Play it again, Sam

tout le cinéma que j’aime

Archive pour mars, 2023

L. 627 – de Bertrand Tavernier – 1992

Posté : 21 mars, 2023 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1990-1999, TAVERNIER Bertrand | Pas de commentaires »

L 627

2h20 d’un film policier sans enquête, sans héros, sans méchants, sans même un vrai suspense. C’est ce qu’ose Bertrand Tavernier avec L.627, film chorale ou film manifeste, chronique réaliste et engagée assez audacieuse, taillée pour ne plaire à à peu près personne.

Pas aux flics eux-mêmes, que le cinéaste ne ménage pas en mettant en scène un groupe de policiers flirtant avec les règles, souvent profiteurs et magouilleurs, voire planqués. Encore moins à l’administration, dont Tavernier dénonce l’inanité, l’aveuglement et la lenteur. Et pas aux politiques, pointés du doigt en creux pour la culture du chiffre qu’ils véhiculent.

D’ailleurs, le film est une réponse à la posture d’un politique : Laurent Fabius, alors premier ministre, qui invitait des artistes à échanger avec lui à propos de sujets importants, et qui a balayé la réflexion de Bertrand Tavernier évoquant la drogue qui circule chez les jeunes par un « je vous ai demandé de me parler de sujets importants ». La réponse de Tavernier : L. 627, et une réplique cinglante lors d’une filature. « Il a pris à gauche. – Ben c’est pas Fabius. »

Voilà pour l’anecdote. L. 627 est donc le film d’un cinéaste en colère, qui a des choses à dire. C’est aussi une espèce de tournant dans l’œuvre de Tavernier, dont le cinéma était déjà engagé (dès son premier film, L’Horloger de Saint-Paul), mais toujours avec la forme relativement classique d’un film de fiction. Ici, il utilise plus que jamais les codes du documentaires, suivant le quotidien d’une brigade de flics mal équipés, bourrés de défauts et d’approximations, qui font littéralement ce qu’ils peuvent avec ce qu’ils ont.

Résultat : une suite de planques, de nuits blanches, de petites arrestations, d’interrogatoires qui n’en finissent pas, de mauvais plans et de journées perdues. Des affaires qui se résument à des statistiques, un manque criant de moyens, de l’alcool qui coule à flot, des vies privées réduites à de la figuration2h20 de ce quotidien peu glorieux, et pour tout dire assez pathétique, sans que jamais Tavernier ne cède aux sirènes d’un enjeu clairement identifié.

Il y aurait à peu près 70 rôles dans L. 627. C’est beaucoup. Mais le film garde constamment le point de vue de l’enquêteur « qui fait du zèle », joué par Didier Bezace, qui constitue une sorte de lien fictionnel au long métrage. Cette succession de petits riens, de minuscules victoires et de grandes frustrations, c’est aussi l’évolution du personnage, qui s’enfonce dans une « mission » qui dévore tout le reste, à commencer par sa vie de famille, avec cette épouse si discrète, et cette enfant si absente.

La relation du flic avec Cécile, jeune prostituée et toxicomane, est particulièrement forte. Relation d’une tendresse presque désespérée, et loin de tout cliché. Entre ces deux solitudes, c’est une sorte de pacte de la dernière chance que l’on devine : si je te sauve je me sauve, si tu plonges je me noie. C’est beau, déchirant, bouleversant. Et cette dernière image laisse une amertume folle.

Violence au Kansas (The Jayhawkers) – de Melvin Franck – 1959

Posté : 20 mars, 2023 @ 8:00 dans 1950-1959, FRANCK Melvin, WESTERNS | Pas de commentaires »

Violence au Kansas

Voilà un western qui renouvelle d’une manière assez passionnante l’éternel thème de la vengeance. Evadé de prison, un homme rentre chez lui et découvre que sa femme est morte, victime d’un puissant chef de gang. Une trame qui rappelle celle de bien des films, notamment des westerns de Boetticher avec Randolph Scott. Ici, c’est Melvin Franck qui s’y colle. Et non, le gars n’a pas la carrure de Boetticher.

Plus habitué à la comédie, Franck n’a pas le talent de l’épure qu’ont beaucoup de grands noms du genre. Certains plans sont étirés inutilement, et le rythme du film s’en ressent souvent. Il a aussi un handicap dont il ne sait visiblement pas trop que faire : plusieurs acteurs assez ternes, à commencer par le héros, Fess Parker (« y’avait un homme qui s’appelait Davy… » éternel Davy Crockett de mon enfance), monolithique en toutes circonstances.

Mais le scénario (auquel participe « Buzz » Bezzerides) est particulièrement original, osant une amitié profonde et sincère entre les deux adversaires : l’homme avide de vengeance, et celui qui a causé la perte de celle qu’il aimait. Dans ce rôle, Jeff Chandler est excellent, parfait mélange de sensibilité et de froideur meurtrière : un admirateur de Napoléon qui se rêve en maître du Kansas, dictateur en puissance aux aspirations humanistes. Un tueur impitoyable, doublé d’un homme sensible et séduisant.

Franck capte des moments inattendus de tendresse entre ces deux hommes amenés à se trahir et à s’entretuer. Des moments franchement rares dans un genre souvent marqué par une virilité à l’ancienne qui ne laisse guère de place à de telles relations entre hommes. Mais pas question de pousser trop loin l’éventuel sous-texte : une femme est là pour remettre nos couillus cow-boys dans le droit chemin (la Française Nicole Maurey, jolie et tout juste convaincante).

Mais ce qui frappe le plus dans ce western méconnu, c’est à la fois l’ampleur de la production, avec de beaux décors et beaucoup de figurants, et la beauté de la photo, chaude et profonde, que l’on doit à Loyal Griggs (oscarisé pour Shane). C’est grâce à lui si certaines scènes sont si marquantes, notamment les attaques nocturnes, spectaculaires et visuellement superbes.

  • Dans la collection Westerns de Légende de Sidonis/Calysta

J’ai été diplômé, mais… (Daigaku wa deta keredo) – de Yasujiro Ozu – 1929

Posté : 19 mars, 2023 @ 8:00 dans 1920-1929, FILMS MUETS, OZU Yasujiro | Pas de commentaires »

J'ai été diplômé mais

Fraîchement diplômé, un jeune homme n’ose pas avouer à sa mère qu’il ne trouve pas de travail. Sa fiancée, à qui il finit par se livrer, décide de travailler dans un bar pour subvenir à leurs besoins…

Voilà résumé en deux phrases, et en onze minutes de fragments survivants, l’histoire de ce long métrage dont l’essentiel a disparu. Mais les onze minutes qui restent retracent à grands traits toutes les étapes du scénario, et suffisent à comprendre que, même si le film n’atteignait sans doute pas les sommets de tant de chefs d’œuvre à venir, il ne manquait pas d’intérêt.

La scène d’ouverture est forte : un entretien d’embauche, entouré par deux plans qui se répondent montrant les pieds du jeune diplômé franchir le pas de porte du potentiel employeur, plein d’entrain en entrant, plein de dépit en sortant.

De ce qu’on peut en voir, Ozu met l’accent sur le mal-être de ce jeune homme et sa honte de voir la femme qu’il aime se montrer dans des bars…ce qui pouvait être bien audacieux dans le Tokyo de 1929. La jeune femme, c’est Kinuyo Tanaka, grande star de l’âge d’or du cinéma japonais (et future grande cinéaste éphémère), qu’Ozu dirige pour la première fois : dix films suivront au total, pendant plus de vingt-cinq ans.

La Nuit du 12 – de Dominik Moll – 2022

Posté : 18 mars, 2023 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 2020-2029, MOLL Dominik | Pas de commentaires »

La Nuit du 12

Zodiac, Memories of Murder… les polars évoquant l’obsession de flics qui échouent à résoudre un crime sont presque devenus un genre en soi. Et un genre souvent passionnant, comme le confirme La Nuit du 12, fraîchement césarisé, qui vaut à Dominik Moll un nouveau triomphe personnel plus retentissant peut-être encore que son Harry, un ami qui vous veut du bien, il y a vingt ans.

Surtout, Moll, tout en s’inscrivant dans la mouvance des chefs d’œuvre de Bong Joon Ho et David Fincher, signe un film très différent, bien dans la lignée de ce que sa courte filmographie (sept longs métrages en trente ans, c’est peu) suggérait déjà : il est un cinéaste du détail, de la précision, mais aussi d’un certain quotidien, dans lequel il infuse le déséquilibre et la rupture par de toutes petites touches.

Bon. Il y a tout de même un énorme point de bascule dans La Nuit du 12 : la scène du meurtre, ce moment très banal (une jeune femme qui quitte une soirée pour rentrer chez elle) qui tourne à la barbarie (un inconnu l’aborde, l’asperge d’essence et met le feu). Un moment qui rompt si brutalement le cours de la vie que Moll le film avec un soudain recul, avec le filtre inhabituel dans le film d’une musique dramatique, et avec une pudeur qui transforme l’horreur en une profonde émotion.

Cette scène, traumatisante et bouleversante, infuse tout le film. Elle permet aussi de ne jamais revenir lourdement sur la souffrance des flics chargés de l’enquête. C’est toute une équipe qui est mobilisée, mais le film se concentre sur le jeune chef de groupe et sur le plus ancien de ses adjoints. D’un côté, un trentenaire entièrement focalisé sur son métier, qui évacue son stress et sa colère en enchaînant les tours de piste de vélodrome, qui l’enferment symboliquement dans une logique jusqu’au-boutiste autodestructrice. De l’autre, un quinqua qui a depuis longtemps passé cet équilibre fragile, et qui arrive au point de rupture.

Entre Bastien Bouillon (étonnant César du meilleur espoir pour ce rôle – étonnant parce qu’il est loin d’être un débutant) et Bouli Lanners (César du second rôle), c’est toute la souffrance de cette enquête au long cours que capte Dominik Moll, à travers quelques éclats, de rares confessions, mais surtout à travers des silences, des non-dits, une incapacité du jeune flic à verbaliser, et une pression que son aîné peut de moins en moins canaliser

Le décor montagneux de la Maurienne n’est pas non plus anodin. Loin d’ouvrir le récit, il l’enferme au contraire dans des espèces de murs naturels qui renforcent le sentiment d’oppression, comme si les personnages s’enfermaient dans une logique de vie sans issue, que les repas qu’ils partagent régulièrement mettent en lumière, avec cette convivialité et cette légèreté feintes qui ne trompent pas grand-monde, pas même eux-mêmes.

Formidable polar entêtant, La Nuit du 12 pourrait être plombant. Il est effectivement très sombre, avec ces hommes et ses femmes qui s’accrochent avec la conviction du désespoir au moindre fil, systématiquement contrarié. Pourtant, Moll y insuffle de la vie, et même un étonnant sentiment d’optimisme. Ce n’est pas le moindre de ses mérites.

Le Détroit de la faim (Kiga jaikyô) – de Tomu Uchida – 1965

Posté : 17 mars, 2023 @ 8:00 dans * Polars asiatiques, 1960-1969, UCHIDA Tomu | Pas de commentaires »

Le Détroit de la faim

Grâce soit rendu à Carlotta, l’éditeur vidéo qui met en lumière ce film pas si obscur – un magazine nippon l’a classé à la troisième place des plus grands films japonais de tous les temps, devant Voyage à Tokyo – mais pour le moins méconnu de ce côté-ci du monde. Tomu Uchida m’avait en tout cas totalement échappé jusqu’à présent. Le gars a pourtant une carrière impressionnante, commencée au temps du muet, et qui touchait à sa fin lorsqu’il a signé ce film noir, saga monumentale qui, sous des attraits de film de genre, nous plonge dans les années de la reconstruction.

Le film commence en 1947. Le traumatisme de la guerre n’est jamais évoqué frontalement, ou lourdement, mais il est omniprésent dans le décor, et dans la vie des personnages. La misère est omniprésente, le chômage, les dettes, la présence américaine, les terrains vagues, les coupures d’électricité, le vagabondage, l’insécurité, l’inconstance sociale… Voilà pour la trame de fond. Alors non, on ne voit rien de la guerre, mais elle introduit chacun des personnages à sa manière.

Ce qui frappe dans ce film, en plus de la puissance picturale et du grain profond du noir et blanc, c’est justement l’importance donnée à chacun des personnages, dont on adopte successivement les points de vue, avec des ruptures parfois violentes et radicales, qui chacune renforce le drame qui se noue. Avec même une ellipse radicale et belle figurée par un alignement de statuettes…

Les choses inanimées sont souvent porteuses de symboles, de souvenirs, voire même de toute une vie. A ce propos, y a-t-il un autre film dans l’histoire du cinéma où on voit une jeune femme jouer longuement avec l’ongle de son amour disparu, dans une scène qui plus est lourde en évocation sexuelle ? Je parierais que non…

D’emblée, le film s’inscrit dans un contexte historique fort : celui d’un typhon qui a ravagé une partie du Japon, causant le naufrage d’un ferry et la mort de centaines de passagers. Mais sur la plage, les corps de deux inconnus sont retrouvés, qui ne correspondent pas à la liste des passagers. Des clandestins ? Un flic malade et en bout de course est persuadé que non, et se lance à la poursuite d’un troisième homme, dont il est persuadé qu’il est responsable d’un autre crime.

L’homme est-il coupable ? Il est en fuite en tout cas, voyage autant physique qu’intérieur qui lui fait traverser un pays exsangue, côtoyer la mort de la manière la plus intime qui soit (l’image saisissante de cette vieille aveugle invoquant les esprits)… La mort est omniprésente dans le film, y compris dans la belle rencontre entre le fuyard et la jeune prostituée, cœur vibrant du film.

Deux scènes clés se répondent, à dix ans de distance. Deux scènes très similaires dans la construction : une étreinte passionnée entre le même homme et la même femme. De la première violente et angoissante née un grand moment de bonheur. De la seconde, qui a le désespoir de la passion retrouvée, ne sort que mort et désolation… Dans les deux cas, Tomu Uchida nous prend par surprise, déclenchant des torrents d’émotion.

  • Blu ray chez Carlotta

Domingo et la brume (Domingo y la niebla) – d’Ariel Escalante Meza – 2022

Posté : 16 mars, 2023 @ 8:00 dans * Polars sud-américains, 2020-2029, ESCALANTE MEZA Ariel | Pas de commentaires »

Domingo et la brume

Dans un petit village de montagne du Costa Rica, les habitants déménagent les uns après les autres, leurs terres étant achetées par une grosse entreprise qui prévoit d’y faire passer une autoroute. Les travaux ont commencé, troublant la quiétude habituelle de ce coin reculé, mais un vieil homme refuse obstinément de vendre : Domingo, veuf qui craint s’il part d’être coupé du lien qui le relie encore à sa femme défunte…

Le thème de ce film costa-ricain (une première « ever » pour moi, me semble-t-il), l’obstination d’un homme qui ne veut pas céder aux sirènes de l’argent facile, préférant défendre jusqu’au bout un mode de vie simple et proche de la nature, évoque d’emblée le formidable As Bestas, l’un des meilleurs films de l’année dernière. Mais la comparaison ne va pas beaucoup plus loin que ce thème et la peinture d’un microcosme d’un autre temps rattrapé malgré lui par une modernité et un capitalisme présentés sans détour comme une menace.

En cela, le film d’Ariel Escalante Meza est un manifeste politique contre la déforestation, pour la sauvegarde des espaces naturels, et pour le respect d’un mode de vie séculaire. Mais le cinéaste, dont c’est le deuxième long métrage, signe un film nettement plus vaporeux que celui de Sorogoyen, flirtant avec le surnaturel, avec cette brume qui revient comme un mantra, et qui évoque autant le Fog de John Carpenter que le fantastique onirique de l’Oncle Boonme (c’est discutable bien sûr, mais c’est le film de Weerasetakhul qui m’est revenu à l’esprit devant certaines scènes nocturnes).

Cette brume, le héros du film (Domingo, donc) la voit comme une personnification de feu son épouse, qui vient lui rendre visite nuit après nuit. Et curieusement, cet aspect peut-être fantastique (et peut-être n’est-ce que la vision d’un homme trompé par l’alcool qu’il consomme en grandes quantités et de la culpabilité qui le ronge de ne pas avoir été un bon mari) donne un cadre plus concret au drame qui se noue, à ce refus obstiné de vendre comme le font tous ses amis, tous ses voisins.

Malgré une lenteur parfois un rien excessive (un travers habituel chez les « réalisateurs à festivals »), Ariel Escalante Meza signe un film envoûtant, d’une beauté formelle spectaculaire. Le gars a un sens du cadre et de l’image exceptionnels, et il ne me semble pas qu’il y ait dans ces quatre-vingt-dix minutes le moindre plan anodin. Chaque image est splendide, jouant avec des lumières quasi-surréelles et des ombres très profondes.

Le réalisateur sait aussi capter la profondeur du regard, beau, de Carlos Ureña, dont le visage fascine lorsqu’il n’est pas escamoté par un autre travers du cinéaste, qui a une tendance un peu trop appuyée à filmer ses personnages (longuement) de dos. L’émotion et la complexité des sentiments sont telles lorsqu’il cadre les visages que ce goût pour les dos lasse un peu. Mais il y a une vraie atmosphère dans ce film, une vraie intensité aussi. Le Costa Rica est donc aussi une belle terre de cinéma

Astérix et Obélix : l’empire du milieu – de Guillaume Canet – 2023

Posté : 15 mars, 2023 @ 8:00 dans 2020-2029, CANET Guillaume, FANTASTIQUE/SF | Pas de commentaires »

Astérix et Obélix L'Empire du Milieu

Pierre Richard, alias le druide Panoramix, qui s’enfonce dans des sables mouvants devant Obélix (jadis interprété par son compère de La Chèvre Depardieu). « C’est oui ou bien c’est non ? » interroge Falbala, reprenant le titre d’une chanson de son interprète Angèle. Un super-guerrier romain joué par Zlatan Ibrahimovic qui sort du champ de bataille sur blessure et demande son remplacement… Il est comme ça, le Astérix de Guillaume Canet : ultraréférencé, parsemé d’une infinité de clins d’œil à la culture populaire sous toutes ses formes.

Le casting lui-même est à l’avenant, offrant des apparitions à Macfly et Carlito, Orelsan ou Bigflo et Oli, pour ne citer qu’eux. Apparitions franchement inconsistantes, comme si l’unique ambition de Canet était d’accumuler les références. C’est un peu léger comme ligne de conduite, surtout que 80 % des blagues tombent à plat, et qu’on ne peut pas compter sur un quelconque suspense pour assurer l’intérêt : c’est Astérix, et même si le film est basé sur un scénario original, l’univers est ultrabalisé.

On sent bien que Canet rêve de réaliser « son » Mission Cléopâtre. Mais il n’est pas Chabat. Et si sa mise en scène est propre, efficace et même assez généreuse, son sens de la comédie pure reste à prouver. Surtout, il manque d’un univers comique marqué. Là où l’ex-Nul marquait de son empreinte son adaptation pour signer un film personnel, lui se contente d’enchaîner jeux de mots, effets spéciaux et guests. La seule fois où on reconnaît un peu la patte de Canet, c’est dans les toutes dernières secondes, lorsque les deux amis de toujours se retrouvent enfin après avoir passé deux heures à se faire la gueule.

Canet lui-même est pas mal en Astérix. Mais il laisse clairement la vedette à Jonathan Cohen, qui fait efficacement du Jonathan Cohen en faux gaulois fort en gueule, et à son complice Gilles Lellouche, digne successeur de Depardieu en Obélix. Il est celui qui tire le mieux son épingle du jeu, avec Vincent Cassel, qui s’amuse autant qu’il nous amuse en Jules César, orgueilleux et fou d’amour pour la belle Cléopâtre (Marion Cotillard, qui en fait beaucoup).

Le Galopin / Un garçon honnête (Tokkan kozo) – de Yasujiro Ozu – 1929

Posté : 14 mars, 2023 @ 8:00 dans 1920-1929, COURTS MÉTRAGES, FILMS MUETS, OZU Yasujiro | Pas de commentaires »

Un garçon honnête

Il ne subsiste qu’un bon quart de ce moyen métrage qui durait à l’origine une quarantaine de minutes. Le montage pour le moins serré s’en ressent, avec de longues séquences manquantes ou écourtées, mais le film n’en reste pas moins parfaitement compréhensible, et assez charmant. Une pure comédie pour le coup, genre pas si courant dans le cinéma d’Ozu : une histoire d’enlèvement d’enfant que le cinéaste tourne en dérision avec un esprit très slapstick américain.

L’enfant en question est joué par Tomio Aoki, que l’on reverra beaucoup dans le cinéma d’Ozu (dans Gosses de Tokyo notamment), mais aussi chez Naruse (La Rue sans fin) ou plus tard chez Kon Ichikawa (La Harpe de Birmanie). Sa bouille ronde et son air sérieux font merveille dans ce film, où il fait tourner en bourrique l’homme qui l’enlève et celui qui l’emploie… deux « méchants » pas très sérieux pour le coup.

Les premières minutes ont un petit côté étrangement amateur, qu’Ozu rattrape bien vite lorsque la pure comédie se met en place, et que la jeune victime commence à martyriser ses bourreaux. C’est alors vif et drôle, toujours très léger, une petite chose bien sympathique qui n’annonce pas vraiment les grands chefs d’œuvre à venir du cinéaste, mais que l’on découvre avec une curiosité réjouie.

Danger de mort – de Gilles Grangier – 1947

Posté : 13 mars, 2023 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1940-1949, GRANGIER Gilles | Pas de commentaires »

Danger de mort

Grangier est un cinéaste dont il est bien difficile de savoir ce qu’il faut en attendre. Le noir lui va plutôt bien d’habitude, et ce Danger de mort est assez intriguant sur le papier : un pharmacien, tout à la joie de devenir père pour la première fois, réalise trop tard qu’il a confondu des flacons et ajouter du cyanure au sirop qui a fait sa renommée. Il se lance alors dans une course désespérée à travers la nuit pour retrouver les cinq personnes à qui il a vendu le sirop, pour éviter un drame, et sauver sa réputation.

Intriguant et même assez excitant. Mais dès les premières scènes, on sent bien que quelque chose cloche, et que Grangier hésite constamment sur la direction à prendre. Il y a de la comédie très légère dans le jeu de Fernand Ledoux, papa-quinqua-gâteau. Il y a du noir dans le personnage de collabo qui sort de prison, hanté par ses voix intérieures et sa culpabilité toute en voix off très « film noir ». Belle scène d’ailleurs que cette sortie de prison très paranoïaque, personnage intéressant et trouble dont le film ne fait pas grand-chose, sinon lui offrir une sortie de porte cynique et très discutable.

Sous ses faux airs de comédie teintée de suspense, le film offre une vision franchement glauque de l’humanité, dans cette petite ville de province d’apparence si tranquille. Et il n’y a guère que le jeune couple de passage qui semble trouver grâce aux yeux du cinéaste. Pas les gens du cirque en tout cas, occupés à martyriser « le nain » avec une cruauté déshumanisée comme on n’en voit pas si souvent au cinéma.

Un collabo, un jeune couple de passage, un nain… Drôle de bestiaire, auquel on aurait bien du mal à trouver un lien. Cette histoire de flacon empoisonné ressemble à un argument pour enchaîner des scènes plus ou moins inspirées sur le même thème : comment le pharmacien va-t-il pouvoir subtiliser le sirop le plus discrètement possible, pour éviter l’accident et le scandale…

C’est inégal, et c’est surtout très répétitif, avec le sentiment de faire du sur-place, et un enjeu dramatique qui s’essouffle vite. On a connu Grangier plus inspiré, pour le coup.

Retour à l’aube – d’Henri Decoin – 1938

Posté : 12 mars, 2023 @ 8:00 dans 1930-1939, DARRIEUX Danielle, DECOIN Henri | Pas de commentaires »

Retour à l'aube

Elle est simple, cette histoire : la jeune et jolie femme du chef d’une petite gare découvre la ville et ses tentations, au risque de se perdre. Simple, et semblable à tant d’autres films qui opposent l’innocence des jeunes filles de la campagne au cynisme des citadins.

Le fond du film n’est guère différent. Mais pour ce qui est de la forme… Decoin signe une petite merveille, à la fois légère et grave, anodine et d’une intensité folle. La jeune fille, c’est Danielle Darrieux forcément, la muse incontournable du réalisateur à cette époque (à moins que ce ne soit le contraire). Le couple représente alors une sorte d’idéal de cinéma, et Retour à l’aube est l’un de leurs chefs d’œuvre.

Elle est merveilleuse, Darrieux, dans le rôle de cette jeune innocente confrontée aux tentations, aux doutes, aux drames, en une seule soirée qui vaut une vie, tout ça à cause d’un train raté pour deux minutes. « Deux minutes m’ont perdue… On croit que ce n’est rien, deux minutes… » Le regard de Darrieux, ses lèvres en suspension, ses cris paniqués… Le genre de rôle qui suffit à faire la réputation d’une actrice. Elle en aura d’autres, des rôles marquants, mais celui-ci est magnifique.

Decoin, grand cinéaste et grand amoureux, ne la quitte pas un instant. Il la filme avec passion. Il filme aussi l’effet qu’elle fait sur les autres et c’est aussi beau : les regrets des employés d’un hôtel qui la regardent partie les menottes aux poignets, les réflexions pleines de désirs de riches peu reluisants, le trouble de policiers pas si inflexibles, celui d’un grand voleur et grand séducteur, et la vulnérabilité tardive d’un mari pas si froid…

Il est beau ce film, parce que Darrieux est grande, et parce que Decoin, cinéaste décidément précieux et trop peu reconnu, filme chaque situation, si anodine soit-elle, comme s’il s’agissait du sommet du film. C’est la marque de ses plus belles réussites. C’est de cette passion totale que naît les torrents d’émotion que suscite Retour à l’aube. Une merveille. Point.

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