Le Dénonciateur (The Informer) – d’Arthur Robison – 1929
J’étais jusqu’à présent totalement passé à côté du fait que Le Mouchard de John Ford, adapté d’une pièce écrite par l’un de ses cousins, était un remake. Et qui plus est d’un film assez formidable. Cinq ans avant le chef d’œuvre de Ford, et dans les dernières heures du muet, c’est un cinéaste germano-américain, Arthur Robison, qui porte à l’écran dans une production anglaise cette histoire nord-irlandaise.
Encore que, dans cette version-ci, le contexte politico-sanglant de la guerre d’indépendance irlandaise est pour le moins évacué à l’arrière-plan. Le décor est bien représentatif : celui, nocturne et grouillant de vie, d’un quartier populaire tout en briques, en misère et en humidité. Mais jamais la référence au contexte historique, prédominant dans le film de Ford, n’est clairement affiché.
L’incident à l’origine du drame, un échange de coups de feu entre deux groupes armés, peut ainsi être résumé à l’affrontement de deux gangs rivaux. La violence est la même. Quant au moteur de la dénonciation, qui donne son titre au film, ce n’est finalement rien d’autre qu’un accès de jalousie. Moins ancré dans la réalité quasi-contemporaine que le remake de 1934, le film de Robison n’en est pas moins passionnant, avec une dimension assez universelle.
Gypo Nolan est ici joué par Lars Hanson, un acteur suédois qui n’annonce en rien le Victor McLaglen génialement bas-du-front chez Ford. Lui est un homme qui fut droit, avant de se livrer à cette dénonciation aux effets dramatiques. Un brusque accès magnifiquement filmé par un incroyable travelling sortant l’homme de l’ombre et de l’isolement pour le confronter à la populace grouillante de ce bas-quartier.
Il est aussi un homme rongé par le remord, et tiraillé entre son instinct de survie et sa soif de rédemption. En 1929 comme en 1934, la rédemption et la religion ne sont pas des valeurs à prendre à la légère. Et ce sont des valeurs qui peuvent donner des conclusions pesantes, ou sublimes selon la qualité du réalisateur. Robison est doué. La fin tout en symbole de The Informer est magnifique, évoquant les grandes heures de Borzage. C’est dire.
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