur qu’il ne faut pas s’attendre à de grands mouvements spectaculaires.

Au final, il ne se passe pas grand-chose d’autre que de l’attente, des souvenirs qui remontent, des secrets qui affleurent. Avec une belle économie de moyens, Murnau signe un vrai film de genre, plein de suspense et de drames humains. Et d’humour. Mineur, mais passionnant, et réjouissant.

La Grande Ville (Mahanagar) – de Satyajit Ray – 1963

Posté : 6 septembre, 2023 @ 8:00 dans 1960-1969, RAY Satyajit | Pas de commentaires »

La Grande Ville

La grande ville du titre, c’est Calcutta, la ville de Satyajit Ray, dont le cinéaste capte toutes les richesses, mais aussi et surtout tout ce qu’elle représente d’aliénant, tout ce qu’elle recèle de pièges et d’épreuves. Une fois qu’on a dit ça, on n’a pas dit grand-chose de la beauté de ce film qui est un peu construit sur le modèle d’Une étoile est née. A ceci près que la star sur le déclin est un mari sans histoire, et la vedette qui monte sa jeune épouse qui découvre le monde du travail…

Et à travers ces destins communs et croisés en même temps, c’est une société qui peine à sortir du patriarcat que filme Ray. Adapté d’une nouvelle publiée une quinzaine d’années plus tôt, le film est pourtant très contemporain de l’époque où il est tourné. Nous sommes donc au cœur des années 60, et le film commence en plein drame, en pleine révolution intime : Arati, jeune femme au foyer heureuse de son sort, doit se résoudre à trouver un emploi.

C’est le premier des trois films que tourne Ray avec l’actrice (sublime) Madhabi Mukherjee, avant Charulata et Le Lâche. Et l’intensité de l’actrice est centrale dans la réussite du film, la manière dont elle incarne à la fois la docilité à un mari et une belle-famille un rien conservateurs, et la découverte de la vie active et de ce que cela implique : la sociabilisation, une certaine forme de liberté, et surtout un libre-arbitre.

Ce sont les années 60, hier donc, mais l’émancipation de cette jeune femme est vécue comme un drame intime par son entourage : par les beaux-parents qui voient leur modèle bafoué, par le fils qui voit sa mère protectrice s’éloigner, et même par le mari qui voit son rôle central se déliter. Dans ce rôle plus effacé, Anil Chatterjee (que Ray avait déjà dirigé dans Trois filles), est très émouvant, dans sa manière d’incarner le lent effacement du personnage.

Ray séduit aussi par la fausse simplicité de sa mise en scène, par ces escaliers et ces dédales qu’il filme comme des symboles des tourments de ses personnages. Il donne corps aux doutes et aux espoirs, et à l’incertitude, concluant son film sur une fin ouverte magnifique, résumant en une image tous les doutes et tous les espoirs possibles.

La Bataille de Solférino – de Justine Triet – 2013

Posté : 5 septembre, 2023 @ 8:00 dans 2010-2019, TRIET Justine | Pas de commentaires »

La Bataille de Solférino

« C’est la troisième fois que je me fais humilier aujourd’hui, j’en ai ras le cul », lance un Vincent Maicagne faussement débonnaire et réellement au bout du rouleau au flic qui l’interroge rudement. Jusqu’alors on aurait vite fait de le cataloguer comme le cool rigolo ou comme le psychopathe de service, tant son jeu lunaire peut semer de fausses pistes. Mais cette réplique livre une vérité brutale et sèche qui cingle comme une gifle.

Et ça me semble une bonne manière de résumer le cinéma de Justine Triet, dès ce premier long métrage libre et envoûtant. Tout s’y mélange : l’absurde et le profond, le très léger et le très grave, les dialogues très écrits et les images volées dans une actualité bien réelle. Et de ce chaos apparent, Justine Triet tire une vérité qui secoue d’autant plus qu’on ne la voit jamais vraiment venir.

La cinéaste mêle intimement destins personnels et événements d’actualité avec une évidence totale. Parce que l’histoire contemporaine n’existe en fait que par le regard qu’on lui portes, elle fait de son héroïne non seulement une mère dépassée, mais aussi une journaliste de la chaîne d’info continue i-Télé en mai 2012, le soir de l’élection de François Hollande. Comme un espoir de jours meilleurs pour une jeune femme qui semble passer à côté de tout.

Même son rôle de mère, Justine Triet le filme d’emblée comme une épreuve à peine humaine, ouvrant son film avec une longue scène faite de petits riens, d’une mère qui peine à faire face à ses deux filles en bas âge qui pleurent beaucoup et très fort. A ce chaos initial, Justine Triet en ajoute bien d’autres : un ex-mari angoissé et encombrant (Macaigne, formidable), un baby-sitter dépassé, et d’autres rencontres plus ou moins déstabilisantes.

Entre les moments intimes et intenses, et les impressionnantes séquences filmées durant cette fameuse soirée d’élection et de liesse populaire, la réalisatrice trouve un élan commun, un mouvement faussement continue qui semble mener vers un paroxysme inévitable, mais qui privilégie les moments de calmes entre les tempêtes. Ce pourrait être bordélique, mais ce sentiment de toucher à la vérité la plus intime nous rattrape constamment.

Donner le sentiment d’un cinéma tellement libre qu’il en paraît improvisé, tout en maîtrisant totalement et absolument sa narration… Justine Triet dévoile dès ce premier long métrage une vision personnelle et un langage qui lui est propre, qui passe autant par l’image que par le son (l’utilisation des chansons, déjà…). Grand premier film d’une grande cinéaste.

Victoria – de Justine Triet – 2016

Posté : 4 septembre, 2023 @ 8:00 dans 2010-2019, EFIRA Virginie, TRIET Justine | Pas de commentaires »

Victoria

En attendant de découvrir la Palme d’Or 2023, il est bon de se replonger dans les premiers films de Justine Triet, cinéaste qui, dès ce deuxième long métrage, dévoile à la fois un univers très personnel, et une maîtrise assez impressionnante.

L’histoire de cette jeune avocate dont toute la vie semble être une fuite en avant absolument pas maîtrisée ressemble sur le papier à beaucoup d’autres films français récents. Mais le résultat est un film qui ne ressemble à aucun autre, par sa manière de toucher la vérité en flirtant avec la comédie, par la distance que la cinéaste place avec les emmerdes de son héroïne, par son utilisation formidable de chansons rares et fascinantes, ou encore par ce qu’elle révèle de son actrice principale.

Virginie Efira, dont les habitués de ce blog savent à quel point je la considère comme très grande, et qui prend ici une toute nouvelle dimension. Plutôt habituée aux comédies romantiques, la voilà qui s’empare d’un grand rôle complexe où son sens de la nuance éclate littéralement. Touchante et drôle dans la même scène, dans le même instant, elle est formidable en femme libre mais totalement enfermée dans une course dont elle a perdu toute maîtrise.

Dès les premières minutes, Justine Triet crée une ambiance atypique, faisant se côtoyer le grotesque, l’ironie et le tragique. Dans ce mariage qui ouvre le film, et qui semble si parfait au premier coup d’œil, avec ces invités bien habillés et ces belles tablées dans l’orangerie, Justine Triet multiplie les détails qui tranchent avec la perfection affichée : ce voisin de table assommant, la présence d’un singe, la témoin à la robe gênante… Et cet incident qu’elle met en scène (sans le filmer) sans le moindre effet dramatique.

Mine de rien, Justine Triet joue avec les clichés, renverse les situations attendues, confronte des réalités inconciliables. Victoria répète ad nauseum à tous ceux à qui elle se livre que le sexe ne l’intéresse plus, mais multiplie les plans culs (foireux et irrésistibles). Ses amis ont tous quelque chose de dérangeant (dont Melvil Poupaud, certes marqué a posteriori par sa prestation en mari violent dans le récent L’Amour et les forêts)… Finalement, c’est d’un ex-dealer, joué par le parfait Vincent Lacoste, que viennent les vrais moments de calme et de liberté.

Et c’est beau de voir les visages de ces personnages qui ne cherchent qu’à afficher l’image de l’épanouissement, et d’où les fêlures et défauts ne surgissent que par petits éclats. Ces éclats de vérité qui font la beauté de ce film, et du cinéma de Justine Triet. Vivement la Palme d’Or…

Dédé – de René Guissart – 1934

Posté : 3 septembre, 2023 @ 8:00 dans 1930-1939, DARRIEUX Danielle, GUISSART René | Pas de commentaires »

Dédé

Une envie de légèreté, une envie de musique et de danse… Et me voilà devant ce Dédé, adaptation effectivement pleine de légèreté, de musique et de danse d’une opérette qui elle-même devait être… etc. Bref, pas de quoi se fouler un neurone. Pas de quoi crier au génie non plus, d’ailleurs : le spectacle est tout juste joyeux, porté par des acteurs qui semblent prendre beaucoup de plaisir. Au moins autant que nous…

Il y a Danielle Darrieux, toute jeune et fraîche, dans un rôle charmant et assez creux. Il y a surtout Albert Préjean, tout aussi creux mais beaucoup plus bondissant, qui roule les r quand il chante et surjoue la joie de vivre. Un peu comme un Maurice Chevalier, qu’on imagine parfaitement dans ce rôle. Ce qui n’est étonnant : sur scène, dix ans plus tôt, c’est Chevalier qui jouait le rôle, et c’est même là qu’il a chanté le fameux « Dans la vie faut pas s’en faire », tube que reprend Préjean.

L’histoire se passe en grande partie dans une boutique de chaussures, mais on est loin, très loin de The Shop around the corner. A l’élégance romantique de Lubitsch, le réalisateur René Guissart (que je découvre) préfère une surenchère de jovialité, tournant chaque situation à la farce. Il y est question de tromperies, de dettes, d’amours déçus et de machisme éhonté. Tout ça accuse son âge, particulièrement lorsque le très digne notaire joué par Louis Baron fils se met à parler comme un jeune (de l’époque), mais ça se laisse voir avec un plaisir modeste mais bien réel.

Pour résumer et faire simple, cette opérette filmée est sympathique. A l’image du gentil cocu interprété par René Bergeron, qui ne cesse de se faire balader, mais que Guissart filme avec empathie, faisant même de lui le personnage le plus attachant de cette entreprise très anodine. Juste ce dont j’avais envie…

Le Secret du Grand Canyon (Edge of Eternity) – de Don Siegel – 1959

Posté : 2 septembre, 2023 @ 8:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1950-1959, SIEGEL Don | Pas de commentaires »

Le Secret du Grand Canyon

Je ne crois pas m’avancer beaucoup en affirmant que Le Secret du Grand Canyon est le seul film de l’histoire qui remercie dans son générique l’implication de la United States Guano Corporation, entreprise spécialisée dans le ramassage des fientes de chauves-souris. Ne serait-ce que pour cette particularité, qui a son importance dans l’intrigue, ce film méconnu de Don Siegel mérite d’être vu.

Ce n’est clairement pas le plus réputé des films de Siegel. Ni le plus célèbre, ni le plus réussi : une curiosité dont la principale raison d’être semble être ce Grand Canyon qui lui donne son titre français. Pas comme un film-carte postale, non : la région est présentée comme un désert aride et sans avenir, pleine de poussière et des souvenirs d’une mine d’or depuis longtemps désaffectée.

Ce décor spectaculaire et austère est au cœur du film, d’une intrigue qui donne le sentiment de n’être qu’un prétexte, guère original et pas toujours très crédible. Les premières minutes sont pleines de promesses pourtant : en haut du canyon, un homme tente d’en tuer un autre. L’un des deux tombe. L’autre est retrouvé mort à son tour peu après.

Le film tient en haleine tant qu’il conserve tout son mystère. La résolution n’est pas à la hauteur, et Siegel lui-même, cinéaste pourtant percutant, donne par moments l’impression de ne pas savoir quoi faire de ses personnages, qui paraissent par moments empruntés, à l’image du père Kendon, l’ancien patron de la mine dont les simples déplacements paraissent artificiels.

Le film est tout juste sympathique, porté par un Cornel Wilde plutôt pas mal, mais au charisme discret, et par une Victoria Shaw très (trop) souriante. Les seconds rôles sont particulièrement en retrait, y compris les habituellement nettement plus truculents Michel Shaughnessy (dans le rôle du shérif) et Tom Fadden (dans celui du gardien de la mine).

Même Jack Elam semble effacé. Il faut dire que son personnage est sympathique… ce qui, en soit, justifie de voir ce film un peu décevant, mais bien sympathique tout de même. Ça et une dernière séquence vertigineuse et très efficace, où vertige et guano font bon ménage.

Memento (id.) – de Christopher Nolan – 2000

Posté : 1 septembre, 2023 @ 8:00 dans * Thrillers US (1980-…), 2000-2009, NOLAN Christopher | Pas de commentaires »

Memento

Il en a fait du chemin, Christopher Nolan, depuis ce Memento qui a tant marqué les esprits au tout début des années 2000. C’était son deuxième film, son premier tourné dans des conditions confortables, et il était déjà le cinéaste de la perception et du rapport au temps qu’il n’a jamais cessé d’être, creusant ses obsessions avec des moyens de plus en plus énormes.

Au Messie du blockbuster, on peut toutefois préféré le réalisateur habité des premiers temps. Celui qui transcende un pur film de genre dans Insomnia. Ou celui qui s’amuse brillamment à nous glisser dans l’esprit d’un type qui oublie ses souvenirs immédiats toutes les quelques minutes.

Deux ans avant le très surfait Irréversible, Nolan se colle au scénario à rebours. Mais contrairement à Gaspar Noé, chez qui le procédé n’était qu’un effet choc et méprisant, lui a une bonne raison de raconter son histoire en commençant par la fin : en remontant peu à peu le temps, il place le spectateur dans la même ignorance que le héros avec sa « condition », pour utiliser le terme qu’il ne cesse de répéter.

Modèle de scénario (d’après une histoire du frangin Nolan, Jonathan), Memento ne triche jamais avec son procédé, et réussit le prodige d’être un authentique suspense, et un mystère qui se résout à l’envers : qui a tué la femme de notre héros, qui mène l’enquête tout en oubliant régulièrement ses découvertes. Un vrai tour de force, original et angoissant, auquel l’interprétation étrangement froide de Guy Pearce donne le mystère idéal.

On est chez Nolan. La question de la perception est donc centrale. Elle est même omniprésente, tant les polaroïds et les tatouages que se fait le héros pour ne pas perdre le fil sèment le trouble. Peut-on condamner quelqu’un sur les bases de notes disséminées ? Peut-on croire ce que l’on voit, sans remettre en question ses propres certitudes ? Le spectateur, témoin et acteur, se fait allégrement et brillamment manipuler…

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