Thelma et Louise (Thelma & Louise) – de Ridey Scott – 1991
Cinq minutes, max. C’est ce qu’il faut à Ridley Scott pour faire ressentir au spectateur ce qu’est le quotidien d’une femme bridée, brimée, privée de sa liberté et de son libre-arbitre. On a beaucoup parlé du souffle de Thelma et Louise, de la dernière image inoubliable, ou de l’apparition d’un Brad Pitt tout minot et capable de faire virer sa cuti au plus macho des hétéros… Mais tout ça ne rend pas forcément justice à la première qualité de ce film : celle d’être profondément féministe, dans ce que ce terme a de plus révolté.
Louise, Susan Sarandon, serveuse aimée par un loubard un peu frimeur et maladroit, mais désespérément sincère (Michael Madsen, cabot très cinégénique), définitivement abîmée par un vieux traumatisme dont on ne peut que deviner (sans guère de doute) la nature destructrice. Thelma, Geena Davis, épouse docile et aliénée d’un sale con castrateur, qui ne voit en elle que la brave domestique qui va lui préparer les petits plats qu’il mangera ou pas, selon son bon-vouloir…
Ces deux-là décident de s’évader le temps d’un week-end, qui ne tardera pas à virer à la débandade, ou à la rédemption, c’est selon. Après tout, l’une comme l’autre est foutue, marquée par le destin, par les hommes. Ridley Scott a plutôt l’image d’un cinéaste couillu et très masculin. Ce qui ne l’a jamais empêché d’offrir des rôles très forts, très émancipés, à des femmes : Sigourney Weaver dans Alien, Demi Moore dans A armes égales… et bien sûr Geena Davis et Susan Sarandon, qui trouvent là les rôles de leur vie.
Autour d’elles, les hommes sont pour la plupart des ordures, ou au mieux des parasites. Les rares exceptions ne peuvent que rêver d’un rôle qu’ils pourraient jouer dans ce drame, dont ils ne sont au fond que des spectateurs tristement passifs : Madsen, donc, et Harvey Keitel, flic compréhensif dont le regard est une sorte de synthèse de celui du spectateur devant l’écran. Son humanité ne peut que se liquéfier face au drame qui se noue…
Il y a le fond, et il y a la forme. Elle est belle et discrète, la forme. Sans grandiloquence franchement marquée, Scott souligne mine de rien le passage psychologique de ses deux héroïnes, cette bascule vers un sentiment de profonde liberté, de délivrance, qui prend les attraits mythiques car très cinématographiques des grands espaces américains, du Grand Canyon, de Monument Valley, des couchers de soleils spectaculaires.
C’est l’imagerie de l’Ouest sauvage, d’avant les frontières, que Scott invoque, comme représentation du refus tardif de Thelma et Louise de subir l’asservissement des hommes. Et c’est une splendeur visuelle, en plus d’être bouleversant. Ridley Scott a fait plus spectaculaire (Blade Runner avant, Seul sur Mars après), rarement plus humain et universel que cette ode sensible et désenchantée à la liberté, à la fin tout de même inoubliable.
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