The Black Watch (id.) – de John Ford – 1929
Pour le moins inégal, ce Ford des premiers temps du parlant. The Black Watch aborde de nombreux thèmes, ébauche de multiples pistes. Parfois avec beaucoup de bonheur, parfois avec un résultat nettement moins convaincant.
Les scènes dialoguées sont ainsi lourdes et figées, franchement peu convaincantes. Cela s’explique : quelques mois seulement après l’apparition du parlant, Hollywood tâtonne encore dans ce domaine. Le moins qu’on puisse dire ici, c’est que ces dialogues pèsent sur le rythme et la cohérence du film. Il faut dire aussi que ces scènes dialoguées ont été confiées à Lumsdal Hare, l’acteur qui joue l’officier en chef de la Black Watch et qui était aussi metteur en scène de théâtre. Une fausse bonne idée.
C’est dans les scènes plus vivantes que l’on retrouve le talent de Ford. Ce moment, notamment, où le personnage joué par l’incontournable Victor McLaglen s’éloigne dans la nuit, laissant derrière lui les chants de ses camarades de régiment qu’une mission secrète l’oblige à abandonner, les laissant croire qu’il est un lâche fuyant la violence des combats.
L’histoire se déroule durant la Grande Guerre, alors que son régiment d’Ecossais, la Black Watch, s’apprête à embarquer pour le front de France. L’occasion pour Ford de filmer des scènes de camaraderie comme il les aime tant, et de nous plonger dans la culture écossaise comme il l’a tant fait avec l’Irlande. L’occasion aussi de filmer une séquence mémorable sur un champ de bataille des Flandres, images plongées dans l’obscurité et réduites à quelques plans percutants et dramatiques.
McLaglen, lui, a dû quitter ses frères d’arme pour mener à bien une mission top secret en Inde, où il doit éviter une guerre civile. Cette partie, centrale, est plombée par plusieurs handicaps. D’abord, cette manie hollywoodienne de confier des rôles d’indigènes à des acteurs très blancs (Roy d’Arcy et Myrna Loy, qui surjouent lourdement l’accent indien, sans avoir grand-chose de pertinent à jouer). Et puis un exotisme à la limite de la caricature.
Quelques belles idées surnagent dans cette Inde de carte-postale : Victor McLaglen en séducteur patriotique (un emploi pour le moins inattendu), une évocation très d’actualité de la violence extrême au nom de la religion, ou encore une scène de massacre assez glaçante, qui vient mettre un sacré coup à la notion de bien ou de mal, et que Ford filme en laissant planer le doute sur ses intentions. Il sera en tout cas plus ouvertement critique lorsqu’il filmera une autre scène de massacre assez similaire, dans le sous-estimé Quatre hommes et une prière.