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L. 627 – de Bertrand Tavernier – 1992

Classé dans : * Polars/noirs France,1990-1999,TAVERNIER Bertrand — 21 mars, 2023 @ 8:00

L 627

2h20 d’un film policier sans enquête, sans héros, sans méchants, sans même un vrai suspense. C’est ce qu’ose Bertrand Tavernier avec L.627, film chorale ou film manifeste, chronique réaliste et engagée assez audacieuse, taillée pour ne plaire à à peu près personne.

Pas aux flics eux-mêmes, que le cinéaste ne ménage pas en mettant en scène un groupe de policiers flirtant avec les règles, souvent profiteurs et magouilleurs, voire planqués. Encore moins à l’administration, dont Tavernier dénonce l’inanité, l’aveuglement et la lenteur. Et pas aux politiques, pointés du doigt en creux pour la culture du chiffre qu’ils véhiculent.

D’ailleurs, le film est une réponse à la posture d’un politique : Laurent Fabius, alors premier ministre, qui invitait des artistes à échanger avec lui à propos de sujets importants, et qui a balayé la réflexion de Bertrand Tavernier évoquant la drogue qui circule chez les jeunes par un « je vous ai demandé de me parler de sujets importants ». La réponse de Tavernier : L. 627, et une réplique cinglante lors d’une filature. « Il a pris à gauche. – Ben c’est pas Fabius. »

Voilà pour l’anecdote. L. 627 est donc le film d’un cinéaste en colère, qui a des choses à dire. C’est aussi une espèce de tournant dans l’œuvre de Tavernier, dont le cinéma était déjà engagé (dès son premier film, L’Horloger de Saint-Paul), mais toujours avec la forme relativement classique d’un film de fiction. Ici, il utilise plus que jamais les codes du documentaires, suivant le quotidien d’une brigade de flics mal équipés, bourrés de défauts et d’approximations, qui font littéralement ce qu’ils peuvent avec ce qu’ils ont.

Résultat : une suite de planques, de nuits blanches, de petites arrestations, d’interrogatoires qui n’en finissent pas, de mauvais plans et de journées perdues. Des affaires qui se résument à des statistiques, un manque criant de moyens, de l’alcool qui coule à flot, des vies privées réduites à de la figuration2h20 de ce quotidien peu glorieux, et pour tout dire assez pathétique, sans que jamais Tavernier ne cède aux sirènes d’un enjeu clairement identifié.

Il y aurait à peu près 70 rôles dans L. 627. C’est beaucoup. Mais le film garde constamment le point de vue de l’enquêteur « qui fait du zèle », joué par Didier Bezace, qui constitue une sorte de lien fictionnel au long métrage. Cette succession de petits riens, de minuscules victoires et de grandes frustrations, c’est aussi l’évolution du personnage, qui s’enfonce dans une « mission » qui dévore tout le reste, à commencer par sa vie de famille, avec cette épouse si discrète, et cette enfant si absente.

La relation du flic avec Cécile, jeune prostituée et toxicomane, est particulièrement forte. Relation d’une tendresse presque désespérée, et loin de tout cliché. Entre ces deux solitudes, c’est une sorte de pacte de la dernière chance que l’on devine : si je te sauve je me sauve, si tu plonges je me noie. C’est beau, déchirant, bouleversant. Et cette dernière image laisse une amertume folle.

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