Deux heures à tuer – d’Ivan Govar – 1966
Ivan Govar n’a que 30 ans quand sort Deux heures à tuer. C’est pourtant son tout dernier film, conclusion d’une carrière qui n’a pas laissé une grande impression, et guère de souvenir. C’est qu’il n’a pas été épargné par la critique, ni sauvé par le public, ce cinéaste belge condamné au purgatoire bondé des réalisateurs oubliés par l’histoire du cinéma.
Injuste ? Soyons honnête : Deux heures à tuer est assez laid formellement, qui souffre d’une photographie dégueulasse, un peu comme si le film était pensé pour les télévisions noir et blanc de l’époque. Alors forcément, le premier réflexe serait de passe à autre chose et de ne pas même voir si une réhabilitation était envisageable.
Et puis, aussitôt après ce premier réflexe vient un autre constat : cette voix off qui introduit le film, plante le décor, et enserre d’emblée le drame dans le huis-clos d’une petite gare de province. Cette entrée en matière est en soi très originale, dans sa manière assumée de ne rien montrer du drame, ces meurtres qui s’enchaînent dans cette petite ville habituellement si tranquille. Et cette voix off n’est pas celle de n’importe qui : Jean-Roger Cossimon, chanteur et parolier que Bertrand Tavernier réhabilitera quelques années plus tard, et dont la voix fascinante plante formidablement le décor.
Une petite gare, donc, dont on ne sortira à aucun moment. Et une poignée de personnages qui tuent le temps, dans ces deux petites heures qui les séparent de leur train. Le film respecte quasiment l’unité de temps. Il respecte totalement l’unité de lieu, et s’avère un modèle de construction pour introduire les différents personnages, en gardant leur part de mystère.
Il y a Cossimon lui-même, excellent en riche cocu dur de la feuille, qui se coupe volontairement du monde qui l’entoure en coupant le son de son sonotone. Et puis Catherine Sauvage en épouse calculatrice. Raymond Rouleau en amant mystérieux. Michel Simon en bagagiste bougon. Et surtout Pierre Brasseur, cabot génial.
Visuellement, le film est laid, c’est entendu. Mais il a pour lui ses voix : celle de Cossimon, celle de Simon, et celle de Brasseur, presque omniprésente, et fascinante par sa logorrhée et par les fausses pistes qu’elle véhicule : est-ce la voix d’un flic, comme on se l’imagine ? Est-ce celle d’un fin limier ou d’un idiot crédule ? Il faudra la fin assez radicale pour trouver des réponses.
Malgré ses limités esthétiques assez évidentes, Deux heures à tuer séduit et emporte, par la qualité de son scénario, par son interprétation, et par sa manière aussi, mine de rien, d’invoquer les fantômes de l’occupation au gré de ses dialogues et des apparitions répétées de policiers en uniforme. Une curiosité.
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