The Wastetown (Shahre Khamoush) – d’Ahmad Bahrami – 2022
Un lieu unique : une casse automobile au milieu de nulle part. Une poignée de personnages seulement (sept, pas un de plus à l’écran). Peu de dialogues, encore moins d’effets faciles, de longs plans fixes dans un noir et blanc sans fioriture… Ce film iranien fait le choix de la simplicité et de la modestie, et le résultat est fascinant autant que glaçant. Parce que cette simplicité ne nuit en rien à la gravité du sujet, et à la grande force esthétique du film.
Au contraire, même. Le réalisateur iranien Ahmad Bahrami, dont c’est le troisième long métrage (et le premier à sortir en France) affiche une maîtrise exceptionnelle du langage visuel, avec ce sens du rythme assez parfait, et ces longs plans fixes qui se prolongent lorsque les personnages sont sortis du cadre, juste le temps qu’il faut pour laisser l’imagination du spectateur boucher les trous… Serait-ce l’influence du cinéma d’Ozu ?
Le sujet est fort. Une jeune femme qui vient de sortir de prison où elle a passé dix ans pour le meurtre de son mari, arrive dans cette casse où elle espère retrouver la trace du fils qui lui a été enlevé des années plus tôt. Dans cette casse, elle rencontre trois hommes, qui tous savent ce qu’est devenu l’enfant, mais qui vont chacun à leur manière utiliser leur position de mâle dominant pour profiter de la situation.
Trois hommes, trois rencontres, trois journées, et le même motif qui se répète inlassablement. Un visage fermé, une porte qui se referme, puis le broyeur de la casse qui se met en marche, et un drap blanc qui recouvre tout, comme s’il pouvait purifier la triste héroïne… Si le film a surmonté les obstacles de la censure, c’est sans doute qu’il suggère plutôt qu’il ne montre. Mais ce qu’il ne montre pas est bien là, glaçant et révoltant.
Et ce qui reste, au-delà de la beauté des images, c’est aussi le regard de Baran Kosari, bouleversante dans le rôle de cette femme abîmée, dépouillée de ses droits de mère et livrée à la volonté des hommes, qui refuse de subir. Et ce n’est rien dire de la dernière séquence, d’une force extraordinaire, qui vous remue jusqu’au plus profond. Impossible d’en dire quoi que ce soit de plus précis, mais c’est un moment qui ne laisse pas indemne.