Indiana Jones et le cadran de la destiné (Indiana Jones and the dial of destiny) – de James Mangold – 2023
Quinze ans déjà qu’on avait quitté notre aventurier préféré, vieillissant mais encore fringuant, à l’issue d’un épisode pour le moins faiblard malgré quelques beaux moments. Quinze ans d’annonces et de rendez-vous manqués, et voilà qu’il revient à l’aube du grand âge, et sans le regard d’un Spielberg qu’on croyait immuable. Sans Lucas aussi, ce qui pour le coup est plutôt rassurant.
Et curieusement, ce grand âge et ce regard neuf sont sans doute les meilleures nouvelles de ce cinquième opus tardif (42 ans depuis le premier film quand même) et enthousiasmant, qui nous cueille d’emblée avec une longue séquence introductive qui nous ramène à la grande période de la trilogie originelle. Même époque ou presque (la fin de la guerre en l’occurrence), mêmes ennemis (les Nazis), même rythme effréné, même nonchalance rigolarde d’un Harrison Ford rajeuni numériquement.
L’illusion est presque parfaite. Presque, parce qu’on n’échappe pas tout à fait à une espèce de lissage numérique, qui dresse une petite distance entre l’action et le spectateur. Plutôt bluffant quand même, et mené à un rythme d’enfer par un James Mangold dont on attendait le meilleur, et qui ne nous offre rien d’autre, bien plus qu’un disciple appliqué : un cinéaste enthousiasmant qui garde son identité tout en s’inscrivant ouvertement dans la lignée de Spielberg.
Après ces vingt premières minutes de pure nostalgie, la transition est brutale, et rude. Vingt-cinq ans ont passé. L’archéologue aventurier est désormais un universitaire vieillissant sur le point de prendre sa retraite. Et c’est dans un appartement sans charme de New York qu’on le retrouve, émergeant difficilement d’une nuit trop courte. Corps fatigué, visage accusant ses 80 printemps, voix un peu plus éraillée, regard lessivé par les années et les drames récents de sa vie.
Et là, la claque : qu’un héros aussi mythique, incarné par une aussi grande star, dans une saga aussi importante, assume à ce point son âge, sans tricher, sans même rien en cacher (jamais Harrison Ford n’avait encore dévoilé aussi frontalement les effets de l’âge sur son corps), voilà qui tranche pour le moins radicalement avec le tout venant des grosses productions hollywoodiennes. Et le fait de retrouver d’abord Harrison Ford comme revenu d’une autre époque ne fait que renforcer la brutalité de ce vieillissement, qui sera constamment l’un des thèmes forts du film, si ce n’est son axe central.
Le film de Mangold séduit aussi par son refus de céder à peu près à toutes les tendances mortifères du cinéma hollywoodien actuel : il évite la surenchère gratuite, ne cède pas au fan service jusqu’au-boutiste, et ne tire pas un trait sur les événements du quatrième volet, ce que bien d’autres sagas (de Terminator à Halloween) ne se sont pas gênés de faire. Au contraire : ce qui pouvait sembler être des boulets tout pourris fournissent les éléments les plus émouvants de ce film. Et non, on ne peut pas en dire plus sans gâcher quelques surprises, et une conclusion magnifique qui remuera les fans de la première heure.
Il y a, quand même, tout ce qu’on attend d’un Indiana Jones : des escales dans plusieurs continents, quelques réminiscences des premiers épisodes (le retour de Sallah notamment, dans un rôle modeste mais truculent et nostalgique), des courses-poursuites dans les modes de transport les plus inattendus (séquence géniale dans un tuk tuk à Tanger, séquence rigolote à cheval dans la fameuse parade des héros de la lune à New York), et un artefact aux pouvoirs mystérieux, en l’occurrence un cadran imaginé par Archimède il y a 2000 ans, censé permettre le voyage dans le temps.
C’est généreux et inventif, avec ce petit plus qui change tout : Indiana Jones est vieux. Et il le sait. « Those days are come and gone », lance-t-il à son vieil ami avant de s’envoler pour une aventure qui ressemble furieusement à un ultime baroud d’honneur pour un homme qui se sait en bout de course. Mais il a de beaux restes, pour le moins, et tiens largement sa place dans les nombreux morceaux de bravoure.
Et puis Mangold réussit haut la main là où Spielberg et Lucas avaient échoué en 2008 : avec le sidekick d’Indy, et avec le grand méchant. Oublié l’agaçant personnage de Shia LaBeouf. Dans le rôle de la filleule d’Indiana Jones, Phoebe Waller-Bridge apporte une fraîcheur et une fausse légèreté assez parfaites. Dans celui du Nazi de service, Mads Mikkelsen est formidable, évitant les clichés faciles, et s’imposant comme le méchant le plus fascinant de la saga.
Et cette dernière scène, dont on ne peut rien dire, mais qui assure au personnage une sortie digne de lui. Le film offre deux heures trente de pur plaisir nostalgique. Mais même s’il n’y avait que cette dernière scène, elle justifierait que Harrison Ford renfile son Fedora pour cette cinquième et ultime fois. Et puis, qu’une saga basée sur une idée presque cartoonesque de l’action se conclue sur un épisode abordant frontalement le vieillissement, ça a quand même pas mal de gueule…
* Voir aussi : Les Aventuriers de l’Arche perdue, Indiana Jones et le Temple maudit, Indiana Jones et la Dernière Croisade et Indiana Jones et le Royaume du Crâne de cristal.
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