Marianne de ma jeunesse – de Julien Duvivier – 1955
Reprocher à Duvivier d’avoir peuplé son film de brumes envoûtantes, de châteaux comme sortis d’un conte de fées, de biches gambadant à côté du héros, d’une princesse enfermée et d’un geôlier aux airs de monstre… Lui reprocher tout ça serait profondément injuste, et le signe qu’on est passé totalement à côté de Marianne de ma jeunesse, ode violemment nostalgique à une jeunesse disparue.
Le film de Duvivier relève du même procédé que le Moonfleet de Lang, ou le Night of the Hunter de Laugton, sortis, tiens, la même année. C’est le regard de l’enfance qu’adopte le cinéaste. Plus encore, même : celui de la jeunesse dont on se souvient vingt ans plus tard, avec les enjolivements dont la mémoire a le secret.
La voix off, présente tout au long du film, le souligne d’ailleurs dans les premières minutes, s’interrogeant sur la véracité du décor qui revient en mémoire. Cette voix off, envoûtante par sa qualité linguistique autant que par son timbre, c’est celle d’un jeune homme pensionnaire d’un collège perdu au cœur de la Bavière. Un collégien qui ne jouera à peu près aucun rôle dans l’histoire, si ce n’est celui d’être le premier ami du vrai héros de cette jeunesse perdue.
Vincent (Pierre Vaneck, dans son premier rôle), jeune homme enfermé dans une enfance qu’il ne cesse d’étirer et d’idéaliser par son amour exclusif pour une mère dont on ne verra jamais rien d’autre qu’une main caressante. Une enfance passée à l’autre bout du monde, dans une Argentine qui devient le fruit de tous les fantasmes. N’est ce pas là tout le sujet du film, d’ailleurs ? Le fantasme, cette idéalisation qui vous accroche à une enfance qui touche à sa fin.
Et ce château de l’autre côté du lac ? Cette belle Marianne qui offre son amour total dès le premier coup d’œil, comme les princesses des châteaux des contes pour enfants ? Tout cela est-il bien réel ? Les biches qui courent au côté de « l’Argentin » n’ont rien de niaises. Une vision naïve, oui, mais de cette naïveté un peu douloureuse, qui déchire le cœur de ceux qui n’ont pas su tourner vraiment la page de leur jeunesse.
Le film n’est d’ailleurs pas angélique pour autant, comme le prouvent les « exactions » de la petite bande des terreurs du collège, qui étranglent des animaux pour prouver leur courage, et surtout le jeu de séduction de Lisa, la jeune pensionnaire, qui n’a pour le coup rien d’innocent. Un épisode sombre évacué en quelques secondes par les souvenirs sélectifs d’une jeunesse idéalisée. Beau film, nettement plus trouble et complexe qu’il n’y paraît…
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